28 Février 2016
THE REVENANT pourrait ressembler à un très très gros épisode de Man VS Wild, sans Bear Grylls, avec Di Caprio, et sans Imodium...
Parce qu'il faut bien l'avouer, avec tous les trucs dégueulasses dont il se sustente, il aurait dû au moins perdre ses légumes et au pire sa dignité, le tout dans d'atroces souffrances.
Et puis je veux bien qu'il porte du cuir, de la fourrure et de la peau de bête mais quand tu te crois à Aquasplash et que tu vas te baigner tout habillé dans un torrent (dont la température ne doit pas dépasser le "vachement très froid") et ben après, tes beaux atours, ils sont tous mouillés, et avec un temps de merde et un taux d'humidité pareils (oui parce qu'en général quand il neige, ça meule) jamais tu sèches.
CQFD
Ajoutons à ça de multiples vilains bobos purulents recousus à l'arrache et/ou rouverts...
Donc si on y réfléchit bien, le type aurait dû crever facilement 20 fois de dysenterie, d'hypothermie ou de septicémie (au choix)... Mais c'est peut-être pour ça que ça s'appelle THE REVENANT en fait et pas du tout à cause de la version officielle !
Car le pitch qu'on peut lire partout presque même sur l'affiche, c'est que c'est l'histoire d'un mec (Léo) laissé pour mort par ses petits copinous après qu'ils ont buté son fils (enfin surtout Tom Hardy qui, après MAD MAX FURY ROAD et l'Australie post-apocalyptique, s'applique à faire le tour des endroits où la nature est la plus hostile possible)... Voilà, voilà.
Ou comment réussir en quelques simples mots à spoiler toute la première moitié du film.
Bref, on pourrait donc penser à un très très gros épisode de Man VS Wild...
On pourrait.
Parce qu'en fait, et malgré tout le respect que je peux avoir pour cette émission qui à elle seule permet de faire fonctionner toute l'économie liée au Smecta, c'est avant tout (et selon mon humble avis) un vrai et grand film.
Car ce qu'Iñarritu fait avec son THE REVENANT c'est du cinéma beau et intense qui me parle parce que j'arrive à peu près à le piger sans que ce soit trop con non plus. Et que c'est bien joli de crier au génie devant des films esthétiquement superbes mais auxquels on ne capte pas l'ombre d'un beignet et où s'emmerde sec (Miguel, si tu nous regardes) alors que parfois, c'est quand même super agréable de se faire plaisir tout en comprenant ce qu'on regarde, avec une histoire, certes très simple, qui ne raconte pas grand-chose mais qui a au moins le mérite de raconter quelque chose.
Alors bien sûr on pourra faire de mauvais jeux de mots sur la photographie toute en 50 nuances de gris... Dire que c'est presque 3h de Léo qui rampe, trébuche, boîte, se vautre dans et sur diverses surfaces... Ou qu'il tient là un magnifique rôle à Oscar parce qu'il est tout cracra et pas à son avantage et qu'en plus c'est presque un rôle muet (alors si Dujardin l'a eu c'est vraiment l'année où jamais)...
Se moquer des plans contemplatifs et mystiques à la Malick en quête d'absolu...
de l'auto-référence avec la matérialisation de l'âme via l'oiseau qui s'échappe de la plaie par balle du cadavre (faudrait peut-être que je le revoie mais, par exemple, dans le genre film "waouh" mais "gné ?", son 21 GRAMMES, il m'avait bien fait chier)...
des gosses qui essaient systématiquement de te vendre des trucs quand tu débarques dans un bled paumé... de son fils qui ressemble étrangement au chaînon manquant dans l'évolution (trop de latex tue le latex)... du fait qu'il y ait toujours un sage pour sortir une morale à la con...
des tics de réalisation d'Iñarritu comme ses mouvements rotatifs de caméra qui ne sont pas sans rappeler BIRDMAN... du splendide faux raccord au moment où Léo nous fait un remake du début de L'EMPIRE CONTRE ATTAQUE...
(il se fout à poil – du calme les groupies : point de kiki ici... Mais dans ROMEO + JULIETTE, à un moment donné, il y a une couillette furtive, si ça peut vous aider à mieux dormir – et, magie du stagiaire maquillage parti bouffer, son buste n'a plus de cicatrices)
de Léo dans son entier qui, depuis TITANIC, a réussi à parfaire son jeu du mec qui se pèle (mais qui, la quarantaine sonnée, a toujours le même physique d'adolescent)... de son personnage qui doit certainement se pignoler depuis plus de 20 piges et qui, à défaut d'être devenu sourd, se tape forcément un peu des hallu...
des effets spéciaux du rouler-bouler avec l'ours... des longueurs où on se surprend à admirer la technique, à quel point c'est bien foutu (et ça c'est pas super bon signe)...
de la scène finale où on a un peu le sentiment que le Alejandro a gueulé « POUCE !!! Regardez les gars, il y a une éclaircie et ça fait une trop belle prise de vue avec une trop jolie lumière ! »...
ou remarquer qu'à l'instar de son poto de Tijuana (qui était le cinéaste de la rotation version Mach 3 avec GRAVITY), Iñárritu reprend le principe tout en perfectionnant le concept : toujours plus loin, toujours plus haut, toujours plus fort, il devient ainsi le cinéaste du tourbillon !
(en effet, sa caméra est en mouvement perpétuel et quand elle se pose c'est pour filmer un autre mouvement, celui de la flotte ou des flocons... qui tourbillonnent, donc)
Mais à côté de ça, Léonardo réussit à faire passer une intensité dans son regard qui frôle la perfection (faut dire que ça fait plus de 30 ans qu'il est dessus) et les seconds rôles se sentent un minimum concernés (Tom Hardy, sans muselière mais avec barbe, méconnaissable comme d'habitude, en tête).
De plus, le choix du format de l'image et de la lumière naturelle donnent une netteté et une impression de réalisme impressionnantes et permet une totale immersion dans le film (ou alors il faisait particulièrement froid dans la salle), le maquillage est fabuleux dans la précision de ses détails (faut dire que le gros plan en 4K, ça ne pardonne pas), les paysages sont trompeurs et à couper le souffle (et vu les conditions météo, on sent qu'ils ont bien dû en baver sur le tournage) la musique est superbe sans en faire des caisses et altérer l'ensemble...
Il apparaît donc comme une évidence que la prouesse de ce film réside dans sa maîtrise. Et comme GRAVITY version SF, THE REVENANT n'est pas un chef d'œuvre absolu du western mais un magnifique survival à voir au ciné et en VO (tant qu'à faire).
En conclusion, oui c'est virtuose, oui ça le sait, mais qu'est-ce que ça peut foutre quand le résultat est bon ?