26 Octobre 2014
Là où bon nombre d'auteurs de thrillers se fixent une limite, une sorte de frontière à ne pas dépasser, Carrisi lui ne se contente pas de franchir la ligne jaune : il la piétine, fait marche-arrière pour lui rerouler sur la gueule puis prend de l'élan, une perche et effectue un magnifique saut périlleux triple boucles piquées avec atterrissage loinnnnnnn devant (jusqu'à ce qu'elle soit devenue toute petite), puis se retourne l'air de dire "Tadaaaaaa !!! C'est bon, vous flippez bien votre mère là et vous avez bien les yeux qui saignent ?".
Parce que, oui, lire un Carrisi c'est avoir l'assurance de baliser sa race, de faire des cauchemars monstrueux (pas le dragon), et d'avoir un sommeil de merde pendant de longues nuits.
La force de l'écriture du Monsieur, c'est que l'on peut deviner ce qui va se passer mais que, contrairement à d'autres romans policiers, on n'est pas dans la frustration : le mécanisme narratif amplifie la trouille car on sait ce qui nous attend, ce qui nous attend nous fait peur, mais on ne peut s'empêcher de continuer à lire, jusqu'à avoir confirmation de nos craintes (et ne plus pouvoir dormir).
De plus le fait d'avoir préalablement compris vous fait aussi flipper à propos de vous-même, de votre capacité d'abstraction niveau horreur et psychopathie.
L'auteur joue donc sur notre peur d'avoir peur et ça fonctionne toujours aussi parfaitement.
Cette suite du Tribunal des âmes, où l'on retrouve Marcus, il penitenziere-prêtre-profiler, et Sandra, la fotorivelatrice-fliquette-veuve, est construite comme un thriller nettement plus traditionnel (avec un seul tueur en série) et donc beaucoup moins torturé et tortueux que le premier volet.
Carrisi ne rebondit d'ailleurs pas immédiatement sur la dernière révélation du livre et poursuit son récit comme si de rien n'était (pas de tergiversation ici sur la rédemption, sur la culpabilité ou l'innocence de l'amnésique).
Un roman haletant, moins complexe, certes, et plus fluide que le précédent, avec moins de fausses pistes et d'intrigues parallèles mais qui pousse moins à la réflexion aussi.
Enfin, Carrisi écrit un épilogue en forme de nouvelle, déroutant sur le départ car a priori indépendant du corps du roman (où on se demande s'il nous fait pas un peu de rabe genre "y'en a un peu plus, je laisse ?") et déconcertant dans sa forme avec la multiplication des ellipses de temps et de lieux.
Puis l'histoire retombe sur ses pattes, résout l'irrésolu, et se conclut même comme un teaser pour une suite, un midquel ou un spin-off, que j'attendrai évidemment avec la plus grande impatience.