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EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Ou la curiosité est un vilain défaut (comme dans Alice au pays des merveilles... Et puis, c'est pile-poil le nom de l'héroïne ! Oh wait...).

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Ce film, je ne l'avais pas vu à l'époque parce que j'étais trop jeune et pure.

— Mais maman, j'ai vu Trainspotting en salle y'a 3 ans !
— Que dalle...
— Mais tu m'as montré Shining quand j'étais toute petite !
— Ouais mais non, là c'est pas pareil : y'a du fion.
— Ah... Bon.

Des limites de la logique éducationnelle...

Et puis on se réveille un matin en se disant qu'on l'avait complètement oublié, qu'on pourrait peut-être le voir à présent et que comme on est trop une rebelle, on va même le faire sans demander la permission.

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Certains (comme ma mère donc) l'avaient qualifié de "sulfureux"... (pour les trois clampins qui ne l'auraient toujours pas vu et qui espéreraient une scène de sexe non simulée en Tommy et Nicky, je vous préviens : c'est mort (comme dans la vraie vie ?...) Cela-dit, depuis le temps, y'a encore des gens que ça intéresse ?).

En ce sens, ça m'a fait un peu penser au Welcome to NY d'Abel Ferrara (c'est con qu'il soit pas mort 5 jours après avoir fini le director's cut, dans 10 ans on aurait crié au génie) :

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Comment ?!? Y'a quelque chose de pourri au royaume du Danemark ?!? Y'a des partouzes cagoules chez les (très) grands de ce monde ?!? Les gens baisent à couilles rabattues avec tout ce qui bouge (et qui est plus ou moins tarifé) du moment que ce n'est pas leur conjoint officiel ?!? Y'en a qui consomment des putes sur un lit de caviar arrosé de champagne à 10 SMIC la bouteille ?!? Ben ouais... Pas nous... Malheureusement... Ou pas.

Parce qu'au final, d'un point de vue purement narratif, ça reste un toubib renommé (comprendre qui soigne des gens super friqués, pas le généraliste dans un patelin du trou du cul du monde... Et qui n'est donc pas non plus le dernier connard d'artisan/commerçant/ouvrier/petit fonctionnaire venu) qui découvre qu'il y a encore une autre CSP bien au-dessus de lui... Et de ses valeurs... Et qu'il n'y a pas sa place (petite merde, va)... Et que c'est p'têtre pas plus mal.

Au fond, la fidélité, la jalousie, le "jusqu'à ce que la mort nous sépare", les prises de tête familiales pour tout (l'éducation des gamins) et n'importe quoi (pourquoi ton slip traine dans le salon ?), c'est pour nous, les cons de pauvres.

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Mais outre l'aspect narratif brut, c'est Kubrick aux manettes. Et c'est toujours super kiffant de jouer à repérer l'iconographie cachée du film... Même si on ne peut pas trop la qualifier de "cachée" ici... On pourrait même parler d'omniprésence... Voire d' "En passant par la Lorraine" (mais ça signifierait être médisant et ça, jamais).

On le sent donc un peu plus faiblard, le Stanley (quoi ? Non, je n'ai pas dit qu'il était temps qu'il arrête, c'est pas vrai) parce qu'on repère la symbolique à 3km, genre "hey, hein, vous l'avez vu le message caché, hé les mecs, hein, vous l'avez vu, allez, soyez pas chiens, dites-moi que c'est bon vous le tenez ?"... A moins que ce ne soit "putain, j'en ai ras le cul d'essayer de délivrer un message compliqué, j'vais la jouer franc-jeu pour une fois".

Alors c'est vrai qu'a posteriori, on connaît l'histoire du bonhomme, sa fille dans une secte, sa peur de père de la savoir se faire éclater par une foultitude de mecs ou de ne pas savoir justement...

Et que, peut-être (je dis bien peut-être : je ne suis pas abonnée à psychologie magazine, ce qui me donnerait évidemment toute légitimité pour ouvrir ma grosse gueule), le sujet le touchait d'un peu trop près...

Ou peut-être que, sentant sa fin prochaine, il s'est dit qu'il en avez plein le cul de faire dans la finesse et qu'il allait y aller franco dans la thèse complotospirationniste.

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

On retrouve donc des thèmes plus ou moins récurrents, flippants ou non : l'ascenseur (putain il va se passer un truc, vite, je m'en vais faire "petit trou" avec mes doigts... Mais non, arrête, c'est pas Shining : y'a du marbre au sol !), les miroirs, les dialogues à double-sens tout en sous-entendus pas si sous-entendus (en VO c'est flagrant), l'arc-en-ciel, la théorie selon laquelle les hommes ne pensent qu'avec leur queue (mais pas Tommy, Tommy lui, il est pur), l'égoïsme et la cruauté féminins (parlez-moi de moi, y'a que ça qui m'intéresse), la propension de l'être humain à se créer des problèmes là où il n'y en a pas (c'est ça quand on s'emmerde), les limites de la trahison (qu'elle soit fantasmée ou réelle ou l'inverse, on ne sait pas)...

Et puis sinon, c'est tout de même "juste" un film de Kubrick donc la mise en scène est magistrale, tout y est parfaitement maîtrisé, tout comme la BO, la photo et les gonzesses à poil.

Parce qu'au bout du compte, ce qui est moral ou pas, on s'en cogne, car après tout chacun fait ce qu'il veut avec son cul (et avec son pognon).

EYES WIDE SHUT de Stanley Kubrick, 16 ans après [critique]

Alors, finalement, que ce ne soit pas son meilleur film (ou pas) importe peu : il y a toujours chez Kubrick ce petit (ou grand) quelque chose, cette ambiance particulière qui rend ses films fascinants, qu'on ne peut lui dénier et qui fait que même si ça dure 3 plombes, on reste scotché et qui laisse, longtemps après, un sentiment de malaise ou de doute et des interrogations irrésolues.

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