Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
DLCH

LA DÉBÂCLE d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] #2

Previously dans la première partie de LA DÉBÂCLE d’Emile Zola :

DEUXIÈME PARTIE.

Où il y a des gens qui meurent dans d’atroces souffrances. Plein.

LA DÉBÂCLE d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] #2
CHAPITRE UN, où Weiss pète un câble et se sent subitement pousser des ailes belligérantes.

Le beauf de Maurice, Weiss, décide de quitter momentanément Sedan pour aller barricader sa résidence secondaire dont il vient tout juste de faire l’acquisition à Bazeilles. En observant la vallée, il se rend compte que l’armée de Napoleon III est prise dans les mâchoires d’un étau qui va se refermer sur Sedan. Au petit matin, les combats éclatent. En compagnie de son patron, Delaherche, propriétaire lui aussi d’une teinturerie dans le même bled, ils discutent fuite et repli sur Sedan (dans la gueule du loup donc) avec une voisine qui refuse de les suivre, arguant que son fils est bien trop malade pour risquer d’être transporté et Bim ! Obus dans ta gueule, ça t’apprendra à te montrer prudente :

Puis, la façade reparut, éventrée; et, là, sur le seuil, Françoise était jetée en travers, morte, les reins cassés, la tête broyée, une loque humaine, toute rouge, affreuse. (...)
Oui, elle était bien morte. [Weiss] s'était baissé, il lui tâtait les mains; et, en se relevant, il rencontra le visage empourpré du petit Auguste, qui avait soulevé la tête pour regarder sa mère. Il ne disait rien, il ne pleurait pas, il avait seulement ses grands yeux de fièvre élargis démesurément, devant cet effroyable corps qu'il ne reconnaissait plus. (...)
Des mouches déjà volaient et se posaient sur la tête broyée de Françoise; tandis que le petit Auguste, dans son lit, pris du délire de la fièvre, appelait, demandait à boire, id'une voix basse et suppliante.
— Mère, réveille-toi, relève-toi… J'ai soif, j'ai bien soif…

Du trash, de l’abject, du sordide, de l’épouvantable, de l’injuste : ça c’est mon Emile !

Comme en plus et surtout, l’obus a fracassé la cheminée de sa maison, Weiss, n’y tenant plus, décide de ne pas rentrer à Sedan et de se jeter corps et âmes dans la bataille après avoir piqué du matos sur un soldat mort. Le lieutenant qui dirige l’opération a les jambes arrachées, le contingent napoléonien réussit à repousser l’ennemi et pourtant, on lui donne l’ordre de battre en retraite ce qui n’est pas franchement du goût des habitants de Bazeilles qui, déjà décimés, se sentent légèrement abandonnés. Et ce à quoi Weiss se refuse.

Delaherche, quant à lui, tente un repli en essayant de passer entre les balles et les obus, croise l’empereur dans une briqueterie, déterminé à mourir au feu mais dont la mort ne veut pas, est témoin de joyeuses scènes de carnage et réussit finalement à rejoindre Sedan en observant les commandants de l’armée prussienne placer leurs pions sur l’échiquier du champ de bataille du haut de leur colline et se préparant à mettre un gros échec et mat dans la gueule à Napo.

CHAPITRE DEUX, où les combats tardent à commencer pour Jean et sa joyeuse petite troupe.

Le lendemain, au petit matin, l’escouade de Jean (et accessoirement quelques 120 000 autres soldats) se prépare au combat et ils ont salement la dalle. Par conséquent, ils sont un tout petit peu vénères...

Le révolutionnaire revenait chez ce grand diable de peintre en bâtiments, beau parleur de Montmartre, théoricien de cabaret, gâtant les quelques idées justes, attrapées çà et là, dans le plus effroyable mélange d'âneries et de mensonges.

Tiens, un copain d’Etienne Lantier dans GERMINAL !

Ils réussissent tout de même à obtenir un shot d’eau-de-vie, histoire de se donner du courage. Ils se mettent ensuite en route, sans même savoir où ils vont, au milieu d’un brouillard à couper à la baïonnette, ce qui n’est pas pour arranger le moral des troupes.

Oh! Moi, c'est comme si c'était fait… Je serai tué aujourd'hui.

