5 Mars 2018
Ainsi donc THE SHAPE OF WATER est LE film de l’année aux USA, celui qui a remporté pas moins de quatre Oscars : celui du meilleur long métrage, du meilleur réalisateur, des meilleurs décors et de la meilleure musique.
Bon après ça ne veut pas nécessairement dire que le film est bon. Explications :
C’est l’histoire d’Elisa (prononcer Elaïza), femme de ménage muette mais pas sourde, qui va tomber amoureuse de la créature amphibie détenue dans le laboratoire où elle travaille. Sur fond de guerre froide et après un processus de séduction à base d’œufs durs ils vont s’accoupler et c’est ainsi que naquirent les hippocampes...
Alors même si c’est joli, même si c’est bien construit, on est quand même sur du bon gros conte de fée qui tache avec de l’héroïne (Elisa), de la quête (sauver son chéri batracien), des adjuvants (son voisin, sa collègue de nettoyage de chiottes, le russe infiltré), de la magie (la créature du lac noir soigne la calvitie) et de l’opposant très méchant (Michael Shannon, parfait) : il est raciste, il est sexiste, il pisse partout, il a un complexe de supériorité sur les autres êtres humains dont il pense pouvoir disposer à sa guise, bref, c’est vraiment un très-très gros connard de compet.
Ceci étant dit, si l’on part du principe que c’est un conte, c’est normal que les personnages soient légèrement stéréotypés. Mais là se pose la question du public-cible : de base, un conte s’adresse aux mioches pour leur enseigner quelque chose (la tolérance et la zoophilie en l’occurrence). Mais vu la quantité de fion que del Toro fout dans son film, je doute que les enfants soient les premiers visés. C’est donc bel et bien un conte mais qui s’adresserait aux grandes personnes (et aux enfultes, à la limite). Et le problème c’est que la poésie un brin forcée (« regardez comme mon film est poétique ! Hé ! Ho ! Vous avez vu comme c’est poétique ? Et là, vous avez remarqué aussi ? ») et le bon sentiment, même quand on met des gros mots dedans, ça marche pas sur tout le monde. Ça peut même être carrément chiant.
Et pourtant, même si le message est éminemment positif, même si la retranscription de la (sale) mentalité de l’époque est plutôt réaliste, même s’il y a cet humour typique de Guillermo del Toro (plus typique que les images, l’ambiance, la musique, la naïveté, la nostalgie, la mélancolie et LA POESIE qui, elles, sont tout de même vaguement pompées sur Jeunet) avec les dialogues très « psychologie positive » entre le méchant colonel et son supérieur ou les interactions entre Elisa et Zelda (Zelda est drôle tout court en fait), même si les acteurs sont bons et les seconds rôles bien écrits, même s’ils apportent un peu de saveur à la fadeur de l’ensemble, même s’il y a des répliques merveilleuses comme « il me reste le doigt gâchette et chatte » ou un « va te faire foutre » en langage des signes particulièrement régressif et savoureux, et malgré le travail indéniable sur les décors et les costumes, on a un peu l’impression, par moment et si on enlève toutes les références qui ne lui appartiennent pas, de regarder un téléfilm un peu creux, un peu prévisible, un peu vain.
Mais tout est finalement affaire de sensibilité : d’aucuns diront que le film est sublimé par les différents hommages qu’il rend, d’autres n’y verront que du plagiat. Et d’autres passeront complètement à côté et s’en foutront royalement. Moi j’y ai surtout appris qu’en 1962, aux États Unis, il y avait des bagnoles qui avaient la direction assistée.