24 Février 2016
LE SYNDROME DU PIRE est le premier volet d'une trilogie ayant pour héros Léo Junker, jeune flic de l'IGS locale, mis à pied après le fiasco d'une opération où il a un peu buté un autre flic par inadvertance.
Il se shoote aux médocs, picole sévère, erre et divague (tellement qu'on est décontenancé car on se demande où se situe la frontière entre le réel et le delirium tremens)...
Bref Léo va moyen bien.
En plus, il y a une pute qui s'est fait descendre dans le foyer sis au premier étage de son immeuble et il a eu la bonne idée d'aller inspecter la scène de crime alors qu'il n'avait rien à y foutre...
Il va donc nous embarquer avec lui, entre l'enquête dans laquelle il va se retrouver impliqué et ses souvenirs d'adolescence dans les tours de Salem dans la banlieue de Stockholm, loin de l'ambiance carte postale du Fjällbacka de Camilla Läckberg (qui contraste évidemment avec la pourriture des crimes qu'elle décrit), dans une spirale parfois convenue, parfois imprévisible, souvent déroutante.
Alors même si on sent bien que l'écriture de Christoffer Carlsson est originale (et pas déplaisante), trop de déroute tue légèrement la déroute... Tellement que cela crée une distance entre le lecteur et le personnage et qu'on se sent parfois étranger, largué, et même qu'on se lasse, espérant peut-être un dénouement un peu moins scénarisé, un peu moins prévisible, un peu plus barré, un peu plus à l'image de la narration en fait. Comme si le livre contenait plusieurs parties juxtaposées avec certes un lien narratif mais pas stylistique. Comme si l'auteur s'était imposé de respecter finalement le cahier des charges du polar suédois tout en le parsemant de petites touches perso. Ou comme s'il avait renoncé en cours de route à écrire un roman structurellement différent (avec beaucoup de flashbacks, d'ellipses et de flashforwards) et un peu bordélique (ce qui là aussi n'était pas déplaisant) pour le terminer dans un affrontement proche des films d'action à l' "american" d'une facture profondément classique et prévisible (et pourtant, la description de la première équipe d'intervention qui suit immédiatement cette scène montre bien tout le potentiel de cet auteur et tout le second degré dont il est capable)...
Mais il y a aussi et surtout autre chose qui m'a chafouinée (oui, parfaitement, "chafouinée") : toutes ces petites fautes un peu chiantes (de frappes, de pronoms, de syntaxe, d'idiomatisme et de terminaisons...) disséminées de ci de là (cahin caha)...
Ainsi, je ne doute pas une seule seconde qu'il soit extrêmement difficile de traduire un roman... Mais serait-il juste possible que quelqu'un relise le texte traduit avant de l'envoyer à l'impression ?
Ou bien que ce même quelqu'un (ou un autre, on s'en fout) empêche un gamin de neuf ans (de ceux qui, entre autres qualités, possèdent l'incroyable talent de recopier phonétiquement un exemple qu'ils ont pourtant sous les yeux en faisant un minimum de 3 fautes par mot) de saboter le travail du traducteur en ne le laissant pas taper le texte à l'ordi sans une surveillance accrue ?
Parce que sans être totalement une Grammar Nazie (mais un ptit peu quand même), ça pique les yeux.
Et c'est dommage parce que l'histoire est chouette avec sa construction singulière (toute en écho avec l'état psychique du personnage... Personnage pour lequel on pourrait trembler si le roman ne s'autospoilait pas tout seul via la 4ème de couverture), sa réflexion sur l'effet papillon, sur le syndrome de la victime qui devient bourreau (et inversement), sur ce que signifie "être quelqu'un de bien" et ses limites, sur les erreurs que l'on paie, celles qui restent impunies, celles qui nous définissent aux yeux des autres, celles qui nous construisent, celles qui nous détruisent, celles qu'on oublie, sur les individus qui ne peuvent se définir de façon manichéenne (alleluia !), sur les réminiscences du passé, sur les innocents qui deviennent de gros dommages collatéraux parce qu'ils sont au mauvais endroit au mauvais moment...
Mais ces coquilles représentent quand même autant d'obstacles qui pètent les jambes et cassent le rythme de lecture.
Pas le meilleur polar de Scandinavie et de Navarre mais un roman un peu inégal d'un auteur à suivre, avec plein de bonnes idées qu'on espère le voir exploiter pour renouveler le genre sans le dénaturer... Et qui donne envie d'apprendre à lire le suédois (merci Babelio pour la découverte).