27 Avril 2014
Est-il raisonnable de lire Shining quand on est enceinte de 7 mois ?
Faut-il avoir peur des rideaux de douche ?
Doit-on nécessairement voir un parallèle entre ses antécédents alcooliques familiaux (que l'on sent irrémédiablement poindre au fond de soi après chaque cuite) et le personnage de Jack Torrance ?
L'art topiaire est-il véritablement une saloperie ?
Faut-il nourrir des craintes supplémentaires et consulter d'urgence un psy quand on a un enfant intelligent mais différent et sujet aux cauchemars (même éveillé) et aux terreurs nocturnes (même en plein jour) ?
Faut-il voir ici des références à cette pute de Vénus d'Ille de Merimée ou à n'importe quelle histoire qui fout la trouille d'Edgar Allan Poe ou de Maupassant ?
La progéniture d'un(e) alcoolique n'est-elle pas tout simplement condamnée à être victime de malaises vagales, de vertiges paroxystiques bénins et d'hallucinations ?
Est-on obligé de faire du name-dropping quand on écrit une chronique sur un blog ?
Les baignoires (de Psychose aux Diaboliques) et les grandes bâtisses vides (des Autres à Scoubidou) sont-elles forcément néfastes ?
Est-ce un goof ou en VO aussi, histoire de marquer la schizophrénie et le basculement dans la folie (ou d'y inciter le lecteur), Jack devient John et le bled de SidewinDer se transforme en SidewinTer (ou inversement) de temps en temps ?
Faut-il intenter un procès à vos parents parce que votre père avait eu la riche idée de se planquer dans la baignoire après que vous avez vu le-dit film Les Diaboliques (version Signoret, pas Adjani) quand vous étiez gamine, que la chambre 217 a ravivé en vous ce merveilleux souvenir et que vous ne pouvez de nouveau plus aller pisser la nuit (surtout si vos chiottes sont dans la salle de bains) ?
Le traducteur ne savait-il vraiment pas que Bugs Bunny disait "Quoi de neuf, Docteur ?" en français ?
Pourquoi cette connasse de la chambre 217 aurait-elle forcément la tronche un brin déconfite de votre grand-mère que vous avez enterrée il y a quelques mois (dans le plus pur et strict cadre de la légalité, avec un grande partie des membres de votre famille et sans qu'aucun d'entre eux n'ait, a priori, attenté à ses jours, dans un cimetière tout ce qu'il y a d'officiel, pas avec une pelle et une pioche dans le labyrinthe au fond du jardin) ?
Faut-il avoir un problème avec la traduction en version française ?
Pourquoi ai-je moins de mal avec les gens en état de décomposition avancée, qu'avec les maîtres-chanteurs affectifs et autres connards manipulateurs et paranoïaques qui culpabilisent gratuitement leur entourage ?
Pourquoi est-ce si difficile de se défaire de leur emprise et du syndrome de Padmé (ou de Stockholm aka "il y a toujours du bon en lui") qu'ils inspirent ?
La télékinésie ne serait-elle pas plus rationnellement une simple forme d'expression auto suggestive d'un delirium tremens mais à jeun ?
Pourquoi est-ce que j'ai cru ma copine qui me disait "si t'as déjà vu le film (qui constituait déjà un bon trauma), ça te foutra moins la trouille parce que les trucs qui font peur, tu t'y attends" (conversation totalement appropriée lors d'une banale surveillance de récré dans la cour d'une quelconque école maternelle) ?
Pourquoi est-ce qu’elle ne m’a pas prévenue que, contrairement au chef d’oeuvre de Kubrick, le bouquin parle moins d’isolement et de phénomènes paranormaux ultra flippants que des ravages de l’alcoolisme ?
Pourquoi cette histoire de haine, d'égoïsme, de démission et de lâcheté paternelle me met-elle tellement en colère ?
Pourquoi a-t-il fallu que je lise ce livre ?
Pourquoi vais-je me finir en lisant la suite ?
Parce que Stephen King a magistralement analysé sa propre période noire, parce qu'on n'en guérit jamais vraiment, parce qu'il démontre parfaitement comment la dépendance à l'alcool est obsessionnelle et détruit tout (poussant, certes, la métaphore un peu loin) et si vous voulez vous poser toutes ces questions (et plus encore selon votre propre histoire personnelle), j'ai un exemplaire planqué dans le congélo.
En cela, Docteur Sleep est donc moins une réflexion sur l'alcoolisme que son aîné Shining et m'apparaît aussi moins passionnant (avec tout le respect que je dois à M. King... ou à toute autre...
http://www.delacritiquehysterique.com/docteur-sleep-de-stephen-king