21 Décembre 2016
Zayana a 75 ans, elle ne sait ni lire ni écrire et elle passe le plus clair de son temps à faire la larbine dévouée limite servile mais bienveillante pour chacun de ses 11 enfants. Mais un jour, elle reçoit un faire-part. Aucun de ses rejetons n'étant dispo au téléphone, elle part à l'aventure trouver sa fille coiffeuse afin qu'elle le lui lise. Mais c'est finalement un gentil inconnu dégoté là dans la rue qui lui rendra ce service : il lui apprend que son ancien employeur en Algérie est décédé et que sa femme a une boite à lui remettre.
Par le truchement de l'aide de la concierge de l'immeuble, elle laisse un mot sur le frigo à l'attention de ses petites sangsues pour leur annoncer qu'elle s'en va, non sans avoir préalablement rempli les différentes tâches qui lui incombaient ce jour-là (pourquoi n'a-t-elle pas demandé à la concierge de lui lire le faire-part dès le début ? Pudeur ou prétexte narratif, le mystère reste entier).
Elle se rend donc à la gare afin de se doter d'un billet de train pour Blois, en veillant bien à prendre un billet retour pour être dans les temps pour garder son petit fils Mehdi le soir même. Sauf qu'elle se plante de train (elle ne sait pas lire on a dit !) et se retrouve paumée en rase campagne...
Parallèlement, par l'entremise du fameux petit Medhi qui s'emmerde un peu pendant que sa mère brasse du vent et ameute le reste de la fratrie, une de ses filles va découvrir une vidéo super 8 de Zayana jeune, en Algérie, avec un homme qui n'est pas leur père (rien de porno, ne vous emballez pas !).
Presque tous les mômes de Zayana (de 25 à 55 ans les mômes tout de même, 11 on a dit !) se succèderont alors dans son appartement, un peu comme dans un moulin, préparant le repas, se retrouvant, discutant, s'engueulant aussi en attendant son retour comme autant de générations, comme autant de façons d'être français, d'être musulmans, d'être frères et sœurs et les enfants de quelqu'un qui a des secrets, de l'admettre, ou pas, ou tout simplement de se foutre royalement de tout ça.
D'UNE PIERRE DEUX COUPS est un joli petit film sans prétention, à découvrir en DVD depuis le 18 Octobre 2016 grâce à Blaq out. Mais ne vous méprenez pas car ceci n'est pas du tout péjoratif : c'est un film modeste, qui n'a pas vocation à donner des leçons et qui véhicule intrinsèquement nettement moins de clichés tout pourris sur l'immigration que d'autres films césarisés par exemple (et en cela, il ne sera certainement pas parmi les films de l'année de la fameuse académie).
Peut-être parce qu'on ressent la sincérité dans la démarche de Fejria Deliba (l'Aziza de Balavoine) mais aussi le regard emprunt de tendresse, de compréhension mais néanmoins sans concession qu'elle porte sur cette famille avec ses qualités et ses défauts, les qualités et les défauts de ses membres, sans angélisme ni condescendance.
Peut-être aussi parce que c'est justement le portrait réaliste d'une famille, avec des gens très différents, qui n'ont que très peu de choses en commun (voire pas du tout, à part leurs parents) et qui, même s'ils se détestent tout autant (ou font tout autant semblant de se supporter), sont nettement moins dans l'hystérie que dans les grandes fresques traditionnelles des repas de famille au cinéma, plus dans la décence et dans l'autodérision également.
Alors c'est vrai qu'on n'évite pas non plus ça et là les petites doses de sagesse populaire mais le film réussit à éviter de se vautrer dans le manichéisme, à conserver une certaine authenticité : malgré tout ce qu'elle fait, la mère n'est pas une sainte, ça n'est pas un modèle de tolérance et de modernité, bref Zayana n'est pas Fatima.
Un film français gentil et humain, une comédie douce amère sur la famille et la transmission, et qui, en terme d'engueulades, reste donc très loin du niveau des adaptations ciné des pièces de Bacri et Jaoui époque CUISINE ET DÉPENDANCE et UN AIR DE FAMILLE, qui elles-mêmes n'arrivent pas à la cheville des décibels produits par le récent JUSTE LA FIN DU MONDE de Dolan.