15 Février 2018
Pourquoi. Pourquoi ? POURQUOI ?!? Pourquoi ce titre de merde ? Pourquoi cette semi-traduction ? Pourquoi pas « Trois panneaux à la sortie d’Ebbing, Missouri » (ou « Trois panneaux publicitaires à la sortie d’Ebbing, Missouri » ou « Trois panneaux publicitaires à la sortie d’Ebbing dans le Missouri » à la rigueur, si vous y tenez) ? Parce que ça aurait été trop long ? Et « L'Extravagant Voyage du jeune et prodigieux T. S. Spivet » ou « Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes » c’était pas trop long ? Et pourquoi pas garder le titre original en entier d’ailleurs ? Parce qu’on est trop cons ? Et surtout : pourquoi « les panneaux de la vengeance » alors qu’il n’en est nullement question ? Pourquoi pas « Les trois panneaux de la JUSTICE » à la limite, même si c’est horriblement laid ?
Parce qu’en fait, si la promotion française n’avait pas été confiée à des stagiaires de CE2 qui n’ont pas vu le film, les gens très importants du cinéma auraient sans nul doute compris que la Mildred, c’est ça qu’elle réclame, pas la vengeance. Qu’elle aimerait juste bien que la mort abominable de sa fille ne reste pas un banal fait divers sordide irrésolu dans un bled du trou du cul des Etats-Unis. Car bien qu’elle n’ait pas véritablement d’ambition nationale quant à la reconnaissance du crime, ce qu’elle veut, avec son histoire de panneaux spectaculaires, c’est juste faire chier les flics, leur foutre la honte en les mettant face à leurs responsabilités et leur demander de trouver le putain de meurtrier de sa fille ! Ou au moins de faire semblant qu’ils s’intéressent encore au dossier...
Ainsi, Frances McDormand y est époustouflante de justesse et de dignité. Et pourtant, même si elle crève littéralement l’écran et que j’aime très fort d’amour son interprétation, on ne peut pas dire qu’elle porte véritablement le film sur ses épaules tant les personnages secondaires sont formidables (Woody Harrelson, Sam Rockwell ou Caleb Landry Jones en tête).
Oui, oui : même Abbie Cornish qui pourtant, après une performance aussi incroyablement fulgurante que la sienne dans le chef-d’œuvre qu’était GEOSTORM, prouve non seulement qu’elle n’est pas juste une jolie mauvaise actrice mais qu’une bonne direction d’acteurs peut être utile finalement. Et même Peter Dinklage qui, de son côté, après un léger passage à vide dans l’inénarrable PIXELS, démontre qu’on peut jouer dans GAME OF THRONES et faire des choix de carrière cinématographique judicieux voire être bon dans un film (contrairement à son frère, sa sœur et un type qui ne sait rien...).
Alors même si la multiplication des lettres de Willoughby a un petit côté too much qui peut prêter à sourire de façon tout à fait inappropriée (histoire d’arrêter de pleurer comme une merde sans doute), THREE BILLBOARDS traite habilement et justement de responsabilité, de rédemption, de contrôle de soi et de choix entre la vengeance et le pardon. Surtout de force et de pardon en fait.
Un peu comme cette lignée de films américains dans les années 90 (qui parlaient aussi souvent de peine de mort d’ailleurs) avec cette ambiance estampillée « Amérique profonde », cette multiplicité des facettes de l’être humain, mais aussi avec un réalisme résigné des personnages, une profondeur, une dérision et une autodérision, qui lui sont propres.
Bref, j’ai ri, j’ai chialé, j’ai adoré.