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TIME INDEFINITE de Ross McElwee [critique]

TIME INDEFINITE de Ross McElwee [critique]

"Chroniques américaines" est un coffret de 2 DVD contenant 2 documentaires de Ross McElwee chacun (ce qui donne donc à la louche 4 films en tout) et distribué par Les films du paradoxe depuis le 20 Octobre 2013.

Alors que dans le premier documentaire, intitulé "Backyard", le réalisateur filmait sa famille dans la Caroline du Nord du milieu des années 70 et où on sentait qu'il se cherchait et recherchait ce que serait son style, dans le second volet, "Time indefinite", on comprend tout de suite qu'il a trouvé son ton et ce qu'il veut faire avec ses images : une psychanalyse en voix off sur fond de chronique familiale.

Je me concentrerai donc sur ce deuxième film (en attendant de visionner les 2 autres).

Au même titre que JJ disait « on n'enseigne et on ne peut enseigner que ce que l'on est », on ne peut apparemment créer et transmettre que ce que nous sommes, avec nos névroses et nos passions (et le jour où Stromae réglera ses problèmes avec son père il ne fera plus de musique). Ainsi, Ross McElwee ne cherche pas à se cacher derrière une quelconque prétention universelle, il ne triche pas : il parle ici de lui, de ce qui le touche et le préoccupe, point.

Il y reprend d'ailleurs certaines images de son père qui se trouvaient dans « Backyard »et il est intéressant de noter la différence de commentaires et donc de traitement de ces même images entre le premier et le second documentaire, entre le post-adolescent et l'adulte, entre la vie et la mort...

TIME INDEFINITE de Ross McElwee [critique]

Il prend donc le temps, le Ross, de se poser toutes ces questions qu'on évite soigneusement, sur l'existence, sur les traumas à la con de l'enfance qui nous poursuivent ensuite telle une bande de 30 canards un peu trop bruyants dans nos têtes, sur les liens familiaux, sur les engagements et sur les sentiments, sur la mise en position de faiblesse qu'ils impliquent, là où l'on préfère se concentrer sur l'instant, le quotidien et par là même être dans un bon gros déni (parce que si on commence à trop y réfléchir, on risque de ne plus dormir, de commencer à chialer sans plus pouvoir s'arrêter, de partir pour une petite dizaine d'années de thérapie voire de demander un internement volontaire d'office avec traitement médicamenteux pour assommer un cheval de trait).

TIME INDEFINITE de Ross McElwee [critique]

Et bien qu'éloignée dans le temps, sa démarche demeure très actuelle, particulièrement efficace ou particulièrement gonflante (voire les deux) : en effet, les remises en questions métaphysiques très intimes de ce mec font de ce documentaire le meilleur film 2014 (jusqu'à présent) pour vous amener à réfléchir sur vos propres angoisses, sur tout ce que vous pouvez refouler gaiement, alors que le pitch présentait plus une réflexion sur la société américaine en général en partant de l'impact sur la famille du bonhomme en particulier (peut-être que quand on a un peu trop tendance à enterrer des gens (enfin à se taper des obsèques, pas à piocher au fond des bois) tout en s'évertuant à repeupler la planète on devient inconsciemment sujet à la sensiblerie aussi...).

Donc, histoire d'aller bien profond dans son processus de deuil, quoi de mieux que de recueillir le témoignage d'une gonzesse dont le mari s'est immolé dans leur baraque et qui joue nonchalamment avec le sac de cendres du défunt (et d'une partie du mobilier) tout en dissertant du fait qu'elle n'arrive pas à se résoudre à s'en défaire ? Ou de tenter de parler avec ses frère et sœur qui, eux, préfèrent nourrir des perroquets ou faire du scrap-booking avec de vraies images d'éventrations et de tumeurs bien dégueulasses ? (où on se rend compte qu'au début des années 80, on était soit moins puritains soit vachement moins conscients de l'impact gerbatoire des images... NB : ne pas regarder en mangeant, sauf si vous êtes chirurgien, vétérinaire, boucher ou tueur en série.)

TIME INDEFINITE de Ross McElwee [critique]

Ce documentaire 2014 se termine quand même sur une note d'espoir, sur les regards complices échangés avec sa femme alors que la morue aux cendres déblatère et intellectualise sur le fait que se reproduire c'est une erreur « parce-qu'y-a-tellement-plein-de-petits-malheureux-sur-Terre-blablabla »...

Mais le film laisse tout de même un goût amer, tant il nous rappelle à quel point on est bien peu de chose (un petit sac en plastique de merde percé, en gros, « parce que les os c'est pointu »).

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