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THE DEEP (SURVIVRE en français dans le texte) de Baltasar Kormákur [critique]

THE DEEP (SURVIVRE en français dans le texte) de Baltasar Kormákur [critique]

Le dernier film de naufrage que j'avais vu remontant à une époque où George Clooney n'était pas encore l'égérie des capsules, j'étais donc très curieuse de voir comment Baltasar Kormákur (sosie mi-Bob Sinclar mi-Robert Carlyle) avait traité le sujet dans son opus sorti en DVD depuis le 30 Septembre 2013 et distribué par Bac Films (Encore une fois merci Cinetrafic).

Baltasar Kormákur

Baltasar Kormákur

Alors, camarades psychopathes qui aimez le sensationnel avec vagues de 78 mètres de haut, marins sexy faussement négligés ("hey Marky Mark, on a reconnu ton corps puissant et vigoureux sous ta barbe impeccablement taillée -qui cadre assez mal avec ton boulot fictif- et ta chemise à carreaux pseudo crade -que ça fait quand même vachement plus bûcheron qu'autre chose- !") et bravoure héroïque, ce film va vous décevoir : il s'agit là de l'anti-"En pleine tempête" (en terme de bateau qui coule, comparons ce qui est comparable et ne mélangeons pas les torchons avec les serviettes ou les chalutiers avec les paquebots par exemple). En effet, le réalisateur a clairement recherché le réalisme, à coller au plus près à la vérité de cette histoire inspirée de faits réels (et je crois que j'ai fait le tour du champs lexical du vrai).

A partir de là il devient très compliqué de ne pas gâcher l'intrigue mais l'objectif du film ne se situe pas là.

Ainsi dans une première partie, nous sommes clairement dans un film d'aventure avec observation des personnages dans leur milieu naturel (ça meule, ils picolent sévère et se bagarrent dans des bars -un samedi soir sur la Terre en somme-, ils ont une vie de famille avec ou sans enfants/avec ou sans parents -selon l'âge-, où qu'on comprend bien qu'il y a plein de gens qui vont être malheureux dans pas très longtemps), embarquement sur le chalutier (même que c'est pas facile-facile comme métier et c'est véritablement un euphémisme... Je dirais marins/mineurs même combat dans le genre boulot de merde), première alerte avec filet qui se coince sur un rocher (et là, un sentiment bizarre nous submerge : pour des professionnels de la profession face à, somme toute, un incident qui doit être très fréquent, ça tourne vraiment très rapidement à la panique...) et le 2ème accrochage sera donc le bon (ce qui était assez prévisible), le tout juste après le coup de fil aux gardes-côtes qui leur disent de les rappeler dans 12h, histoire d'être bien sûrs que personne ne les cherchera avant l'aube. S'ensuit donc le-dit naufrage, d'un réalisme saisissant (sans explosion à la Michael Bay ou à la Roland Emmerich) avec décimation plus ou moins lentement mais sûrement de tout l'équipage (techniquement, dans une eau à 5 degrés, un homme normalement constitué tient maxi 20mn avant que le cerveau ne soit atteint et de mourir d'hypothermie). Tous sauf un qui va lutter contre les éléments, en pleine nuit, pieds nus, et nager pendant 6h pour rejoindre le rivage (mais vu qu'il est aidé par une mouette c'est un peu de la triche). On se demande quand même pourquoi ils ne sifflent pas lorsqu'ils aperçoivent un bateau (histoire de déchirer le silence de la nuit par un bruit strident qui aura peut-être une chance d'attirer l'attention) au lieu de gueuler comme des putois et de se cramer les poumons (à moins que ce ne soit culturel et qu'on ne siffle pas avec les doigts en Islande mais ça reste à prouver)... Parvenu sur le rivage, on pourrait croire (espérer ?) que son calvaire va s'achever mais, que nenni ! S'éclater moult fois sur les rochers avec le ressac, escalader une falaise abrupte par -3, s'arracher les pieds sur un champs de lave pendant 2h pour enfin retrouver la civilisation et se faire accueillir par un "Papa, viens voir y'a un mec bourré à la porte" par le gamin résigné de la première maison qu'il rencontre... Hostile l'Islande !

Tout ceci, ainsi que la deuxième partie du film où on observe ce pauvre homme, mi-héros national mi-phénomène de foire ("il a de la graisse de phoque" dixit le toubib), se faire ausculter, tester, analyser (humilier ?) sous toutes les coutures par une tripotée de médecins, sont hyper raccord avec la réalité et le témoignage du-dit survivant (pas si spoiler que ça donc). Où on se dit qu'il est incroyablement patient le Gulli et que des fois, le syndrome post-traumatique, même lorsqu'il n'est pas flagrant (pas de surenchère hystérique on a dit), pousse un brin à la passivité voire à la soumission (un des points d'orgue, à mon sens, étant atteint lorsque les médecins de l'hôpital militaire de Londres reproduisent l'expérience dans un bassin d'eau glacée et le mettent en "concurrence" avec 3 mecs surentrainés qui, pour s'encourager, trouvent de bon ton de se balancer un "Courage soldats !"... Comment peut-on balancer une phrase aussi vide de sens dans une situation qui n'implique aucun danger réel ? Et lui comment peut-il se prêter au jeu alors qu'il a, dans des conditions similaires, juste lutté pour sauver sa peau et vu ses potes crever ?!?)

Ainsi, l'aspect intéressant n'est pas dans l'enchaînement des faits mais dans leur traitement : Kormákur ne sombre jamais dans le pathos, la béatification ou l'héroïsme exacerbé.

En cela, je trouve que, pour une fois, le titre français, "Survivre", rend bien plus justice au message du film que son titre anglais (impossible de trouver la traduction du titre original, "Djúpið", ou alors ils me proposent "festival de" et je pense qu'ils ont craqué) : Gulli ne recherche pas se placer au-dessus des autres, il croit d'ailleurs tout le long que tôt ou tard il va mourir et tout ce qu'il fait c'est tenter de repousser le moment fatidique, survivre le plus longtemps possible.

Un film à voir donc, pour la sobriété toute esthétique de l'image et de la bande son, pour ce recadrage avec le monde réel qui manque cruellement à la plupart des histoires de survivants (parce que s'en sortir ne fait pas nécessairement de vous un surhomme et que la vie continue aussi ordinaire qu'avant), pour cette humilité face au destin et à la vie, pour l'acceptation et la conscience que parfois il n'y a pas d'explication rationnelle ou irrationnelle à un miracle, juste de la chance.

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