23 Novembre 2017
PREMIÈRE PARTIE.
Jean Macquart est ouvrier agricole dans la Beauce. Il a un copain surnommé Buteau qui a engrossé sa cousine Lise. Son père, Fouan, décide de faire donation de ses terres à ses trois enfants de son vivant. Mais comme le tirage au sort ne lui plait pas, Buteau est fâché tout plein.
CHAPITRE UN, où il est beaucoup question de fécondation...
Fin octobre dans la Beauce, au lieu-dit de la Borderie. Jean Macquart, frère de Gervaise (L’ASSOMMOIR), de Lisa (LE VENTRE DE PARIS) et fils d’Antoine (LA FORTUNE DES ROUGON) est en train d’ensemencer la terre de son patron Hourdequin d’un habile mouvement du poignet. C’est alors que la Coliche, la vache de la jeune Françoise, chaude comme un baraque à frites, s’emballe, transformant ainsi la gamine en herse humaine labourant les champs dans lesquels elle est traînée. Elle est sauvée par Jean, qui s’interpose et décide de l’accompagner. Durant le trajet, il lui raconte ses origines à Plassans, son passé de menuisier ainsi que la bataille de Solférino (en Italie, pas à Paris) à laquelle il a participé (d’où son surnom de Caporal), et elle lui parle de sa grande sœur Lise, enceinte de leur cousin Buteau. Arrivés à la ferme où elle doit mener sa vache au taureau, elle se retrouve à mener le taureau dans la vache, littéralement, d’une petite main experte.
CHAPITRE DEUX, où l’on parle de donation-partage...
Dans la famille Fouan je voudrais le vieux, Louis et la vieille, Rose. Je voudrais également leur fils aîné, Hyacinthe dit Jesus-Christ, pocherasse locale, leur fille cadette, Fanny et son mari Delhomme, et leur benjamin, Buteau. Tout ce petit monde se retrouve donc chez le notaire. Après d’âpres négociations auxquelles le patriarche met un terme par de violentes menaces quant à l’intégrité physique de sa progéniture, il est décidé qu’il conservera avec sa femme l’usage de la maison et du jardin, qu’il percevra des avantages en nature ainsi qu’une rente tandis que ses enfants se partageront équitablement ses terres, dans la joie et la bonne humeur.
CHAPITRE TROIS, où l’on fait connaissance avec le reste de l’arbre généalogique...
Louis Fouan, le patriarche, a donc un frère, Michel Fouan dit Mouche, père de Françoise et de Lise, une sœur aînée, Marianne dite la Grande, et une cadette, Laure, mariée à M. Charles. Et le sport national de la famille est de chercher à s’enrichir et à agrandir le patrimoine agricole en reniant et en laissant crever au passage les descendants qui auraient le malheur d’entraver cette quête en faisant un mariage d’amour et non d’argent ou d’intérêt par exemple. Et la Grande met en garde son petit frère de 70 piges en lui disant, en substance, qu’il fait une énorme connerie en se dépouillant de son vivant :
– Écoute, retiens ça… Quand tu n’auras plus rien et qu’ils auront tout, tes enfants te pousseront au ruisseau, tu finiras avec une besace, ainsi qu’un va-nu-pieds… Et ne t’avise pas alors de frapper chez moi, car je t’ai assez prévenu, tant pis !… Veux-tu savoir ce que je ferai, hein ! veux-tu ?
Il attendait, sans révolte, avec sa soumission de cadet ; et elle rentra, elle referma violemment la porte derrière elle, en criant :
– Je ferai ça… Crève dehors !
Fouan, ses fils Buteau et Jesus-Christ, et son gendre Delhomme s’en vont donc à la rencontre de Grosbois, l’arpenteur bourré, pour procéder au partage des terres. Et l’on apprend que Jesus-Christ a une fille, Olympe dite la Trouille, qui élève des oies, et que la petite sœur de Fouan, Laure, goûte une retraite paisible avec son mari après avoir fait fortune dans l’administration de leur propre maison close à Chartres (bordel légué à leur fille Estelle dont l’éducation strictement religieuse a visiblement été la meilleure des écoles pour faire fructifier le commerce familial) et retraite durant laquelle ils élèvent de loin leur petite-fille moche et conne, Elodie, placée en pension au couvent comme sa mère en son temps. Et puis que leur chat est en train de crever aussi.
CHAPITRE QUATRE, où le hasard fait parfois mal les choses...
C’est donc le dimanche soir suivant (faut dire qu’en attendant que son petit frère daigne pointer le bout de son museau, Jesus-Christ a passé sa journée à picoler au bar avec son copain, le garde-champêtre Bécu, ce qui est tout de même un comble pour un braconnier), le 1er novembre de l’an de grâce 1863 (à la louche), qu’a lieu le tirage au sort consécutif au partage des terres du vieux Fouan entre ses trois rejetons. Sauf que Buteau, dépuceleur officiel de tout ce qui porte un jupon dans ce coin-là de la Beauce, n’est pas du tout d’accord avec le lot dont il hérite. Du coup, tandis que, dehors, son plan cul au ventre rebondi explique à son pote Jean qu’elle espère toujours qu’il l’épousera dès qu’il sera en possession de son héritage, il se met à bouder très-très fort dans un coin.
CHAPITRE CINQ, où l’empire se la joue Disney (ou l’inverse)...
Une fois le tirage au sort effectué et la nuit tombée, une grande partie de la famille du vieux Fouan ainsi que sa sœur la Grande avec ses petits enfants Palmyre et Hilarion qu’elle a répudiés, leurs nièces Lise et Françoise (filles de leur frère Mouche), Nenesse (fils de Fanny et de Delhomme), la Trouille (fille de Jesus-Christ) et Delphin (fils de Bécu) dont les pères respectifs n’arriveront qu’un peu plus tard, ronds comme des queues de pelle, ainsi que Jean se retrouvent dans l’étable dans la chaleur du méthane produit par les vaches pour la traditionnelle veillée où chacun raconte un épisode de « Faites entrer l’accusé » ou partage avec les plus jeunes ses formidables souvenirs de sévices corporels et sexuels infligés aux vaincu(e)s lors des campagnes d’Afrique ou bien encore écoute religieusement la lecture d’ouvrages propagandistes du régime.
– « Heureux laboureur, ne quitte pas le village pour la ville, où il te faudrait tout acheter, le lait, la viande et les légumes, où tu dépenserais toujours au-delà du nécessaire, à cause des occasions. N’as-tu pas au village de l’air et du soleil, un travail sain, des plaisirs honnêtes ? La vie des champs n’a point son égale, tu possèdes le vrai bonheur, loin des lambris dorés ; et la preuve, c’est que les ouvriers des villes viennent se régaler à la campagne, de même que les bourgeois n’ont qu’un rêve, se retirer près de toi, cueillir des fleurs, manger des fruits aux arbres, faire des cabrioles sur le gazon. Dis-toi bien, Jacques Bonhomme, que l’argent est une chimère. Si tu as la paix du cœur, ta fortune est faite. »
Buteau boude toujours, Lise et Françoise chialent en riant et il neige sur la Beauce.
FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.
À suivre, la deuxième partie : Cliquez ici !