7 Avril 2016
1918 dans les Hauts-de-France, pas loin de la fin de la première guerre mondiale.
Répondant à une petite annonce, Angèle débarque avec sa gamine Louise dans un ranch de Picardie, chez Charles (en vrai c'est Olivier Gourmet), amputé d'une jambe (en vrai Olivier Gourmet n'est pas amputé), pour lui servir d'infirmière.
Le Charles apprendra rapidement qu'Angèle, fille d'éleveurs de chevaux à qui faut pas trop en promettre, est tombée enceinte de son chéri de jockey Armand quand elle était mineure, que la guerre a éclaté et que, hop !, le Armand s'est retrouvé tout mort sans avoir eu le temps de l'épouser.
Ce qui ne surprend donc absolument personne...
Parce qu'admettons qu'elle ait eu sa fille à 20 ans (la majorité étant fixée à 21 ans jusqu'en 1974... Oui moi aussi je me coucherai moins conne ce soir) juste avant le début de la guerre et que le Armand soit réquisitionné pour servir d'engrais à Verdun (ou ailleurs), sa gosse aurait donc un peu plus de 4 ans... Sauf qu'à moins d'avoir bouffé de l'hormone de croissance (ou d'une grosse erreur de casting) ça n'est pas possible !
Mais si on considère, comme le suggère son interprète dans les bonus, qu'elle est plutôt tombée enceinte à 16 piges, qu'elle a accouché à 17 et qu'elle en a 25 en 1918 c'est que sa fille est née (je pose 6 et je retiens 2) en 1910 ! Jusqu'à preuve du contraire, la guerre commençant en 1914, ça signifie que la gamine avait minimum 4 ans quand son père est parti au front. 4 ans... Pas le temps de l'épouser... Il était un peu lent le Armand ou c'est moi qui hallucine ?
Du coup ses parents ont bien tenté de la marier à un bon con qui passait par là mais la Angèle a refusé tout net et s'est enfuie (avec sa gamine sous le bras ou in utero, on ne sait plus trop).
D'accord... Mais dans ce cas pouvez-vous m'expliquer comment qu'elle se retrouve infirmière, la fille-mère ?!?
À moins qu'en fait ce soit un conte de fées... Oui, c'est exactement ça : un conte de fées ! Et c'est pour ça qu'il ne faut pas faire attention à tout ça et juste prendre le film pour ce qu'il est :
Une belle histoire entre deux éclopés de la vie, entre deux victimes de la guerre, entre un homme gentil, spirituel et pas si moche que ça (ça vous sauve un bonhomme la barbe) et une femme drôle, pétillante et facétieuse... Ou entre un unijambiste et une grosse menteuse, entre un vieux monsieur très riche et une pauvre jolie femme très jeune (oups, désolée, ça m'a échappé).
Et pourtant, ce qui est fou c'est que, malgré tout, on se laisse véritablement embarquer par la relation qui s'installe entre Charles et Angèle, grâce à des dialogues savoureux interprétés avec un naturel confondant, grâce à des joutes verbales extrêmement modernes (au point de sembler un poil anachroniques par moment).
Jusqu'à ce que Charles demande à Angèle de l'épouser...
Et le pire c'est que la Angèle annonce la couleur : elle ne l'aime pas, elle ne le désire pas, elle l'a complètement friendzoné alors s'ils se marient, ils vont perdre leur complicité, et puis en plus il faudra qu'il renonce à l'engrosser (pas par abstinence mais grâce à l'utilisation de cette fabuleuse méthode de contraception du "t'inquiète je gère" qui a fait ses preuves sur des générations d'enfants reconnaissants), elle va se faire chier au pieu, elle aura l'impression de tromper Armand bla-bla-bla... Mais elle finit quand même par accepter (moyennant signature d'un contrat où elle vend particulièrement cher son joli petit cul au vieux monsieur pas beau mais pété de thunes).
Ainsi, tout se passe exactement comme elle l'a dit... Et si on était médisants, on serait tentés de dire qu'elle ne fait aucun effort d'ailleurs. Bon, à sa décharge, les préliminaires n'ont apparemment été inventés qu'en 1919 et, quand on est pas super enthousiaste au projet, ça peut quand même un petit peu aider...
