21 Octobre 2015
Ce téléfilm retrace la vie d'Aya Cissoko qui fut championne du monde amateur de boxe française en 1999 et 2003 puis de boxe anglaise en 2006.
Alors amis des grandes fresques hagiographiques et des sagas pédagogiques, voici venir une œuvre à l'importance capitale... et comme il est aussi estampillé ARTE, ce sera forcément un film intelligent.
Où l'on apprendra donc que les populations issues de l'immigration malienne sont des êtres humains...
Mais le gros problème, c'est que quand on est déjà un tant soit peu au courant (et ce quelles que soient l'origine, la religion ou la couleur de peau des gens), on se sent du coup assez moyennement concernés.
Alors si l'on part de ce principe (et qu'on veut faire du mauvais esprit), on pourra dire que ce film ne fait pas franchement dans la dentelle et ce à différents niveaux :
Qu'il peut paraître affreusement démago dans son parti pris profondément angélique (la gentille famille Cissoko à qu'il arrive tous les malheurs (bon en même temps c'est un peu vrai) VS la méchante société française)...
Ou qu'il fait preuve d'un manichéisme primaire parfois limite (avec les méchants petits blancs insouciants et égoïstes qui continuent à jouer dans la cour de récré, totalement insensibles (consciemment ou inconsciemment) à la douleur et au drame que sont en train de vivre les deux petits enfants noirs assis par terre (dont une qui se taillade le genou avec un silex... Non mais en fait les enfants (et les gens en général) SONT égoïstes), avec les méchants professeurs blancs du méchant système éducatif qui finissent par renvoyer la gentille jeune fille noire parce qu'elle n'arrête pas de faire des gentilles conneries plus grosses qu'elle)...
Ou bien qu'il semble donner dans une sorte de parodie d'anti-racisme (un peu comme certaines factions pseudo-féministes qui, pour combattre le machisme, sombre dans l'excès inverse en prônant la supériorité de la femme et que tous les hommes sont intrinsèquement des salauds et des porcs)...
Ou encore qu'il tient un discours complètement culpabilisant et qu'il en fait des caisses dans le misérabilisme (l'enfance de cette gamine et la vie en général de sa maman étaient déjà suffisamment atroces pour que l'on compatisse)...
Ou bien qu'il est bâti sur un scénario qui enchaîne les clichés (comble du malheur, comme dans Intouchables, la maman fait des ménages... Petite pensée émue pour tous ceux qui gagnent leur vie en ramassant la merde des gens et qui doivent se sentir tellement revalorisés) et qui enfonce des portes (qui en 2015 devraient être grandes) ouvertes (Comment ça ? Il y a des couples mixtes heureux et épanouis ? On peut faire partie d'une société sans pour autant en oublier ses racines ? Les immigrés ne viennent pas uniquement en France pour vivre des prestations sociales ?!?).
Ou que le récit semble être une sorte de compilation des moments les plus sordides du parcours d'Aya et de sa famille à différentes étapes de leurs vies (le fait que malgré tout, elle devienne une excellente élève, qu'elle puisse devenir chef comptable après s'être fait lourder du bahut, qu'elle intègre ensuite science-po pour se recycler dans l'écriture, c'était pas utile de s'y éterniser, juste de le mentionner, comme ça en passant, entre deux ellipses temporelles, l'important restant tous les aspects négatifs de son parcours, les gifles (voire les coups de latte) que la vie lui a donné... Ellipses temporelles qui éludent totalement par ailleurs d'autres aspects comme le fait de s'imposer en tant que fille dans un sport de mec (on est à la fin des années 80 au départ), ou de s'imposer en tant que veuve qui ne veut pas rentrer "au pays" face à un patriarcat qui va d'ailleurs complètement la lâcher, ou de faire son petit bonhomme de chemin en tant qu'orphelin flanqué d'une sœur passablement hystérique...).
Ou alors, si l'on veut juste être objectifs on dira seulement que ça n'est pas un très bon film (mais un téléfilm pas si mauvais que ça), plus proche du docu-fiction que d'une quelconque forme de cinéma, et plutôt mal joué de surcroît (mention spéciale aux diverses interprètes d'Aya à travers les âges, que tout le monde s'accorde à trouver formidables, qui rivalisent dans le côté insupportablement tête à claques pas crédible pour deux ronds... à moins que ce ne soit le rôle qui soit incroyablement mal écrit).
Et c'est d'autant plus degueulasse que ça ne rend pas vraiment hommage au destin de cette championne tant elle apparaît détestable et chiante la majeur partie du temps : qu'elle soit révoltée, on peut aisément le concevoir (faut dire que c'est franchement révoltant) mais elle l'est souvent pour des raisons annexes dans son attitude d'ado stéréotypée capricieuse lambda par exemple (syndrome de la goutte d'eau qui fait déborder le vase sans doute), contrairement à sa mère d'ailleurs qui aurait toutes les raisons d'en vouloir à la Terre entière (on lui a juste pris son mari et deux de ses gamins) mais qui reste digne, combattive et profondément altruiste aussi.
Au final, l'univers de la boxe n'y est que survolé, comme un exutoire à la rage qui l'habite (mais ça aurait très bien pu être n'importe quel sport ou n'importe quelle passion... Oui, on peut parfaitement passer ses nerfs sur une flûte à bec ou en pratiquant assidûment la peinture sur soie).
Et le "Danbé" n'est autre que la philosophie de vie adoptée par une majorité de gens qui en chient et qui se sortent les doigts du cul pour vivre (ou survivre).
Alors peut-être que je me trompe et qu'à l'heure actuelle, la France a encore besoin de films comme ça, de films profondément prosélytes qui n'apporteront pas grand-chose à ceux qui sont déjà convaincus qu'on peut être immigrés, être des gens bien, avoir la rage de vivre et s'en sortir malgré l'adversité (et pas qu'en devenant champion du monde de quoi que ce soit : en cela les personnages du frère et de la mère d'Aya sont nettement plus intéressants et c'est d'ailleurs dommage qu'ils ne soient pas davantage mis en valeur) et qui n'apportera malheureusement rien à ceux qui sont convaincus du contraire car ils ne le verront pas.
DANBÉ, LA TÊTE HAUTE.
Réalisé par : Bourlem Guerdjou / Genre : drame / Nationalité : français / Distributeur : Zylo
Casting : Tatiana Rojo, Annabelle Lengronne, Assa Sylla, Medina Diarra, Bruno Lochet...
Date de sortie en vidéo : 2 Juin 2015 / Durée : 1h28min
À voir également : le top 100 des films français et un super film lui aussi édité par Zylo :
De la critique hystérique (mais pas que)
La bande-son est hyper chiadée et pour cause : elle agit comme un exutoire qui permet de se couper de la réalité pour pouvoir la supporter, pour se rappeler qu'on est encore vivant (et encore humain), avec la musique (et les piles du baladeur CD) comme ultime rempart contre la dépression (ou la folie)...