Des têtes se tournèrent, on lui demanda s'il avait vu ça en rêve.
Non, il n'avait rien rêvé; seulement, il le sentait, c'était là.

— Et ça m'embête tout de même, parce que j'allais me marier, en rentrant chez moi.

Et c’est pile poil ce qui lui arrive un peu plus tard, quand il se mange un obus en plein bide, mais qu’il ne meurt pas tout de suite (ç’eut été trop doux et trop simple), histoire de bien prendre la mesure de sa tristesse, de correctement voir la fin de tout espoir d’avoir une vie heureuse (ou tout simplement, une vie).

Mais le misérable continuait, pleurait maintenant, éperdu du bonheur rêvé qui s'en allait avec son sang.

Le tout en suppliant qu’on l’emmène au poste de secours où il est finalement emporté agonisant par Chouteau et Loubet qui en profiteront pour se planquer jusqu’au soir après avoir abandonné son cadavre.

Ce n’est que lorsque le rideau se lève, tandis qu’ils sont couchés dans un champ de choux, que Maurice comprend qu’ils se trouvent sur le plateau de l’Algérie et que, comme les décisions en haut lieu ont été prises avec le cul par des types qui connaissent un beignet à la géographie du coin, toutes les positions situées au-dessus de leur zone ont été abandonnées aux prussiens. Alors ils sont copieusement dans la merde.

Du coup, avec Mac-Mahon qui, blessé abandonne le commandement, et les généraux qui se disputent la relève et qui sont diamétralement pas d’accord entre eux, les soldats du régiment de Jean et Maurice ont légèrement les boules.

Il sentit la confusion, le désarroi final où tombait l'armée, sans chef, sans plan, tiraillée en tous sens; pendant que les allemands allaient droit à leur but, avec leur rectitude, d'une précision de machine.

Des allemands, donc.

Et si on rajoute à ça les obus et les balles qui sifflent au-dessus de leurs têtes, en emportant quelques-unes au passage, la peur gagne les soldats :

Il n'avait pas eu d'abord cette sueur froide, cette défaillance douloureuse au creux de l'estomac, cet irrésistible besoin de se lever, de s'en aller au galop, hurlant. (...) D'autres aussi grelottaient, Pache qui avait des larmes plein les yeux, qui se lamentait d'une plainte involontaire et douce, d'un cri de petit enfant, qu'il ne pouvait retenir.

Et d’autres chopent tout à coup une chiasse carabinée fulgurante et explosive dont ils se soulagent en s’accroupissant sur place tout en prenant le risque de mourir cul nu et décapité.

Du coup Jean engueule Maurice pour qu’il ne se laisse pas aller.

Il l'injuriait tout bas, paternellement tâchait de lui faire honte, en paroles violentes, car il savait que c'est à coups de pied qu'on rend le courage aux hommes.

Ça et d’imodium aussi peut-être.

Alors quand un contingent de prussiens surgit du bois rebroussant immédiatement chemin, les soldats, toujours vautrés dans les choux, ouvrent le feu sans même attendre les ordres, pour faire taire la peur, tuant ainsi des tas de feuilles et de petites branches voire un ou deux écureuils (mais rien n’est moins sûr).

CHAPITRE TROIS, où Henriette cherche son mari.

Henriette, la sœur de Maurice et la femme de Weiss, se fait du mouron puisque son mari n’est pas rentré. Elle se rend à la sous-préfecture où elle connaît la fille de la concierge qui lui apprend, après l’avoir bien gavée avec diverses News People sur ce pauvre bougre d’Empereur qui passe ses nuits à hurler de douleur sans même être blessé, que les combats ont lieu à Bazeilles, pile là où son mari est censé se trouver.

Pas vraiment rassurée, Henriette rentre chez elle en espérant l’y trouver sauf qu’il n’est évidemment toujours pas revenu. Elle se rend ensuite à la fabrique puisque Delaherche, le patron, était lui aussi parti à Bazeilles avec Weiss.

