9 Novembre 2016
Ce film, c'est l'histoire d'un pneu. Oui oui, c'est ça, un pneu. Mais pas n'importe quelle promo à la con de chez Feu Vert ou Point S. Non, non, non ! Un pneu télékinésique tueur en série.
Bah oui parce que c'est Quentin Dupieux aux manettes, ce qui tend à légitimer parfaitement le bordel voire à lui conférer un caractère absolument logique et rationnel... Enfin, si tant est que parler de Quentin Dupieux en ces termes puisse être en soi véritablement logique et rationnel.
Et puis ce qui est important, ce n'est pas tant le pitch mais le procédé avec lequel il est mis en scène et plus particulièrement le ressenti sous-jacent. Et c'est d'ailleurs peut-être préférable...
Parce que si on ajoute à ça une sombre histoire de hasard qui nous fit regarder ce film au synopsis si évocateur plutôt que d'aller voir le feu d'artifice du 14 juillet dernier sur la Promenade des Anglais, on pourrait avoir légèrement l'impression d'être plongés dans INCEPTION ou dans le TRUMAN SHOW... Ou dans une version franchement glauque d'un canular. Cela-dit, en terme d'humour noir et d'ironie du sort, le timing eut été presque aussi étrangement sordide avec DUEL de Spielberg.
On découvre donc ici les passions du cinéaste que l'on retrouvera par la suite dans STEAK ou dans RÉALITÉ : une sorte d'hommage un peu hybride et carrément foutraque à Louis De Funès et à Stanley Kubrick tant musicalement que cinématographiquement, voire aux deux en même temps, l'un sur l'autre, l'un dans l'autre et qui auraient eu un enfant... Oh mais attendez : tout s'explique !
Et puis il y a aussi le métacinéma et, évidemment, les têtes de gens qui explosent.
On remarquera donc également cette récurrence de la mise en abyme, avec le spectateur, spectateur de spectateurs à l'intérieur-même du film, un peu comme une mise en images des rêves où l'on se dit subitement que c'est tellement improbable que ce n'est pas possible, qu'on est forcément en train de rêver, devenant par là-même spectateur de l'expression de notre propre inconscient.
Ou bien tout simplement comme une sorte de dédoublements à la limite du trouble dissociatif, où la frontière entre le réel et le fictif devient incroyablement floue, le dimanche après une bonne grosse cuite par exemple, quand on a des voisins un poil trop matinaux...
Surtout lorsque les voisins en question sont trois enfants de 2, 6 et 9 ans, surtout lorsque ces enfants sont les vôtres, que vous avez eu la bonne idée de les initier très tôt à la musique de Mr Oizo, et qu'ils l’écoutent à blinde en braillant comme des veaux sous ecsta "voici la musique d'ordinateur, tire ou meurs", "arrêtez de vous reproduire" (message subliminal ?), "give me your liver and I'll give you my heart-heart-heart" ou tout simplement "And now, il's gonna be exciting to watch the end of the World"...
Bon, l'un dans l'autre, ce n'est pas sans une pointe de fierté certes nauséeuse (mais fierté quand même) qu'on se dit qu’ils se sont mis à l'anglais et que c'est quand même nettement mieux que d'être réveillé par la dernière bouse radiophonique.
Bref, tout ça pour dire que Monsieur Dupieux se pose là niveau retranscription sensorielle des songes (voire d'un séjour en soins intensifs ou d’un réveil après une anesthésie générale) et que son œuvre, aussi bien musicale que cinématographique, constitue une réelle expérience artistique.
Un peu comme une expo dans un musée d'art moderne ou un ballet de danse contemporaine : toutes ces formes d'expression dissonantes qui ne sont pas nécessairement là pour être belles mais pour faire réagir, et qui, selon la sensibilité de chacun, pourront paraître géniales ou se faire l'incarnation d'une aptitude fascinante à se foutre de la gueule du monde.
PS : Cher Mr. Oizo-Dupieux, si on vous promet d'être sages (ou pas), serait-il possible, dans votre mansuétude, que vous décidiez de passer par la Côte d'Azur comme c'était prévu avant que le Axe Boat Festival ne soit annulé à cause du lancement non autorisé de GTA Baie des Anges Edition ? D'avance merci.