17 Mars 2021
LA FORTUNE DES ROUGON d'Emile Zola [contre-profil d'une œuvre] - CHAPITRE 1 - DLCH
Les Rougon-Macquart : La Fortune des Rougon ou Les Rougon-Macquart : Les Origines (comme le reboot de La Planète des singes) est le roman qui pose les bases moyennement saines de la grande saga ...
Comme nous l’avons vu dans le Chapitre 1, Plassans est une petite commune de 10 000 habitants divisée en 3 parties distinctes : les nobles, les bourgeois et les pauvres (travailleurs ou glandos).
À la fin du 18ème siècle, Adélaïde, la fille de la famille Fouque (les plus gros maraichers du coin), hérite d’une grosse fortune. En effet, son père meurt après avoir sombré dans la folie. Elle devient alors orpheline et se marie avec son jardinier, un dénommé Rougon. Ensemble, ils ont un gosse, prénommé Pierre (celui-là même qui va engendrer à son tour toute la branche Rougon de l’arbre généalogique). Rougon meurt d’un coup de soleil (le père, celui qui n’a pas de prénom, pas Pierre, sinon l’histoire s’arrêterait là).
Selon toutes les langues de putes locales qui n’ont que ça à foutre que de contrôler les bonnes mœurs de leurs voisins, Adélaïde est un peu tarée comme son père. Alors, cause ou conséquence de cette présumée folie (pas si hypothétique que ça), elle se contrefout totalement des apparences et de la convenance sociale. En effet, elle se console assez rapidement (trop d’après la morale) avec le clodo mi-alcoolique mi-contrebandier du coin, un certain Macquart.
Ensemble, ils ont deux enfants illégitimes : Ursule, qui engendrera la branche Mouret de l’arbre (et donc le Silvère du Chapitre 1), et Antoine, qui lui engendrera la branche Macquart, mieux connue sous le nom de « branche de la grosse loose ».
Pierre, Ursule et Antoine grandissent librement, en se mettant joyeusement des peignées. Ils sont pourtant aimés équitablement et à sa façon par leur mère, Adélaïde, même si elle disparaît sporadiquement lorsque Macquart refait surface. Insouciante ou inconsciente (voire les deux), elle les livre alors totalement à eux-mêmes, les laissant « [manquer] l’école régulièrement cinq ou six fois par semaine » (ce qui est déjà pas mal en terme de décrochage scolaire). Les deux amants s’enferment pendant des jours entiers dans le taudis du bonhomme (sans doute pour jouer à la belote ou au rami), provoquant ainsi moult interrogations scandalisées dans le voisinage.
Les enfants en profitent pour persécuter les habitants alentour, n’ayant plus sous la main leur souffre-douleur préféré : leur mère (qui, rappelons-le, n’a pas la lumière à tous les étages et aime bien la bite et les jeux de cartes, visiblement).
Mais jamais elle ne les frappait, ni même ne s’emportait ; elle vivait très-bien au milieu du bruit, molle, placide, l’esprit perdu. A la longue même, l’affreux tapage de ces garnements lui devint nécessaire pour emplir le vide de son cerveau.
Mais déjà qu’en étant petits les membres de l’adelphie ne pouvaient pas se saquer, devenus ados ça devient un carnage : fort de son statut d’héritier légitime, de son cerveau fonctionnant à peu près correctement et lui permettant de ne pas agir exclusivement à l’instinct, et de son tirage génétique un poil plus favorable (ou en tout cas nettement moins merdique), Pierre a pris l’ascendant sur les deux autres.
En effet, Ursule est une sorte de phasme qui roulent des yeux globuleux hystéro-dépressifs et qui se fait tabasser par ses frères.
Et Antoine prouve que moins par moins, ça ne fait pas nécessairement plus, compilant à la fois le pire de sa mère et de son père (tiens, c’est étonnant !).
Mais, sous l’influence nerveuse d’Adélaïde, ces vices qui, chez le père, avaient une sorte de franchise sanguine, prenaient, chez le fils, une sournoiserie pleine d’hypocrisie et de lâcheté.
Dès lors, Pierre, arriviste, cupide et calculateur, n’a plus qu’un seul projet : limiter le gaspillage de l’héritage maternel et le récupérer rien que pour sa gueule le plus vite possible.
Première étape : prendre les rênes du budget de la famille en se débarrassant de tous les obstacles humains dressés entre lui et le pognon.
Il vire le maraîcher qui cultivait les terres familiales et arnaquait allègrement Adélaïde : un de moins !
Antoine est appelé pour rejoindre l’armée, espérant que sa mère va banquer pour que quelqu’un d’autre y aille à sa place mais Pierre s’y oppose : et de deux !