Elle monte jusqu’à la chambre de son amie d’enfance, Gilberte, la femme du boss. Chemin faisant, dans les escaliers, elle croise le capitaine Beaudoin que cette petite gourgandine se tape en loucedé, profitant de l’absence de son mari. Après un bref échange de points de vue très différents sur le mariage et les raisons, bonnes ou mauvaises, d’être infidèle, elles se serrent dans leurs bras lorsque la belle-mère débaroule.

Et même si Henriette tente de sauver les miches de sa cops en balançant discrètement les gants que son amant a oublié derrière un fauteuil, la vieille comprend bien ce qui s’est passé. Mais bon, à la base, elle était surtout venue la prévenir que l’armée avait décidé d’utiliser la fabrique pour y installer une ambulance (c’est-à-dire un hôpital de campagne, n’allez pas vous imaginer un truc qui fait « Pimpon »).

Ainsi, c’est le Major Bouroche qui prend en main les opérations (au sens propre comme au figuré) et les trois femmes sont réquisitionnées tandis que Mac Mahon passe dans la rue dans une charrette avec sa blessure au cul.

Delaherche rentre et raconte à Henriette que Weiss a pris part au combat. Alors elle décide d’aller le rejoindre. Delaherche, partagé entre son devoir de l’accompagner et sa trouille de se retrouver encore sous la grêle d’obus et de balles, est bien content de la paumer dans un mouvement de foule à la sortie de Sedan.

Il se balade alors dans la ville, croise le retour pas franchement glorieux de l’Empereur et de ses troupes, puis se met en tête d’aller observer le champ de bataille sur la terrasse sur les toits de sa maison. Là, il ne peut que constater l’imminence de la victoire des troupes prussiennes.

CHAPITRE QUATRE, où Henriette trouve son mari.

Henriette, qui a donc échappé au patron de son mec, se dirige vaillamment vers le bled où le couple possède une maison. Sur la route, elle est bloquée par les troupes françaises à qui on a donné l’ordre de dé-battre en retraite sur Bazeilles, ce qui leur fout clairement les boules puisqu’elles vont devoir reprendre les positions qu’elles ont été contraintes d’abandonner à l’ennemi grâce aux consignes à la con.

Elle finit par doubler le contingent et par couper à travers champs et rejoint enfin le village, blessée au front par un éclat de balle, et après moult péripéties, aidée pendant un moment par un gamin errant. Arrivée sur la place, elle ne peut que constater que sa maison est en feu, éventrée par les impacts de divers projectiles et que son toit n’existe plus. Elle se précipite alors et...

Flashback !!!

Nous retrouvons son mari, Weiss, qui s’est retranché dans sa résidence secondaire, avec un groupe d’une demi-douzaine de soldats qui n’avaient pas été désireux de suivre les fameuses consignes à la con en abandonnant le village et ses occupants, ainsi que Laurent, un jeune jardinier n’ayant plus rien à perdre puisque sa femme et sa mère venaient tout juste de mourir de la même maladie, les coquines.

Comme il avait préalablement barricadé la baraque en vue de lui permettre de résister aux pillages, ils se trouvent donc dans une place de choix pour canarder, sans se faire immédiatement allumer, l’assaillant occupé à prendre chaque rue, maison par maison, en fusillant chaque villageois portant une arme et en cramant leurs logis.

LA DÉBÂCLE d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] #2

Alors c’est sûr qu’ils réussissent à faire du dégât, essuyant peu à peu des pertes de leur côté accompagnées d’agonies tantôt violentes tantôt longues et douloureuses mais toujours très sanglantes (voire cervellantes) tout en entendant gémir, pleurer et appeler sa mère le petit voisin malade... Mais, tel Blanquette dans LA CHÈVRE DE MONSIEUR SEGUIN, une fois les munitions épuisées, le loup les mangea (ou l’allemand les fusilla, c’est pareil).

Weiss et Laurent sont donc capturés et emmenés contre un mur pour être exécutés. Les prussiens s’empressent de foutre le feu la baraque, qui prend aussi dans la maison voisine, brûlant vif, bien que plus très vaillant, le gamin.

C’est alors que surgit Henriette.

