29 Novembre 2017
Précédemment dans la première partie de LA TERRE : cliquez ici.
DEUXIÈME PARTIE.
L’oncle de Buteau, le père de Lise et Françoise, meurt. Du coup, Jean se sent pousser des ailes de super-protecteur. Tellement qu’il va jusqu’à demander Lise en mariage. Sauf que comme il est un peu con et qu’il se croit dans un épisode de SANTA BARBARA, il va finalement s’apercevoir que c’est de Françoise qu’il est amoureux. Alors quand Buteau décide, dans un pur élan d’amour véritable et absolument désintéressé, d’épouser son ancien plan cul et mère de son petit batard, Jean est plutôt soulagé. Buteau et Lise se marient donc, mais ce n’est pas pour autant que Jean va déclarer sa flamme à la sœur de la mariée, de 15 ans sa cadette (il se la jouait pourtant nettement moins romantique quand il culbutait la maîtresse de son patron dans la grange).
CHAPITRE UN, où la Cognette obtient gain de cause...
Depuis la mort de sa femme et de sa fille, le fermier Hourdequin se tape sa servante, Jacqueline, dite la Cognette parce qu’elle est la fille du dénommé Cognet et non parce qu’elle se fait tamponner le col de l’utérus dans tous les coins de la ferme par tous les employés de son patron (mais ç’eut été possible aussi). Or ce matin-là, la Cognette boude (ça boude beaucoup en ce début de roman) parce que son amant ne veut pas qu’elle s’installe avec lui dans sa chambre, dans le lit conjugal où sa défunte femme est passée de vie à trépas. Alors pour se venger elle se lève aux aurores et va se faire saillir par Jean. Et il s’en faut de peu pour qu’ils ne se fassent choper par leur employeur, suspicieux car pas complètement abruti ni crédule et donc parfaitement conscient des mœurs légères de sa maîtresse, qu’il retrouve nue, la cuisse écartée et le poil collant, vautrée dans le foin. Du coup, il est vachement en colère et mène une enquête de proximité pour savoir qui est le responsable de l’engluage de sa compagne officieuse. Mais comme il n’obtient pas de réponse, il part bouder dans ses champs (décidément). Alors ça le calme et ça le résigne. Du coup le soir, la Cognette dort dans son lit.
CHAPITRE DEUX, où Zola s’adonne à sa passion, la description de cadavre, et se le joue biblique façon Hugo (ce qui n’est pas nécessairement antinomique)...
Mouche, le père de Lise et Françoise, est frappé d’apoplexie dans sa charrette. Jean, apparemment auxiliaire de vie de la famille depuis qu’il est venu en aide à la petite herse humaine au début du bouquin, voyant le cheval en roue libre, décide de ramener l’attelage et son occupant au bercail. Là Lise, qui a mis bas et dont le petit Jules a désormais 4 mois, et sa sœur Françoise deviennent hystériques (déjà qu’en temps normal faut pas trop les pousser...). Bref, le vieux calanche pendant que Jean est parti chercher le médecin, il se met à grêler des gadins façon punition divine dans une scène qui n’est pas sans rappeler celle du sirocco dans JEAN DE FLORETTE, Lise et Françoise se retrouvent orphelines, toutes leurs cultures sont détruites, et le cadavre de leur père se vidange sur le matelas de l’une d’elles.
Sur le matelas, dans la cuisine, Mouche, abandonné, regardait le plafond de son œil fixe (...).
CHAPITRE TROIS, où comme il s’emmerde, Jean se dit que se marier serait une occupation à la con comme une autre...
Jean, qui fuit un peu son plan cul la Cognette depuis qu’elle a pris du galon dans le pieu du patron à la ferme, passe tout son temps libre avec les filles du défunt vieux Mouche.
Un dimanche, par un après-midi déjà brûlant de juin, Lise travaillait, dans le potager, à sarcler des pois ; et elle avait posé sous un prunier Jules, qui s’y était endormi. (...)
[Jean], pour ne point la contrarier, s’était mis à l’ombre du prunier voisin, en ayant soin de ne pas s’asseoir sur Jules.
Alors, dans un moment d’égarement euphorique mais aussi en réponse irréfléchie à une provocation de la mère Caca (surnommée ainsi car, faute de crottin et de fumier, elle engraisse son potager avec ses propres déjections), il décide de carrément la demander en mariage, la Lise, 25 ans et un petit batard consanguin au compteur, et ce même s’il ne la désire pas vraiment. Parce qu’en fait, comme il est copieusement bouché à l’émeri, il n’envisage pas du tout Françoise, sa jeune sœur de 15 piges, alors que c’est plutôt avec elle qu’il déconne. Alors la-dite Françoise, même si elle feint l’indifférence, accuse le coup. Mais avant de se prononcer, Lise veut la bénédiction de Buteau, le père de son gamin.
Et les deux sœurs, face à face, se dévisagèrent, menaçantes, ennemies.
CHAPITRE QUATRE, où Jean aurait mieux fait de fermer sa grosse gueule au chapitre précédent...
Comme une bonne partie de la population locale, Jean est occupé à faucher un arpent de pré. Et pour ce faire il est accompagné de ses deux faneuses attitrées : Palmyre, la petite fille répudiée de La Grande, et Françoise, comme par hasard. Et que ça jacasse, et que ça cancane, et que ça dégueule sur les copains, et que ça balance tous les potins pipole de ce petit coin de la Beauce de la seconde moitié du 19ème siècle.
