2 Février 2016
Paris, du milieu du XIXe au début du XXe siècle, la prostitution est partout (dans la rue, dans les bordels, les coulisses, les loges, les hôtels particuliers, les brasseries, les arrière-boutiques, les bords de fleuves...) et tout le monde y est confronté.
Les hommes, tout d'abord : de l'aristo qui entretient une courtisane (et se fait généralement plumer) au bourgeois qui s'emmerde au pieu avec bobonne (que la bienséance et la pudibonderie sociétale de l'époque oblige à s'emmerder elle aussi mais sans avoir la possibilité d'aller s'éclater ailleurs moyennant finance) en passant par l'ouvrier qui aime bien se détendre après une bonne journée de dur labeur et les flics, leur police des mœurs (pareil que dans le film de Gilles Verdiani) et leurs registres hyper précis et vachement rigolos avec le recul (ça devait nettement moins l'être à l'époque), aux maquereaux, enfin, après la fermeture des maisons closes.
Et les femmes, aussi et surtout : de l'ambitieuse qui vise le haut du panier (et se fait construire un hôtel particulier sur les Champs-Elysées... En toute simplicité), à la danseuse qui arrondit ses fins de mois, aux mères qui vendent leurs filles, aux tenancières de bordel, aux serveuses multi-fontion, aux lavandières et aux commerçantes qui sont bien obligées d'y passer pour filer à bouffer à la marmaille (ou leur acheter du Doliprane comme dans Running Man)... Bref.
Dans et autour de tout cela gravite une multitude d'artistes dont des peintres. Et ce documentaire qui traite de la prostitution se propose d'apporter un éclairage sur la société parisienne de l'époque à travers l'analyse en contexte de diverses œuvres picturales et sculpturales représentant ces femmes, réalisées tantôt par fascination, tantôt par dégoût ou par mépris, tantôt par pure sympathie, dans une volonté de dénonciation, de provocation ou d'admiration... Et des réactions qu'elles ont pu susciter.
Alors, ce qui est génial avec ce genre de film c'est qu'on y apprend beaucoup de choses : par exemple, j'ai appris plein de nouveaux synonymes très fleuris et imagés du mot "pute". J'ai aussi appris que d'après la définition d'Alexandre Parent du Châtelet, médecin hygiéniste (rien que le concept m'amuse) qui disait qu'on pouvait reconnaître une prostituée au fait qu'elle soit grasse et avinée, j'en suis une.
Et puis je ne verrai plus ni Les danseuses de Degas, ni Les demoiselles d'Avignon de Picasso de la même façon (pour Toulouse-Lautrec et Manet, j'avais quand même un doute)... À croire que ces œuvres font tellement partie de l'inconscient collectif qu'on les connait sans absolument les comprendre. À moins qu'on ne les ait étudiées trop tôt (un peu comme quand on doit expliquer à un gamin de 5 ans pourquoi Nikki de Saint Phalle aimait bien décapiter des poupées ou les cramer au chalumeau... True story).
Tout ça pour dire que ce DVD fait vraiment partie de ce qui se fait de mieux en séries documentaires, qu'il vaut véritablement le coup d'être vu, qu'il est passionnant et enrichissant et qu'il donne envie de relire Nana d'Emile Zola.
Réalisé par : Sandra Paugam / Genre : documentaire / Éditeur : Arte (page Facebook)
Casting : La Goulue, Apollonie Sabatier, Valtesse de la Bigne, Sarah Bernhardt...
Date de sortie en vidéo : 9 Octobre 2015 / Durée : 52min