Elle se précipite sur son mari et supplie le chef ennemi de la tuer avec lui tandis que Laurent tente de négocier la libération de son pote de carnage en expliquant que c’est lui le sniper qui a buté tant de leurs petits camarades. Mais l’allemand, comme son nom l’indique, est inflexible : il demande à une sorte de The Rock rouquin et moustachu d’extirper la petite dame agrippée de toutes ses forces à son époux. Époux qui finit par lui prendre les mains en lui disant adieu et en la confiant aux bons soins du géant roux.

Il est alors abattu non sans avoir eu une dernière pensée pour la colère imbécile qui lui a fait commettre la connerie de rester au lieu de retourner auprès de sa femme tant aimée.

Arrive alors le contingent de l’armée française de tout à l’heure et Henriette est éjectée dans une ruelle adjacente. Et sans savoir comment, emportée par le flot des derniers habitants de Bazeilles encore en vie qui prennent la fuite vers Balan, elle se retrouve assise dans la cuisine d’inconnus dans un bled voisin en train de chialer.

CHAPITRE CINQ, où l’armée française se prend une grosse branloute.

Tellement crevé, Maurice, toujours couché avec ses potes dans les choux, pique un roupillon sans plus se soucier de la pluie de balles et d’obus qui s’abat tout autour d’eux. À son réveil, il observe le travail des brancardiers qui volent au secours des blessés au péril de leur vie, à se demander s’ils ne sont pas encore plus suicidaires que les soldats eux-mêmes. Ils se lèvent enfin et partent en courant pour essayer de rejoindre la position du calvaire d’Illy, dans un bordel tellement désorganisé que certains, la terreur chevillée au corps, sont tentés de se barrer dans la direction opposée. Galvanisés par le colonel de Vineuil (et aussi menacés de coups d’épée dans le train par le lieutenant Rochas), ils font pourtant demi-tour, tiraillé par la faim, la fatigue, la chaleur et la soif, dans une cohue et un vacarme si assourdissants que leurs cerveaux se mettent complètement en off.

À voir le danger, on le brave. Il n'y a pas d'héroïsme plus obscur ni plus grand.

Arrivés en haut du calvaire, les tirs redoublent et les revoilà en train d’appréhender physiquement l’horizontalité du sol de leur environnement proche.

L’artillerie finit par arriver mais, après moult manœuvres pour ajuster les tirs, leurs obus ne parviennent pas à atteindre les canons ennemis tandis que ces derniers, plus précis et avec une meilleure portée, se mettent à savamment leur dérouiller la gueule. Ils changent de place par deux fois, sans davantage de réussite, avant de sonner la retraite avec la moitié du matos et de la main-d’oeuvre encore utilisable.

Vient ensuite le tour de la cavalerie...

Les cinq régiments s'étaient formés en trois colonnes, chaque colonne avait sept escadrons de profondeur, de quoi donner à manger aux canons.

... qui va violemment se briser sur les lignes prussiennes. Et pendant ce temps, Jean est blessé à la tête et il s’évanouit.

Durant la bataille, le capitaine Baudouin sur son cheval, parti chercher connement une meilleure position pour tenir le calvaire, est gravement blessé lorsqu’il se mange un obus sur la tronche, tandis que Prosper, l’ami d’enfance de Maurice, disparaît dans les lignes ennemies avec sa monture Zephir au moment de la charge (bon, moi j’étais persuadée qu’ils étaient morts mais comme ils reviennent après et qu’on n’est pas dans THE WALKING DEAD, en fait non). Adolphe et son pointeur le petit Louis, tombent sous les balles et meurent enlacés, Honoré, le cousin de Maurice qui allait enfin épouser son amoureuse Silvine, périt en tentant de sauver son canon.

Bref, presque tout le monde crève dans une boucherie humaine et chevaline maculée d’entrailles, de cervelles et de boue née du mélange de la terre et du sang.

Vient alors le moment de battre en retraite et Maurice ne peut se résoudre à abandonner son ami. Il prend alors des risques inconsidérés et fait preuve d’une force surhumaine, décuplée par la terreur et le désespoir, pour ramener son caporal à l’abri. Les quelques contingents de soldats encore en vie se rabattent ainsi sur Sedan.

Et pendant ce temps, à 100m des combats, un paysan continue de labourer son champ.

CHAPITRE SIX, où Napoleon III capitule et où le capitaine Beaudoin finit par mourir... comme plein d’autres pauvres types massacrés attendant leur tour dans l’hôpital de fortune à la fabrique de Delaherche.