Alors même si le film ne devient pas complètement inintéressant à partir de là, il perd tout de même de son originalité car on sait qu'on va forcément assister au cheminement de ces deux êtres qui vont apprendre mutuellement à panser leurs blessures, à réparer leurs corps et leurs âmes, et à transformer un mariage de raison en un mariage d'amour (pas de spoiler : c'est juste l'affiche du film !).
Bref, en résumé, elle finira donc par avoir le beurre et l'argent du beurre... Et lui le sourire et le cul de la crémière.
Comme ça, tout le monde est content, et ils vécurent heureux (et eurent beaucoup... de raisons de ne surtout pas passer leur chambre au luminol).
En bonus, outre l'interview du réalisateur Gilles Legrand, vous découvrirez :
• La comédienne Hélène Vincent qui explique qu'elle a tenu à participer modestement à ce film dans un rôle mineur car elle était tombée amoureuse du script et qu'elle voulait en être... (Cette grande actrice aux innombrables interprétations... qui nous fait irrémédiablement et tristement (ou pas d'ailleurs !) penser à ce sublime rôle de la mère de Bernie Noel dans le film d'Albert Dupontel et à ses échanges devenus cultes avec Roland Blanche à base de "fini la branlette" et de "je préfère t'enculer").
• Olivier Gourmet qui vous parlera féminisme (alors que tous les autres interviewés, l'actrice qui l'interprète et le réalisateur en tête, évitent soigneusement le mot)... à croire que personne ne l'a prévenu que ce n'était pas un film social et que ce ne sont pas les frères Dardenne à la réa (UN CONTE DE FÉES ON A DIT !!!).
Petite parenthèse à ce sujet :
Qu'elle soit moderne, la Angèle, d'accord : assumer d'être fille-mère tout en réussissant à devenir infirmière au début du 20ème siècle, ça force le respect (ou l'incrédulité, j'hésite).
Mais, en quoi le fait de choisir d'épouser un brave type riche que l'on n'aime pas alors qu'on n'y est pas du tout obligée représenterait un avancée sociale ou idéologique pour la femme ? Et puis quel était l'intérêt de l'épouser si c'était pour le faire souffrir ? Il ne lui a pas mis un couteau sous la gorge pour qu'elle accepte, un simple "non" aurait suffi !
Alors c'est vrai qu'elle ne le prend pas en traitre, qu'elle l'avait prévenu et qu'il savait où il mettait le pied mais pourquoi avoir accepté si ce n'est pour le confort matériel ? En quoi est-elle si différente d'une pute, les maladies vénériennes et la simulation en moins ?
À moins que "féminisme" ne soit vu ici comme une insulte ?
• Et enfin Georgia Scalliet, pensionnaire à la Comédie Française qui interprète Angèle et dont c'est la première apparition au cinéma : un petite nana bourrée de talent avec un petit côté Marion Cotillard dans les yeux, en plus jeune, plus fraîche et moins vulgaire, rigolote et mignonne comme tout, incroyablement belle, naturelle, toute nue à l'écran et pourtant même pas nommée pour le César du meilleur espoir féminin (ce qui est un scandale !) dont il faut apparemment louer la "singularité" (m'est avis qu'il devait y avoir un pari ou un jeu à boire au niveau de la prod à chaque fois qu'un interviewé prononçait ce mot).
En somme, L'ODEUR DE LA MANDARINE est un joli film parmi les films sentimentaux sortis l'an dernier, qui vaut la peine d'être vu pour ses acteurs très bons, servis par d'excellents dialogues, de superbes costumes-décors-maquillages-coiffures (non mais c'est important pour un film d'époque).
Un film avec du sexe non simulé, de la Mandarine qui prend cher (la jument pas l'agrume), de très belles scènes équines (et d'autres plus... naturalistes, qui redimensionnent totalement le titre), une très belle lumière et une magnifique photo, le genre de film qu'on ne regarde pas sur Youtube.
Le parcours d'une femme, enfin, pour cesser d'être frigide, qui tend à montrer qu'il n'y a pas de mauvais amant parce que tout est dans la tête, que le bonheur, c'est simple comme un coup de déserteur et que ça peut suffire à faire sauter bien des verrous (mais faut avoir un déserteur sous la main, ce qui n'est pas donné à tout le monde).
Réalisé par : Gilles Legrand / Genre : drame / Nationalité : français / Éditeur : Metropolitan Filmexport
Casting : Olivier Gourmet, Georgia Scalliet, Dimitri Storoge, Hélène Vincent...
Date de sortie en vidéo : 8 Février 2016 / Durée : 1h50min