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SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

– Allez viens, on dirait qu'on ferait un film à pitch mais qu'on suivrait pas le pitch !
– Oh et on ferait ça comment ?
– Imagine un road-trip-budy-movie en taco sur la route des vins.
– Ok...
– Sauf que ce sont pas des potes, c'est un père et un fils, des agriculteurs franchouilles !
– Ouais...
– Non mais attends : ils vont faire la route des vins... sans jamais pénétrer dans un domaine ! Tu vois l'astuce ?
– Oh putain !
– Et attention, pour jouer les deux pécores, on va prendre un russe et un belge. Note bien l'ironie hein...
– Trop fort.
– Et pas n'importe quel russe : notre gros Gégé national ! Sauf qu'on le met complètement à contre-emploi puisqu'il ne picolera pas.
– T'es un génie ! Et dans le rôle du fils ?
– Qui tu verrais pour jouer un mec dépressif ?
– Poelvoorde ?
– Exactement.
– Comme ça, s'il est sobre, on pourra dire qu'il a fait son Tchao Pantin et s'il en fait des caisses, on pourra dire que le rôle a fait remonter ses vieux démons... Mais j'y pense : la route des vins, sobre, des caisses, c'est drôle ça, non ?
– Ho Ho Ho ! Mais oui, t'as tout compris ! Et attends la suite. Comme on est des gros anars et qu'on peut se le permettre, on va reprendre toutes nos vieilles techniques de Groland...
– Lesquelles ? Parce qu'on en a sous la godasse quand même !
– Ben tu sais, celles quand on n'est pas drôles et qu'on veut faire genre "on est matures et sérieux", on va vous délivrer un message ultra porteur de sens en utilisant le 45ème degré. Comme ça, si on nous le reproche, on peut toujours se cacher derrière un "c'était pour déconner, vous n'avez pas d'humour".
– Comme ?
– Ben du trash, du vulgaire, de la provoc, de l'inesthétique, du malsain, de la situation gênante, du bon gros moment de solitude qui duuuuuuure, du dialogue embarrassant, créer l'angoisse chez le spectateur, chercher à le mettre mal à l'aise...
– Bien... Et on mettrait quoi d'autre dedans ?
– Du cul.
– Ok mais comment ?
– Ben que tout tourne autour du cul. Et de l'amour aussi, faut que ce soit profond on a dit. Une sorte de quête universelle, la rédemption par la parentalité, la femme est l'avenir de l'homme et inversement. Un truc un peu féministe mais pas trop quoi.
– Ouais mais c'est pas très gay-friendly tout ça...
– Bah on pourra toujours caser Poelvoorde qui roule des pelles à un gars quand il est bourré, ça passera.
– Ça marche. Quoi d'autre ?
– Tiens, comme on parlait de cul, je viens d'avoir une idée géniale : on va prendre Ovidie !
– Tu veux dire, physiquement ?
– Mais non ! On va lui filer le rôle d'une salope, qui baise avec un inconnu pour rendre sa nana jalouse...
– Rhooo, c'est osé ça, chapeau l'artiste, il faut le faire !
– Et puis on va quand même utiliser la carcasse de Gégé...
– C'est-à-dire ?
– On va lui donner des scènes d'ogre, où il va s'empiffrer de charcut' à se faire exploser toutes les artères, où il va prendre toute la place à l'écran quand il est à l'arrière de la bagnole pour créer une sensation d'étouffement, où il va baiser aussi, avec un visuel "baleine échouée" sur une nana qui ressemblerait à une serviette de plage tout aplatie...
– Ah ouais, ça va faire marrer ça.
– Mais toujours avec une fêlure, des dialogues intelligents, un petit côté sensible qui va bien et qui nuance le tout.
– Un peu comme de la vaseline ?
– Voilà, c'est tout à fait ça !
– Et niveau histoire ?
– Quelle histoire ?
– Faut bien une histoire non ? Les gens sont pas si cons : ils vont pas déplacer leurs gros culs jusqu'au ciné juste pour aller voir Depardieu et Poelvoorde baiser et se bourrer la gueule dans un film réalisé par Delepine et Kervern...
– Mais puisque je te dis qu'ils ne se bourrent pas la gueule !
– Quand bien même !
– Ben oui, les gens sont cons, c'est ça le truc.

Hé, vous le sentez ou pas comment on fuck trop le system, comment on est trop des déglingos ?!?

Ouais ben sauf que le ciné, c'est chiant à y aller parce qu'il faut se débarrasser des gosses (je t'en foutrai de l'ode à la parentalité), que c'est 24 boules à deux et que là j'ai un peu mal au cul !

Alors certains ont dégueulé sur THE REVENANT parce que le film respirait un peu trop l'odeur de ses pets : je suis trop beau, je sens trop bon, je filme trop bien etc...

SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

Ben là c'est exactement la même chose mais inversée (donc pas du tout en fait) : c'est un film qui se sait et qui se veut provocateur à message. Et moche aussi (mais de la laideur vient la beauté, la tendresse, la complicité retrouvée, subtiles, furtives, dans un regard, une attitude, un geste... Bla-bla-bla). L'anti-THE REVENANT en somme.

SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

Pas que ça me dérange profondément parce que le film a, en outre, plein de qualités : Gérard est parfait (mais comme son but est clairement de faire chier le monde - grand bien lui fasse ! - il ne pouvait en être autrement), Poelvoorde, sans faire son TCHAO PANTIN, est très bien aussi (mais était-ce véritablement un rôle de composition ?) et ce même s'il ressemble très légèrement à mon père et que c'est peut-être ça que je trouve un brin dégueu.

SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

Et Lacoste ne peut malheureusement et évidemment pas soutenir la comparaison, face à la performance des deux monstres qui sont à l'arrière de sa bagnole... La faute au rôle dont on a l'impression qu'il a été écrit à l'arrache sur un bout de nappe ? À la volonté des réalisateurs de laisser les acteurs en roues libres pour plus d'authenticité ? À ce côté docu-fiction à la "Striptease" ? Sauf qu'on sent bien que le gars ne connait pas les névroses (extrêmement prévisibles par ailleurs) de son personnage, et que sans direction d'acteur, c'était le viandage assuré.

Mais les seconds rôles sont très bons, même s'il sont bien souvent stéréotypés eux aussi (malgré une galerie de portraits féminins qui peuvent se montrer décalés et attachants).

SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.
SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

Sauf que ça ne m'a pas fait marrer : on assiste perplexe à un enchaînement de sketchs pas tous très bons, qui s'essaient à être plus subversifs les uns que les autres, avec des dialogues plus ou moins heureux et des situations volontairement poussives voire douloureuses, pathétiques voire ridicules.

SAINT AMOUR de Benoit Delépine et Gustave Kervern.

Mais il y avait des gens hilares dans la salle alors je me dis que je ne devais pas faire partie du public-cible, tout simplement... Même si j'ai l'amère impression que "ça fait bien" de dire qu'on a adoré ce film, qu'il faut l'encenser d'ailleurs pour ne pas être considéré comme un gros bouseux qui va voir LES TUCHES 2 (mais le monde n'est pas si manichéen... Si ?).

Un film un poil sans queue ni tête, une tribune à performance d'acteurs, un film de potes pour emmerder le peuple, où, parfois complètement atterré, on se demande un peu tout du long ce qu'on est en train de regarder.

Pas de quoi se taper le cul par terre mais pas de quoi non plus brûler son passeport grolandais.

PS : c'est moi où Depardieu ressemble plus à Galabru qu'autre chose sur l'affiche ?

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