Delaherche aka « le lâche » aka « bien fait pour ta gueule si ta femme te trompe », cherche une excuse pour ne surtout pas filer un coup de main à l’infirmerie. Il brasse de l’air, par monts et par vaux, et multiplie les allers-retours entre sa terrasse sur les toits et la sous-préfecture. Là, il apprend que l’empereur, las du carnage et des bombardements, demande à ce que l’on hisse le drapeau blanc, dans un dernier sursaut de fierté et histoire de montrer à ses généraux que c’est encore lui le patron.

Pourtant les obus continuent de pleuvoir sur Sedan, atteignant parfois désormais la fabrique où sont installés les soldats blessés en attente de soins mais, le plus souvent, de la mort.

Lui et un camarade prirent le corps, l'emportèrent au charnier qu'on avait établi derrière les cytises. Une douzaine de morts, déjà, s'y trouvaient rangés, raidis dans le dernier râle, les uns les pieds étirés, comme allongés par la souffrance, les autres déjetés, tordus en des postures atroces. Il y en avait qui ricanaient, les yeux blancs, les dents à nu sous les lèvres retroussées; tandis que plusieurs, la figure longue, affreusement triste, pleuraient encore de grosses larmes. Un, très jeune, petit et maigre, la tête à moitié emportée, serrait sur son coeur, de ses deux mains convulsives, une photographie de femme, une de ces pâles photographies de faubourg, éclaboussée de sang. Et, aux pieds des morts, pêle-mêle, des jambes et des bras coupés s'entassaient aussi, tout ce qu'on rognait, tout ce qu'on abattait sur les tables d'opération, le coup de balai de la boutique d'un boucher, poussant dans un coin les déchets, la chair et les os.

Simple et funkie.

Mais les prussiens n’acceptent pas la capitulation tant que le commandant de l’armée française n’a pas donner sa lettre de reddition. Sauf que le commandant en question refuse de signer la lettre (prends-toi ça dans les dents, Napo : comme désaveu, ça se pose là).

Les troupes impériales tentent alors une ultime attaque qui, comme à l’accoutumée, se solde par un échec cuisant et une nouvelle petite tuerie sympathique et joviale.

Le capitaine Beaudoin qui, rappelons-le, s’était pris un obus sur le coin du râble parce que la planque qu’ils avaient trouvée sous le calvaire ne lui semblait pas assez bien, est emmené à l’hôpital improvisé.

Il est amputé d’urgence sous chloroforme mais le Major-charcutier Bouroche voit bien, au moment de ligaturer les artères de la jambe du capitaine, que les petits vaisseaux ne sont déjà plus irrigués, la faute au bandage qui s’est relâché durant son transport, causant une hémorragie massive. Il le sait donc condamné et ça lui fout un gros coup au moral, en plus des opérations qui se succèdent à une cadence infernale sans aucun dépassement d’honoraires, et du faible pourcentage de survie de ses patients.

Baudoin agonise donc, entouré par sa maîtresse, le mari de celle-ci ainsi que sa belle-mère qui, le voyant mourir, décide de ne finalement pas cafter à son fils l’aventure de sa femme.

Il secouait la tête, il ne regardait plus qu'elle, avec un immense regret de la vie dans les yeux, une lâcheté de s'en aller ainsi, trop jeune, sans avoir épuisé la joie d'être.

Enfin, un représentant du chef de l’armée napoléonienne va à la rencontre du commandement prussien pour apporter la capitulation de la France.

CHAPITRE SEPT, où Jean et Maurice rejoignent Sedan...

Jean reprend connaissance et remercie chaleureusement son acolyte de ne pas l’avoir laissé crever comme une vieille merde sur le champ de bataille. En compagnie de quelques survivants de leur régiment, ils doivent à présent se barrer fissa pour regagner Sedan. Et pour ce faire, ils vont devoir traverser la forêt de la mort. Mais attention, pas un truc hanté à la con où ils seraient susceptibles de croiser l’équipe de tournage du PROJET BLAIR WITCH : une vraie forêt que les prussiens ont dans le collimateur car c’est là que se réfugiaient les fuyards et qu’ils allument sans discontinuer. Ils s’élancent donc, au petit bonheur la chance et sans réfléchir (surtout sans réfléchir) dans l’horreur absolue, sachant pertinemment que les survivants de la traversée ne devront leur salut qu’à un énorme coup de moule.

