1 Mars 2015
Séance de motricité avec mes élèves de Grande Section de maternelle (jeux d'opposition individuels que ça s'intitule).
On commence par faire une sorte d'échauffement, histoire d'éviter toute forme de coup du lapin ou autre déboîtement articulaire (j'ai l'AFPS mais y'a des limites).
Je leur demande de reproduire mes gestes ("J'ai dit "LENTEMENT", arrête de tourner ta tête comme ça tu vas gerber !" Bon je ne l'ai peut-être pas dit de cette façon mais c'était l'idée).
Là, une collègue me salue par la fenêtre de la salle de gym. Je lui réponds en lui faisant un grand signe de la main.
Et voilà comment on se retrouve avec 23 gamins qui se font "coucou" mutuellement...
Cet après-midi, j'ai vu un enfant téléphoner pendant de longues minutes pendant la récré... Avec un emballage de P'tit Louis...
– Qu'est-ce que vous avez fait à l'école aujourd'hui mon/ma chéri(e) ?
- On a préparé le spectacle de fin d’année et la maîtresse nous a montré un extrait de film.
- Ah oui, lequel ?
- Pulp Fiction.
Dans la cour, un petit vient me voir :
– Dis, tu peux me faire les lacets ?
– Oui, bien sûr.
(Je me penche, me relève immédiatement, le regarde, regarde ses chaussures, le regarde à nouveau)
– euh, ok, donc, en fait, tu n'as pas de lacets.
J’arrive légèrement en retard au boulot, à l'époque où les parents avaient encore le droit de rentrer dans les écoles. Mon ATSEM m'accueille en m'annonçant :
"On a eu une naissance !!!"
Moi, pensant immédiatement à une maman d'élève très très enceinte : "Génial ! E. a eu un petit frère ?!?"
Mon ATSEM : "Euh... Non pas du tout".
Bravo, super professionnelle, et passe bien pour une conne, en plus d'être à la bourre, devant les parents...
Piste graphique, expression libre, classe des moyens-grands, 15h50. Tout se passait bien quand soudain :
10 ans...
10 ans que je me berce d’illusions, que je m’égare, de dépit en déception.
Et pourtant, pourtant, je me surprends encore à espérer... Espérer l’inespéré, espérer la connaissance, espérer la considération, espérer le soutien, espérer un peu d’amour !
Et puis non, finalement : c’etait bel et bien de la merde cette concertation pédagogique cet après-midi.
Après avoir été absente, J. revient à l’école. Je vérifie son cahier de liaison et lui demande :
– Euh... dis-moi, papa et maman t’ont donné un mot pour justifier ton absence ?
– Non.
– Et tu vas mieux ?
– Non, j’ai plein de boutons, regarde ! Et en plus, c’est très contagieux !
Après un léger moment de flottement où je voulais rentrer à ma maison et au terme duquel je lui demandai de rabaisser prestement ses manches et d’aller se laver les mains (je ne suis pas hypocondriaque mais y’a des limites), et après une rapide concertation visuelle avec mon ATSEM, j’appelai ses parents pour obtenir de plus amples informations concernant la véracité des faits évoqués (les enfants racontent de ces conneries parfois).
– C’est tout à fait vrai : c’est très contagieux et ça met entre 6 mois et 5 ans à disparaître...
– Mais vous savez que ça fait partie des causes d’éviction scolaire ?
– Oui, mais je ne peux pas m’arrêter de travailler pour la garder à la maison jusqu’à ce qu’elle guérisse...
... Et puis elle a bien dû attraper ça à l’école.
– Peut-être mais nous n’avons pas eu d’autres cas signalés...
– Sûrement parce que les parents ne vous le disent pas.
– En tout cas, techniquement, je ne devrais pas accepter votre fille en classe sans un mot du médecin ou un certificat médical de non-contagion.
– Mais puisque je vous dis que C’EST contagieux...
... Par contre, même si c’est long pour s’en débarrasser, c’est tout à fait bénin : c’est juste des sortes de verrues mais sur tout le corps...
... Et puis ça ne s’attrape que par voie sexuelle et par contact peau à peau.
Renseignements pris auprès d’un médecin de l’éducation nationale, la pauvre J. n’a finalement pas été bannie ni mise en quarantaine ni traitée comme une pestiférée. Elle doit juste éviter de frotter ses lésions sur la peau nue de ses petits camarades et sur celle des adultes sous la responsabilité desquels elle se trouve (sauf ceux que je n’aime pas).
Et pour les curieux : molloscum contagiosum que ça s’appelle cette merde. Et c’est vraiment pas de bol.
J’appelle les services sociaux concernant un risque de déscolarisation et c’est assez urgent. On m’explique qu’il faut que je contacte par mail la personne qui suit le dossier. Sa réponse ?
On est le 20.
Non K., « je t’aime » ne s’écrit pas comme ça... Parce que c’est bien « je t’aime » que tu as voulu écrire, rassure-moi ?
Visite de la Fondation Maeght à Saint Paul de Vence avec deux classes de Grande Section déchaînées... comme des élèves de maternelle un vendredi quoi.
On révolutionne totalement la pédagogie en répétant trouze mille fois de chuchoter, de ne pas toucher et d’arrêter de se jeter des graviers dans la tronche (et les enfants ne se souviendront sans doute que de la partie de « facteur n’est pas passé » après le pique-nique sur le parking), mais aucune sculpture de Giacometti n’a été maltraitée durant cette sortie (et c’est déjà là l’essentiel).
Tout le monde finit quand même bien séché et, arrivés à la fin du trajet de retour en bus, au beau milieu d’un silence de mort très inhabituel et des effluves de vomi de Marie-Emétique, on entend tout à coup Jean-Orthophoniste s’écrier :
CHICHI CHABITE ! CHICHI CHABITE !
Je me retourne, aux risques et périls de mon système digestif (et aux risques et périls des élèves assis juste derrière moi) craignant que cet enfant ne soit subitement possédé par l’esprit de la marionnette des Guignols d’un ancien président de la République récemment décédé pour lequel nous fîmes une minute de silence complètement transcendante, mais non !
Le jeune illuminé voulait en réalité uniquement communiquer à ses pairs cette information primordiale :
C’est ici que j’habite ! C’est ici que j’habite !
Et soudain, au détour d’atelier de réinvestissement, le miracle pédagogique s’accomplit : après de longs mois de manipulations diverses, Ruben était fin prêt à reconstituer son prénom. Ses efforts n’ont pas été vains. Son sourire et sa fierté n’ont pas de prix.
Qui dit nouvelle école, dit nouvelle classe.
Et qui dit nouvelle classe, dit « oh p*tain, mais qu’est-ce que c’est que cette merde ?!? ». Heureusement que je n’étais pas seule pour trier 30 ans (minimum) de bordel entassé. Maintenant, y a plus qu’à… faire abstraction de cette vue dégueulasse et bosser. Viendez les mioches, je vous attends.
Chers parents,
Dans le cadre de notre projet pédagogique « arts et mathématiques », la chorégraphe qui intervient dans l’école souhaiterait que vous nous apportiez de vieux vêtements que vos enfants pourront manipuler afin de danser avec leurs ombres.
Nous vous remercions par avance pour votre participation.
Cordialement,
l’équipe pédagogique.