Un dénommé Mouret, ouvrier chapelier, tombe amoureux d’Ursule. Ursule accepte de l’épouser pour fuir Pierre qui la persécute et le couple s’installe à Marseille : et de trois !
Macquart meurt, abattu par les douaniers à la frontière, Adélaïde hérite de son cabanon. Elle va s’y reclure en regardant dans le vide tout en se balançant d’avant en arrière, toute terrorisée qu’elle est par les regards accusateurs de son fils aîné qui l’a tant et si bien manipulée qu’elle est devenue sa chose : et de quatre !
Une fois la première partie de son plan achevée, Pierre cherche ensuite à s’élever socialement : il veut vendre les terres des Fouque pour épouser la fille d’un marchand en faillite (seul marchand qui pourrait consentir à lâcher sa fille à un paysan, même riche). Il veut ensuite s’associer au père et faire fortune.
Le seul hic, c’est que les terres des Fouque, elles ne sont pas à lui : elles sont encore à sa mère. Pire, une partie de l’héritage revient à ses deux bâtards de frangins.
Qu’à cela ne tienne : Pierre manipule une nouvelle fois Adélaïde. Sous une terreur savamment entretenue, il lui fait signer l’abandon de ses biens chez le notaire, tout en lui laissant la baraque de Macquart et en lui promettant une rente annuelle et un soutien financier à Antoine et Ursule « si besoin ».
Il vend donc tout le reste au propriétaire terrien adjacent (qui démolit la maison familiale) et épouse Félicité Puech, fille très très moche d’un marchand d’huile, mais qui, comme Pierre, crève d’ambition.
Ses calculs étaient faits, elle choisissait Rougon en fille qui prend un mari comme on prend un complice.
Au début tout se passe bien, l’entreprise prospère et le père Puech a suffisamment de thunes pour prendre sa retraite. Sauf que la Félicité, digne personnage d’un roman de Zola, en appelle à la fameuse prophétie autorealisatrice : elle n’arrête pas de répéter que leur réussite est surprenante alors qu’elle a la poisse et, de fait, la belle dynamique commerciale s’essouffle.
Bon leur situation n’est pas si catastrophique, suffisante en tout cas pour vivre, eux et leurs cinq gamins (3 garçons puis 2 filles, en 8 ans... belle perf). Mais insuffisante pour devenir riches.
Comme les rêves de gloire et de domination de Félicité semblent s’éloigner, elle reporte tous ses espoirs sur ses fils (ses filles comptant plus ou moins pour du beurre). Le couple finit de se ruiner pour les envoyer tous les trois faire des études à Paris et, lorsqu’ils reviennent à Plassans, ils ne foutent... majoritairement... pas grand-chose.
L’aîné, Eugène, devenu avocat et avide de pouvoir, perd pourtant lamentablement toutes les affaires qu’il défend. Un peu comme s’il sabordait tout seul ses plaidoiries. Et puis du jour au lendemain, il quitte à nouveau Plassans pour Paris.
Le plus jeune, Aristide, avide d’argent, n’a absolument rien glandé pendant ses études. Il revient à Plassans sans aucun diplôme, et se marie avec une certaine Angèle. Avec la dot de 10 000 balles qu’il perçoit, il s’achète une place d’associé (mais surtout de gros boulet) de son propre père : il ne fout rien, s’échappe du boulot pour picoler et joue les sous que sa mère lui donne en cachette pendant que sa femme dépense le reste en fringues et en bouffe. Ils ont un enfant, Maxime, dont Félicité paie la scolarité. Et puis finalement, Pierre réussit à rembourser à Aristide ses fameuses 10 000 balles et à le virer dans la foulée. Une fois cet argent bouffé, Aristide parvient à rentrer à la préfecture, s’emmerde, gagne peu et devient super aigri (en plus d’être déjà super con).
Pascal, le middle child, semble quant à lui avoir été adopté ou trouvé dans une poubelle : il ne ressemble en rien à ses frères (ses sœurs, on n’en sait rien vu qu’elles sont peu ou prou quantités négligeables). Il fait de brillantes études de médecine (ah mais c’est donc pour ça « le docteur Pascal » ?!?) et revient s’installer à Plassans par choix, parce qu’il aime bien le calme. D’ailleurs tout son être et tous ses actes aspirent à une sorte de quiétude désintéressée de toute forme de gloire ou de fortune. Bon, ok, ça reste un personnage de Zola donc il aime bien charcuter des cadavres de vieux. Mais pas par plaisir sadique (ou en tout cas pas uniquement pour ça) : c’est un scientifique très reconnu qui publie plein de trucs mega intelligents. Mais bon ça, évidemment, ça passe au-dessus de la tête des bouseux qui l’entourent, sa famille la première.
LA FORTUNE DES ROUGON d'Emile Zola [contre-profil d'une œuvre] - CHAPITRE 3 - DLCH
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