Au pied d'un chêne, Maurice et Jean aperçurent un zouave qui poussait un cri continu de bête égorgée, les entrailles ouvertes. Plus loin, un autre était en feu: sa ceinture bleue brûlait, la flamme gagnait et grillait sa barbe; tandis que, les reins cassés sans doute, ne pouvant bouger, il pleurait à chaudes larmes. Puis, c'était un capitaine, le bras gauche arraché, le flanc droit percé jusqu'à la cuisse, étalé sur le ventre, qui se traînait sur les coudes, en demandant qu'on l'achevât, d'une voix aiguë, effrayante de supplication. D'autres, d'autres encore souffraient abominablement, semaient les sentiers herbus en si grand nombre, qu'il fallait prendre garde, pour ne pas les écraser au passage. Mais les blessés, les morts ne comptaient plus. Le camarade qui tombait, était abandonné, oublié. Pas même un regard en arrière. C'était le sort. À un autre, à soi peut-être!

Délestés d’une bonne partie des membres de leur équipe, Jean et Maurice sortent physiquement indemnes du bois (psychologiquement en revanche, c’est moins sûr).

Avec Maurice et Jean, il ne restait de la petite bande que le lieutenant Rochas, Pache et Lapoulle.

Puisqu’ils viennent tout juste d’abandonner le porte-drapeau à son sort funeste...

Et il resta seul, à se tordre sur la mousse, dans ce coin délicieux du bois, arrachant les herbes de ses mains crispées, la poitrine soulevée par un râle qui dura pendant des heures.

Et là, par contre, pas un obus pour abréger ses souffrances...

Ils croisent une auberge dans laquelle ils retrouvent les deux planqués Chouteau et Loubet, ivres morts, que Pache et Lapoulle hésitent tout d’abord à rejoindre... Et puis finalement YOLO (ou YODO) !

Et un peu plus loin, le long de la route, nos trois compères tombent sur Henriette, bien décidée à retourner à Bazeilles pour rechercher le corps de son défunt mari et lui offrir une sépulture décente. Mais comme elle a repris ses esprits et qu’elle n’est pas non plus complètement conne (bien qu’elle manque de se faire piétiner par les soldats qui fuient vers Sedan), elle explique à son frère jumeau qu’elle envisage d’aller voir leur cousin Dubreuil pour qu’il l’aide dans son projet. Alors le lieutenant Rochas, décidé à confier le drapeau à cet inconnu pour qu’il le garde en lieu sûr, propose de les accompagner lui aussi.

Sauf qu’arrivés à l’Ermitage, dans la super baraque du cousin, le type n’est plus là et tout a été pillé. S’ensuit un nouveau combat qui verra la mort du lieutenant Rochas au milieu de son drapeau déchiqueté et du clairon Gaude, un nouveau carnage et une nouvelle défaite, bien que nos compères aient pu croire à une hypothétique victoire. Mais les prussiens sont bien trop nombreux et trop malins, et si les français ont l’impression de les avoir forcés à battre en retraite à un moment donné, c’est juste que ces enfoirés faisaient le tour pour mieux les attaquer de côté.

Jean, Maurice et Henriette en sortent vivants, pourtant, sans trop savoir comment.

Une inconscience complète leur venait, ils n'agissaient plus que machinalement, la tête vide, ayant perdu jusqu'à l'instinct de la conservation.

Et les combats continuent, malgré la capitulation, parce que les téléphones portables captaient plutôt mal à l’époque et que tout le monde n’avait pas eu l’info comme quoi le drapeau blanc avait été hissé.

Les trois amis arrivent à Sedan où une foule compacte s’entasse devant la porte et pour cause : le pont-levis étant pété, les survivants ne peuvent rentrer qu’au compte-goutte dans la ville.

S’ensuit une bonne grosse angoisse de voir les portes se fermer avant d’avoir pu pénétrer dans la ville mais ils arrivent à rentrer parmi les derniers, juste avant l’arrivée des prussiens et la tombée de la nuit.

