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LE DOMPTEUR DE LIONS de Camilla Läckberg [critique]

LE DOMPTEUR DE LIONS de Camilla Läckberg [critique]

De deux choses l'une : soit Camilla Lackberg écrit pour les gens qui commenceraient la saga "Erica Falck/Patrick Hedstrom" par le dernier roman sorti et dans ce cas elle se fout allègrement de la gueule des lecteurs qui la suivent depuis 8 ans, soit elle écrit contrainte et forcée par sa maison d'édition (ou par l'appât du gain) qui la séquestre dans une cave et alors dans ce cas ce roman est un appel à l'aide.

Parce que ça n'est pas possible de s'auto-plagier à ce point en reprenant les éléments (principaux ou secondaires) des intrigues que l'on a déjà pu lire dans les premiers romans de la série et d'en faire une sorte de mix ou de Best Of sans avoir une excuse valable !

Par exemple, on y retrouve de la grossesse non désirée comme dans LA PRINCESSE DE GLACE (mais aussi de l'inespérée complètement prévisible), de l'entreprise criminelle familiale comme dans LE PREDICATEUR, du changement d'identité comme dans LE TAILLEUR DE PIERRE, du placement d'enfants traumatisés comme dans L'OISEAU DE MAUVAIS AUGURE, de l'amour maternel impossible comme dans L'ENFANT ALLEMAND ou, au contraire, aveugle et inconditionnel comme dans LE GARDIEN DE PHARE, de la jalousie pathologique vindicative comme dans LA SIRÈNE, de dangereux psychopathes derrière des personnes bien sous tout rapport comme dans LA FAISEUSE D'ANGES... Et bien d'autres thèmes récurrents comme l'enlèvement, le viol, les préjugés, la violence psychologique, la loyauté étrange, le harcèlement moral, le meurtre, la destruction de personnalité, la torture et les mutilations physiques (mais exceptionnellement, pas vraiment de femmes battues, d'enfants morts ni de nazis, youpi !).

C'est donc un premier problème assez frappant mais il y en a d'autres :

D'un point de vue narratif, outre le fait que personne ne se demande où sont passés les corps, le Patrick ne se dit pas qu'à un moment donné, les recherches d'Erica pour son putain de bouquin vont apporter un éclairage à son enquête à lui, comme à chaque fois... Et comme à chaque fois, Erica va forcément foncer tête baissée histoire de bien se retrouver dans la merde.

Il (Patrick) allait péter les plombs mais elle (Erica) n'avait pas le choix (pourquoi ?...). Si elle restait sans agir, alors qu'elle avait peut-être raison, les conséquences pourraient s'avérer catastrophiques (pourquoi ?!?...). Elle ferait attention. Il fallait penser aux enfants, ne prendre aucun risque (dit-elle en se jetant parfaitement consciemment dans la gueule du loup...). Elle avait appris la leçon au fil des ans (ouais donc pas du tout en fait).

Et un paragraphe plus loin...

Toute prudence s'envola. Elle se rua vers la porte (...) qu'elle ouvrit à la volée.

Sublime contresens P359 & 360.

Un peu comme s'ils étaient frappés d'un Alzheimer précoce ou qu'ils n'avaient absolument pas vécu le récit de leurs précédentes aventures (ou qu'Erica était en réalité parfaitement inconsciente ou juste particulièrement conne)... À moins que l'auteure ne se soit dit que les lecteurs de la première heure avaient assurément lâché l'affaire après LE GARDIEN DE PHARE et qu'elle pourrait recycler tranquillou ses anciennes intrigues, que refourguer ses vieilles recettes passeraient totalement inaperçu.

Et ben non, surprise !!!! Y'en a qui sont encore là !!!!!

Et puis, trop de suspens tue le suspens : Tiens, un personnage a une révélation à faire ! Mais attention, il ne va pas pouvoir la faire au téléphone, ou dans cette pièce-là, ou avant d'avoir bu un café, ou sans avoir assouvi une soudaine et irrépressible envie d'introspection, ou avoir vérifier qu'il avait bien éteint le gaz... Et on va donc d'abord noircir de la page, un peu comme si le roman avait eu une première parution en feuilleton payé à la ligne, ce qui donne envie de sauter des pans entiers de l'histoire et de hurler : MAIS TU VAS LA CRACHER TA VALDA BORDEL DE MERDE ??!!!!!!

Surtout quand les flashbacks sont tournés de telle manière qu'ils constituent à eux seuls d'énormes spoilers et que l'intrigue s'avère tellement prévisible qu'on attend juste la confirmation de ce que l'on a deviné depuis des lustres pour pouvoir avancer enfin et aller au bout d'une histoire qui apparaît terriblement longue.... Ou bien est-ce parce qu'on a grandi, qu'on s'est lassé ou qu'on la connait désormais par cœur qu'on parvient à anticiper la trame et qu'on remarque aussi toutes ses petites faiblesses ?

Car d'un point de vue stylistique, la Camilla se laisse aussi aller à la facilité en usant et abusant du même procédé digne d'une voix off d'une émission de reportages racoleurs de W9 ou NT1 :

Elle les serra fort, profita de leur présence. Mais sur sa rétine, elle vit une autre enfant. Une petite fille seule dans le noir.

P62

Ils montèrent à l'étage, pendant que Maja racontait gaiement les évènements de la journée. Mais il n'entendait pas ceux qu'elle disait. Ses pensées allaient vers une fille coincée dans une bulle.

P82

Ou en ayant carrément recours à la lapalissade chatoyante voire à l'enfoncement en règle de portes grande ouvertes avec un bélier du GIGN :

Il s'essuya les mains sur un torchon ; à en juger par l'odeur en cuisine, il était en train de préparer à manger.

P294

Mais toutes ces années passées dans la police lui avaient appris que la certitude valait toujours mieux que le soupçon.

P331

Ou en s'adonnant à la répétition pure et simple (à moins que la traductrice n'ait abandonné le navire) :

Nettan serra son tricot bouloché plus près du corps.

P121

Nettan serra son tricot encore plus près du corps. (...)
Nettan haussa les épaules. (...)
Nettan haussa les épaules de nouveau.

P122

Et puis finalement ça reste efficace et malgré tout, même si on le voit venir à des kilomètres, même s'il en fait des tonnes, même si la conversation "tout est bien qui finit bien" entre nos deux héros donne envie de leur foutre le feu, le dénouement est tellement angoissant qu'il met à nouveau une formidable gifle qui fera que je lirai encore le suivant (même si je pense qu'il faudrait songer à clore la série)...

Ou alors c'est vraiment parce que j'étais crevée, ou que je suis maso, ou qu'il était tard et que je fais bizarrement nettement moins la maligne en pleine nuit.

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