21 Mai 2016
Le petit dernier de Dolan raconte l'histoire de Louis (Gaspard Ulliel) qui revient dans sa famille après 12 années d'absence, retrouver sa mère Martine (Nathalie Baye), sa petite sœur Suzanne (Léa Seydoux), son grand frère Antoine (Vincent Cassel) et accessoirement la femme de ce dernier, Catherine (Marion Cotillard). Et comme on ne sentait pas suffisamment le côté festif, on va rajouter aux réjouissances le fait que s'il fait son grand retour c'est pour leur annoncer qu'il va mourir. Wouhouuuu !!!! La pêche !!!!!
Dolan reprend donc le thème éculé du repas de famille qui tourne au règlement de compte. Alors du coup ça donne un film avec des gens qui fument, qui chialent, qui morvent, qui s'insultent et qui se hurlent dessus (une sorte d'anti-PATERSON en somme).
Et pour peu qu'on ait eu la chance de grandir cerné par le même genre de personnages (qui sont au demeurant très gentils tant qu'on ne les contrarie pas), on peut avoir assez rapidement l'impression que le Xav a exhumé (en plus de Moby) des images d'archives des repas familiaux de quand on était gamins (et pas si gamins que ça d'ailleurs) pour réaliser un docu-fiction avec des gens connus dedans... Ou bien, vu ce qu'ils se mettent et si l'on a fait le choix judicieux de ne donner aucune éducation à ses enfants, on peut avoir le sentiment de regarder un reportage-réalité d'anticipation sur ses futures réunions de famille (c'est possible aussi... Et tout aussi flippant).
Alors outre les flashbacks clipesques illustratifs superflus avec de la grosse musique très forte qui fait "boom-boom" bien lourde de sens pour qu'on comprenne tout, le problème est que les personnages et leurs caractères grossiers sur-surlignés (avec des pancartes et des ampoules qui clignotent tout autour) sont ultra caricaturaux et qu'ils sont incarnés (en très-très gros plans) par des acteurs qui nous gratifient de numéros calibrés pour viser le prix d'interprétation :
Ulliel en type équilibré, raisonnable et réservé (pour qu'on comprenne bien pourquoi il s'est barré), Baye en matriarche résignée un peu travelo qui joue à la conne mais qui en réalité a trop tout pigé à la vie, Cotillard en membre par alliance qui subit cette famille tout en ayant l'illusion d'essayer de maintenir une certaine cohésion (alors qu'ils n'ont absolument pas besoin d'elle), Cassel en irascible qui exploite le filon abandonné par Jean-Pierre Bacri période CUISINE ET DÉPENDANCES et UN AIR DE FAMILLE (mais en nettement plus vulgaire) et Léa Seydoux en benjamine ingrate et immature qui fait du Léa Seydoux, à croire qu'elle ne joue pas la comédie et qu'elle est véritablement "ordurière chic" dans la vraie vie (c'est comme le porno chic mais avec de la diarrhée verbale).
Tant est si bien que leurs griefs ne semblent pas du tout naturels et que quand arrive la magistrale engueulade finale dans la plus pure tradition des grandes hystéries collectives, on n'y croit pas (ou alors j'étais vraiment trop crevée).
Et pourtant, tout le paradoxe du film réside en cela : si l'on a déjà vécu ce genre d'happening familial, on sait très bien qu'il n'y a pas une once de sincérité là-dedans, que du simulacre et des faux-semblants (concept parfaitement illustré par la scène où, après s'être balancé les pires horreurs à la gueule, le frère et la sœur se retrouvent ensemble au sous-sol à l'abri des regards pour fumer une clope tandis qu'au RDC, la pièce rapportée se bouffe la rate).
Un peu comme une sorte de TRUMAN SHOW, comme si certaines personnes étaient tenues contractuellement à péter les plombs, à chialer et faire chialer les autres pour mettre un peu d'ambiance, un peu comme les gens qui quittent la salle à Cannes en gueulant "C'est un scandale !" alors qu'ils savent très bien ce qu'ils étaient venus voir.
Le film revêt alors une résonance particulière qui fait que ce qui sonne faux apparaît en réalité parfaitement réaliste.
(Faut dire que c'était le dernier film projeté de la journée)