CHAPITRE HUIT, où Delaherche reprend du poil de la bête...

Delaherche continue sa pêche aux nouvelles en multipliant les allers-retour à la sous-préfecture (jusqu’à un certain point car, au bout d’un moment, les rues sont tellement encombrées de monde qu’il fait en une heure un trajet de 5mn et c’est un peu relou).

Il s’agit de savoir si le général Wimpffen, dernier commandant en date et représentant de l’armée française va accepter les conditions tout sauf clémentes voulues par les prussiens vis à vis des vaincus (la capture de tous les soldats ainsi que de tout leur matos) sans quoi Sedan serait réduite en cendre, comme Bazeilles, avec ses habitants ainsi que toutes les troupes repliées dedans (c’est qu’ils déconnaient pas les allemands à l’époque... Bon en même temps ils ont pas trop déconné non plus durant les deux guerres mondiales qui ont suivi). Du coup les soldats se mettent à balancer leurs épées à la flotte, à péter leurs fusils, et à saboter leurs canons.

De retour chez lui, Delaherche trouve Jean, Maurice et Henriette endormis, ainsi que sa femme Gilberte. Mais lui ne peut pas fermer l’œil, trop inquiet de voir peut-être cramer sa fabrique le lendemain ou d’apprendre que sa teinturerie a déjà cramé à Bazeilles. Votant qu’elle a pleuré, il hésite même d’ailleurs à réveiller Henriette pour lui demander des nouvelles de son commerce, ce gros con.

Sa mère, quant à elle, veille le colonel de Vineuil, blessé aux pieds, qui délire dans son sommeil, refaisant la bataille et énumérant les décisions qu’il aurait voulu prendre (et qu’il savait avant même de combattre qu’il aurait fallu prendre) mais qui n’ont pas été prise par ces gros bœufs de généraux.

Pendant ce temps, Bouroche tombe en panne de chloroforme et il est contraint de continuer d’amputer mais sans anesthésie (ce qui n’est pas pour arranger son moral).

Au réveil, Maurice n’a pas trop-trop la frite et Jean tente de le rebooster. Ils débattent deux minutes de la politique impériale et de ses choix de merde quand Henriette les rejoint.

— Ah! ma pauvre, pauvre chérie, que je m'en veux de n'avoir pas plus de courage pour te consoler!… Ce bon Weiss, ton mari qui t'aimait tant! que vas-tu devenir? Toujours, tu as été la victime, sans que jamais tu te sois plainte… Moi-même, t'en ai-je causé déjà du chagrin, et qui sait si je ne t'en causerai pas encore!

Maurice, expert en psychologie du réconfort.

Sur ces bonnes paroles, ils vont ensuite tous trois déjeuner avec le propriétaire des lieux :

— Ce pauvre Weiss! il paraît qu'ils l'ont brûlé… Oui, ils ont ramassé les corps des habitants passés par les armes, ils les ont jetés dans le brasier d'une maison qui flambait, arrosée de pétrole.

Delaherche, en compétition avec Maurice.

Maurice, de nouveau, l'avait serrée entre ses bras, et il l'appelait sa pauvre Cendrillon (...)

Maurice, participant actif au challenge « pousser sa sœur jumelle au suicide ».

Une fois la capitulation signée et Sedan sauvée, la discussion dévie sur la politique. Jean, tout juste revenu de l’enfer, prend alors pourtant vaguement la défense de l’empereur...

– Un brave homme, en vérité, c'est bientôt dit!… Savez-vous, monsieur, que ma fabrique a reçu trois obus, et que ce n'est pas la faute à l'empereur, si elle n'a pas été brûlée!… Savez-vous que, moi qui vous parle, j'y vais perdre une centaine de mille francs, à toute cette histoire imbécile!…

Delaherche, vainqueur toutes catégories.

Sentant la fin proche, le trésor du 7ème corps est distribué aux sergents et les deux copains parviennent à négocier leur part, n’ayant plus de soldats plus gradés encore vivants au-dessus d’eux.

Et pendant ce temps, Napoléon III se barre en exil.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE.

À suivre...

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :