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PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

Après l'emphase hystérique, le naturalisme pubien, le cannibalisme trash et le blockbuster bancal (on dirait presque une fable de La Fontaine dis-donc), quel bonheur de voir le dernier Jim Jarmusch : PATERSON.

PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

Paterson c'est le nom de la ville où Paterson (aucun lien, il est fils unique), poète en prose du réel (comme la gloire locale William Carlos Williams qu'il admire et dont il s'inspire), bosse comme chauffeur de bus. Il est en couple avec Laura (comme la muse de Petrarque, un autre poète pas trop-trop connu), fantasque jeune femme accro aux motifs graphiques en noir et blanc qui a une idée à la seconde, aussi fantaisiste qu'il est d'abord taciturne, illustration parfaite de l'attirance des contraires. Et c'est une semaine de la vie de cet homme, et la multitude d'histoires et de personnages à l'intérieur de son histoire que Jim Jarmusch nous propose de partager.

PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

Bon c'est vrai que dit comme ça, il n'y a franchement pas de quoi se taper le cul par terre. Et pourtant qu'est-ce que c'est chouette !

Outre les divers running-gag sur les obsessions géométriques textiles de Laura et autres Easter Eggs sur le titre disséminés un peu partout, on a plaisir à retrouver les éléments du discours et des poèmes au sein même de la narration du film comme un contrepoint, une métaphore de la beauté et de l'importance des mots.

PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

Et puis surtout, on est vraiment content pour Adam Driver car force est de constater que sa thérapie de la gestion de la violence fonctionne parfaitement bien : preuve en est, malgré la colère, la pression, la déception et la plaie que constitue le fait d'avoir un bouledogue anglais, il ne pète absolument rien avec un sabre laser (où on se rend compte par ailleurs à quel point son rôle dans SW7 est mauvais).

Ça donne donc un bien joli feel good movie, reposant, sur les gestes du quotidien, sur la complémentarité dans le couple où on se dit que c'est beau de s'aimer comme ça, avec autant de tendresse, que c'est zen et que ça fait du bien.

PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

Et même si la ville de Paterson n'est pas au top de sa forme au regard du nombre d'usines et d'immeubles murés, Jarmusch n'en fait pas des tonneaux à grands coups de filtres et de musique overdramatiques et refuse toute forme de misérabilisme social.

Il préfère dépeindre une mixité parfaitement naturelle : les gens ne se ressemblent pas mais ils se parlent, communiquent, fraternisent, s'aiment parce qu'ils se sont trouvés et pas parce qu'ils ont de quelconques revendications à la con. Tout est normal, loin des stéréotypes et c'est réellement salutaire.

Jarmusch filme donc un quotidien élégiaque comme une mise en abîme de sa propre poésie, sans artifices pop-up et sans fard. Et le film en lui-même devient un poème.

PATERSON de Jim Jarmusch [critique] (Cannes, 6ème jour)

(Parce qu'à Cannes, il y a presque systématiquement des gens qui se barrent avant la fin des films pour aller faire la queue pour la séance suivante... Il y a donc des gens qui se tape près de deux heures de projection et qui ne savent pas comment ça finit).

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