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INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Tom Hanks et sa petite copine carrément christiques, courant sur l'eau sans vraiment courir, dans une version vénitienne de Florence... Ou l'art de violer la culture européenne rien qu'avec une affiche.

Tom Hanks et sa petite copine carrément christiques, courant sur l'eau sans vraiment courir, dans une version vénitienne de Florence... Ou l'art de violer la culture européenne rien qu'avec une affiche.

C'est l'histoire de Robert Langdon, le professeur d'Harvard de symbologie et d'iconographie claustrophobe le plus impliqué dans des complots de gros méchants contre la culture et l'humanité, et dont les séjours touristiques au milieu de grands monuments, villes et musées européens ont déjà été adaptés par deux fois au cinéma par Ron Howard, le rouquin d'HAPPY DAYS : DA VINCI CODE et ANGES ET DEMONS... LE SYMBOLE PERDU n'ayant apparemment pas trouvé grâce aux yeux des producteurs hollywoodiens.

Interprété par Tom Hanks et ses petites dents de dauphin, nous le retrouvons donc là où nous l'avions laissé à la fin de PHILADELPHIA : moribond dans un lit d'hôpital. Sauf que le-dit hopital se trouve cette fois-ci à Florence et qu'il n'a pas le SIDA (en tout cas, l'histoire ne le dit pas). Non, non : des vilains pas beaux lui ont tiré dessus, causant une blessure somme toute assez superficielle au cuir chevelu mais suffisamment importante pour lui causer une amnésie rétrograde, des visions cauchemardesques et une hyperacousie alternative (dans le sens où les scénaristes nous la ressortent un peu quand ça les arrange).

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Mouais.

Là, il se fait briefer sur la situation par une jeune et jolie médecin intellectuellement précoce prénommée Sienna (oui, comme la ville de Toscane... Mais mal orthographiée).

Car le hasard faisant hyper trop vachement bien les choses, il l'a déjà rencontrée lorsqu'elle était gamine parce qu'elle était fan et qu'elle avait lu tous ses livres... En même temps Langdon étant une sorte de version fantasmée de l'auteur des romans, alias "l'homme qui écrivait de la littérature jeunesse pour adultes", serait-il vraiment médisant d'émettre l'hypothèse que la lecture de ses ouvrages pourrait être parfaitement abordable pour des enfants de moins de 10 ans, et ce quel que soit leur potentiel intellectuel ?

À peine a-t-elle eu le temps de finir son exposé qu'une sorte de T-1000 mais en fille, tout droit sorti de TERMINATOR 2 et portant la tenue seyante des Carabinieri, débaroule dans l'hosto et commence à canarder à tout va, désirant plus que certainement attenter à la vie de notre bon vieux professeur passablement intellectuellement et physiquement diminué.

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Il réussit à s'évader par le truchement de sa comparse au QI surdéveloppé et s'ensuit une folle course poursuite dans les rues de Florence qui, tout comme dans le roman, les mènera dans une formidable et haletante visite guidée du jardin de Boboli, du corridoio de Vasari, de la Galerie des Offices, du Palazzo Vecchio (en même temps, difficile de se tromper : c'est sur le même chemin), du Baptistère de San Giovanni, puis de Venise et enfin d'Istanbul.

Le tout parsemé d'énigmes plus ou moins énigmatiques, car comme "l'antique sagesse" du DA VINCI CODE qui donnait envie de hurler :

Sophia !!!! L'héroïne s'appelle Sophiiiiiiiiiie !!!!! Putain non mais t'es con ou tu le fais exprès Bobby ?!? C'est Soooophiaaaaaaa !!!!!

Sans être évidemment entendus (Quoi ? On a aussi le droit d'être irrationnels)

Le coup du "Cerca Trova" associé à la ville de Florence pouvait passablement apparaître comme une évidence.

Énigmes qui, comme d'habitude seront intrinsèquement liées à des œuvres picturales, sculpturales ou architecturales (ce qui tombe plutôt bien pour un type dont c'est la spécialité), forcément résolues dans l'urgence, sinon c'est pas drôle.

Z'avez vu comme elle fait hy-per bien semblant de s'intéresser ?

Z'avez vu comme elle fait hy-per bien semblant de s'intéresser ?

Mais une course-poursuite également parsemée de raisonnements tout aussi (voire encore plus) énigmatiques qui foutent un gros coup dans la gueule de la topographie comme :

Je sais où nous devons aller : au Palazzo Vecchio. Vite, allons au jardin de Boboli !

Visualisons tout de suite une carte...

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Bien. Outre le fait qu'en ce Jeudi 17 Novembre de l'an de grâce 2016, il faisait apparemment nuageux à Florence pour une température de 13 degrés Celsius, que nous apprend-elle ?

Et bien oui : que le jardin de Boboli ne se trouve pas du-tout-du-tout, à côté du Palazzo Vecchio !

Mais pourquoi donc passer par là me direz-vous ? Et bien parce que dans le livre, Langdon et sa copine se retrouvent coincés au niveau des remparts et qu'ils doivent se rabattre sur un nouvel itinéraire improvisé, superbe prétexte narratif pour leur faire emprunter le mystérieux corridoio vasariano que n'importe quel clampin qui a déjà foutu les pieds à Florence connaît et qui relie très secrètement le Palazzo Pitti (adjacent au jardin de Boboli donc) au Palazzo Vecchio en passant par le Ponte Vecchio et par les Offices. Corridoio réalisé en son temps afin que les Médicis puissent se mouvoir dans la ville sans se mélanger à la plèbe.

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Alors certes, tout comme dans le livre, nos deux trublions se retrouvent coincés par un barrage de flics au niveau des remparts, pile-poil à coté du mur d'enceinte du jardin en question (ce qui tombe tout de même super bien puisque c'est exactement là qu'ils allaient). Sauf que, après avoir réussi à s'introduire dans le jardin et alors qu'ils sont poursuivis par un drone de l'OMS (cherchez pas à comprendre), Langdon se rappelle subitement l'existence du fameux couloir qui, tout comme dans le livre, arrive à point nommé pour leur sauver les miches... Ce qui signifie donc qu'il n'y a strictement aucune raison logique pour décider de passer par le jardin de Boboli pour se rendre au Palazzo Vecchio sans mentionner au préalable ce putain de corridoio vasariano ou tout du moins sans que ce fucking Langdon ne s'en souvienne en amont.

Parce que je veux bien qu'il soit victime d'amnésie mais ce n'est pas le cas des scénaristes jusqu'à preuve du contraire ! Donc soit vous suivez le bouquin et ça donne :

Hummmm... "Cerca Trova"... Eurêka ! Je sais où nous devons aller : au Palazzo Vecchio ! Vite, allons-y... Oh ! Un barrage de police ! Cachons-nous donc prestement dans le jardin de Boboli le plus proche... Tiens, je viens tout juste de me rappeler qu'il existe un passage super secret qui va nous mener directement au Palazzo Vecchio sans passer par la case départ et sans toucher les 20 000.

C'est bien fait la nature.

Soit vous essayez de gagner du temps et ça donne :

Hummmm... "Cerca Trova"... Eurêka ! Je sais où nous devons aller : au Palazzo Vecchio ! Vite, allons au jardin de Boboli car il renferme en son sein un magnifique passage secret qui nous mènera directement à destination !

Bien que, la finalité étant sensiblement la même, je ne m'explique toujours pas pourquoi avoir choisi de changer ce passage de l'intrigue.

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Un début presque parfaitement fidèle au bouquin (à un ou deux poils près), très immersif quoiqu'un brin bordélique avec de bonnes idées de mises en image des visions de l'enfer...

Mais le problème, c'est qu'il a dû y avoir un con qui le lui a un peu trop répété au Ronny ! Alors il en fait des caisses et nous les refourguent jusqu'à l'envi, jusqu'à ce que ça n'ait plus aucun sens, et que ça ne suscite plus aucune émotion en devenant carrément grandiloquent, outrancier, ridicule.

Pire : il nous sort clairement et explicitement un parallèle visuel bien appuyé et détaillé entre la cartographie de l'enfer de Dante réalisée par Botticelli et dont la reproduction se trouvait fortuitement dans le projecteur qui trainait dans la poche de Bebert, et ses fameuses visions... Des fois qu'on soit définitivement trop débiles pour faire le rapprochement nous-mêmes (visions infernales, carte de l'enfer, Inferno... Oh mon dieu mais tout se tient !!!!)

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Bref, après un début somme toute plutôt entraînant, on a l'impression que le Ronny s'est subitement rendu compte que s'il continuait à coller d'un peu trop près la trame du bouquin, son film allait durer 16h. Du coup il opère tout aussi soudainement une coupe drastique dans l'intrigue.

Exit donc un personnage clé tel que Ignazio Busoni, et respectons quelques secondes de recueillement pour cet homme disparu trop tôt et sans laisser de trace dans les méandres du scénario.

Du coup, à partir de l'épisode du baptistère, on a légèrement l'impression que Ron Howard se met à adapter le Profil du livre, tout en conservant les éléments les plus invraisemblables (pourquoi tout le monde cherche à buter Bobby alors qu'en réalité tout le monde veut son soutien ?), histoire qu'on ne puisse pas l'accuser de dénaturer l'œuvre de Dan Brown sans doute.

En employant avec un naturel confondant toutes les bonnes grosses recettes du blockbuster pour public bien bourrin : les faux-raccords (comme l'entrait de charpente à géométrie variable), l'usage de la musique bien lourde de sens (à la limite du pianiste en arrière-plan qui entonnerait Love Story avec un doigt) pour qu'on sache bien quand il faut être ému ou inquiet, l'histoire d'amour à la con entre personnes âgées, le gros méchant avec ses yeux rouges pour qu'on puisse voir qu'il est méchant (non mais c'est bon les gars, c'est Omar Sy : c'est mort !) et un affrontement final hystérique et incompréhensible dans sa mise en scène.

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

De plus, en dehors de ce gros aspect "La Divine Comédie pour les Nuls" encore plus flagrant ici, dès lors qu'on a lu le roman éponyme, la question qui nous saute à la gorge est : Pourquoi diable Ron Howard change-t-il quasi-systématiquement le dénouement des romans de Dan Brown, bordel de merde ?

C'est vrai quoi, il nous avait déjà fait le coup avec ANGES ET DEMONS, c'est chiant.

Parce qu'à partir du moment où l'on assiste au visionnage de la vidéo posthume de Zobrist dévoilant ses plans machiavéliques (référence florentine hautement intellectuelle bonus), dans laquelle il y va une dernière fois de son couplet catastrophiste, et annonce tout de go qu'il s'en va libérer un virus provoquant IMMEDIATEMENT la mort de millions de personnes, on sait pertinemment que ça pue la défaite. Alors qu'importe la manière, peste ou chtouillastro, on n'en sait rien. Mais en tout cas c'est un virus qui est véritablement destiné à tuer (et non pas à stériliser comme Zobrist le souhaitait dans son plan A pour lequel il avait été blacklisté par l'OMS). On ne peut dès lors que s'écrier intérieurement (parce qu'on est au cinéma et qu'on est civilisé) : "Et merde, il va encore nous chier la fin..."

Car en effet, dans le bouquin, la team Evil laissaient habilement planer le doute quant à la nature du virus que Zobrist souhaitait répandre pour alléger la population mondiale. Et comme la team Bisounours parlaient à longueur de pages de peste, le doute s'installait durablement dans l'esprit du lecteur, allant jusqu'à créer une sorte d'illusion dans laquelle les méchants l'auraient véritablement mentionnée. Alors que pas du tout justement !

Parce que ce qui était plutôt pas con dans le roman, c'est que la solution qu'ils proposaient était beaucoup moins manichéenne, beaucoup plus perverse aussi. Dans le film, ce sont juste de très gros mégalos délirants.

Et pour dire que Dan Brown est nuancé, imaginez un peu le niveau du film ! D'ailleurs, si on m'avait dit un jour que je prendrai sa défense, je ne l'aurais pas cru...

En conclusion, à l'instar des best-sellers qui pourraient, la plupart du temps, être un équivalent littéraire du blockbuster, les adaptations de Ron Howard ne sont-elles pas fort logiquement l'équivalent cinématographique du page turner avec ses couacs, ses tics et ses bourdes ? Et là, la boucle est bouclée.

Et le pire du pire dans tout ça, c'est que même si les défauts me piquent les yeux, que le saccage de ma culture me brule les fesses, même si Ron Howard ne fait surtout pas des films pour ceux qui ont lu le bouquin original, je n'ai pas passé un mauvais moment. Être incohérente à ce point, c'est grave Docteur ?

INFERNO de Ron Howard (d'à peu près Dan Brown... d'à très peu près Dante Alighieri) [critique]

Et pour encore plus boucler la boucle (faire un double nœud ?), allez jeter un œil à la critique d'INFERNO, le roman écrit par Dan Brown :

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