On apprend donc dans le désordre que : Les Macqueron (aucun lien), tenanciers du rade du village, et les buralistes Lengaigne ne peuvent définitivement pas se saquer ; Berthe, la fille des premiers, est surnommée « N’en-a-pas » à cause de son absence de pilosité pubienne, et couche avec Lequeu, l’instituteur du village qui aime bien gifler les gosses ; Suzanne, la fille des seconds s’est échappée de son atelier de couture pour faire pute à Chartres ; Victor, son frère, qui a été appelé, se tape La Trouille en attendant de rejoindre son régiment ; et Palmyre, enfin, s’offre à son frangin handicapé Hilarion parce que ça tient chaud, qu’aucun mec n’a jamais voulu d’elle en 32 piges et que personne ne veut de lui.
Et pendant ce temps, le père Fouan et sa femme se font chier comme des rats morts depuis qu’ils sont à la retraite. Alors quand leur nièce Lise vient les questionner au sujet des intentions de leur fils Buteau à son égard, ils lui conseillent de ne pas le brusquer au risque de recevoir un non ferme et définitif et d’attendre plutôt qu’il se décide à l’épouser tout seul comme un grand. Ce qui, au fond, arrange momentanément Jean qui, au détour d’un rapprochement corporel inopiné avec Françoise sautant dans ses bras du haut de la meule de foin qu’elle vient de confectionner, se rend finalement compte que c’est elle qu’il désire en réalité comme un fou, comme un soldat, comme une star de cinéma (voilà maintenant vous l’avez dans la tête, de rien, c’est cadeau).
CHAPITRE CINQ, où Zola se la joue prophétique...
Deux ans ont passé et Lise n’est toujours pas mariée, ni avec le père de son mouflet, ni avec Jean. Lors d’une entrevue avec un autre politicien local, Hourdequin, fermier et accessoirement maire du patelin, s’enflamme sur les paysans qui sont butés comme des grosses merdes à refuser le progrès et puis :
– Le blé, qui est à dix-huit francs l’hectolitre, en coûte seize à produire. S’il baisse encore, c’est la ruine… Et, chaque année, dit-on, l’Amérique augmente ses exportations de céréales. On nous menace d’une vraie inondation du marché. (...) D’un côté, nous autres, les paysans, qui avons besoin de vendre nos grains à un prix rémunérateur. De l’autre, l’industrie, qui pousse à la baisse, pour diminuer les salaires. C’est la guerre acharnée (...). Si le paysan vend bien son blé, l’ouvrier meurt de faim ; si l’ouvrier mange, c’est le paysan qui crève… Alors, quoi ? je ne sais pas, dévorons-nous les uns les autres !
[Alors qu’un peu plus haut...]
Le déjeuner tirait à sa fin, une truite de l’Aigre après une omelette, et des pigeons rôtis.
Le conseil municipal vote pour la création d’une route qui va empiéter sur certains lopins de terre, engendrer des contreparties financières et donc créer des jalousies ; l’instituteur tortionnaire n’obtient pas son augmentation pas plus que le village n’obtient son propre curé ; les Lengaigne et les Macqueron ne peuvent toujours pas s’encadrer... Bref, comme le dit si bien Emile :
Il était arrivé tant de choses et rien du tout !
CHAPITRE SIX, où tout est bien qui finit bien. Ou pas...
Jean, en bon chaperon, accompagne les filles Mouche acheter une vache neuve. Là, ils rencontrent Buteau et ils vont gueuletonner tandis que Françoise rentre au bercail avec sa bestiole acquise de frais grâce à la négociation acharnée de son cousin et hypothétique futur beau-frère. À la fin du repas, alors que son frère aîné Jesus-Christ, ivre mort, fait un concours de gobage de petite monnaie dans la salle voisine, Buteau se décide enfin à annoncer à Lise qu’il va l’épouser. Faut dire qu’avec la nouvelle route, la parcelle toute pourrie dont il avait hérité à l’issue du tirage au sort est devenue nettement plus accessible et que celle de sa future femme a pris une incroyable plus-value. Du coup, tout à sa joie, Jean raque l’addition pour les futurs mariés.
CHAPITRE SEPT, où Buteau et Lise se marient...
Avec toute la comédie que ça implique : les invitations d’abord refusées pour se voir supplié de venir, le tonton alcoolo au dernier degré écarté de la noce et que l’on suspecte fortement d’avoir balancé un seau de merde sur les convives pendant le repas, la vieille acariâtre qui jeûne pendant 2 jours pour pouvoir mieux se bâfrer tout en critiquant l’abondance de bouffe, les paris sur la longévité qu’aura le couple des nouveaux époux... Une famille normale en somme. Non ?
Et pendant ce temps, Jean est toujours secrètement à fond sur la Françoise, qui s’endort chastement sur son épaule en regardant les étoiles sur un banc pour qu’ensuite chacun regagne ses pénates... Et s’il ne s’était pas tapé la Cognette en début de partie, on aurait vraiment pu commencer à craindre qu’il ne finisse par mourir puceau.
FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.
À suivre, la troisième partie : cliquez ici.