29 Mai 2014
Passé l'aspect crade, vulgaire et glauque du film, Ferrara nous offre une réflexion plutôt habile sur l'argent et le pouvoir qui achètent tout (car si vous enlevez tout ça, vous vous retrouverez avec un simple prédateur sexuel lambda qui, en manque de putes, passera au viol).
Parce que, ça a l'air dégueulasse comme ça, à première vue, et à l'instar des chats qui achèteraient Kwiskas, ce sont des trucs qu'on peut pas comprendre nous, humains.
Parce que nous, humains, on regarde le porno. Les autres, les riches, les puissants, ceux qui "rule the world", ils peuvent carrément vivre dedans. Alors c'est sûr que ça doit être difficile de faire la part des choses entre ceux qui acceptent les règles du jeu, qui gravitent ou tentent de graviter dans le même monde et qui savent ce que ça peut leur rapporter (comment ?!? Il y a des personnes qui couchent utile ?!?) et ceux qui vivent dans un autre monde, le monde réel, celui d'en bas, qui ne possèdent pas les mêmes codes ou qui ne veulent pas jouer (comment ?!? Il y a des personnes qui refusent de coucher utile ?!?).
Alors bien sûr que ça peut choquer mais il ne faut pas se mentir : l'histoire, on la connaît et si on y va c'est pour voir Gégé camper la bête et en cela, Abel Ferrara se régale à nous renvoyer à la gueule nos plus bas instincts de voyeurs ("ah vous voulez du trash ? No problem...").
Depardieu joue d'ailleurs parfaitement le gros porc au râle suffocant, obsédé sexuel pathologique au dernier degré, qui passe son temps à se vider les couilles (30s chrono) dans des trous divers et variés, plus ou moins payants, plus ou moins consentants, qui n'en branle pas une mise à part la sienne (quand je serai grand je veux être patron du FMI... Ou voter) et cynique à souhait car conscient de son état et du monde dans lequel il vit.
Et Bisset incarne très bien cette femme obnubilée par l'argent et le pouvoir (on en revient toujours là), bien plus forte et ambitieuse que lui mais tout aussi cynique car consciente de la relation d'interdépendance qui les lie.
Leur vie est un théâtre où chacun est enfermé dans le rôle qu'il a à jouer et qu'il récite à la perfection pour satisfaire le public et, étrangement, ce sont les joutes verbales à huis clos entre le mari et la femme qui sonnent faux (la faute à ce côté "cul entre deux chaises" qui hésite entre le français et l'anglais de façon pas très heureuse ni naturelle mais très certainement volontaire, comme pour montrer qu'en dehors de la scène et des apparences, ils ne savent pas communiquer).
De même, la mise en scène est souvent ostensiblement grossière, faisant écho à l'image du personnage principal.
Mais c'est aussi vrai que Ferrara prend le prétexte du fait divers sordide avec des gens connus dedans (pour faire polémique, pour le gros coup de pub, pour se servir intelligemment des médias, pour appâter le chaland parce que c'est plus attractif de voir des célébrités sombrer, un peu comme dans une télé-réalité bien moisie, une sorte de reconstitution à la manière des "Scripted reality") pour nous raconter autre chose, le gouffre qui existe entre les humains en fonction de leur position sociale ("elle m'a pas sucé, je me suis juste branlé dans sa bouche"... Ah ben ça change tout c'est sûr ! Et oui, ça change tout car une erreur sur les termes d'une accusation peut vous faire gagner un procès), sur comment les gens sont manipulés, piégés, utilisés, sans aucun scrupule pour les conséquences sur leurs vies ou justement pour les détruire, uniquement pour servir des intérêts qui les dépassent.
"Le monde se divise en deux catégories : ceux qui tiennent le pistolet chargé et ceux qui creusent. Toi, tu creuses."