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LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Previously dans La Fortune des Rougon :

Chapitre 3.

« Petite » parenthèse socio-économico-historique.

À Plassans, comme dans toutes les petites villes de Provence, la Révolution en a touché une sans trop faire bouger l’autre : tout le monde est plutôt resté très pratiquant et très royaliste. Mais en 1848, les ouvriers et les bourgeois virent de bord. Ils se découvrent fervents républicains, laissant le clergé et la noblesse seuls souhaiter le retour du roi (comme dans Le Seigneur des anneaux). Le seul souci c’est que la bourgeoisie se rend soudainement compte que la chaotique République pourrait bien lui faire perdre tous les soussous qu’elle a mis dans sa popoche pendant la monarchie. Par conséquent, les bourgeois de Plassans et d’ailleurs re-retournent leur veste.

Alors, chose inédite, les nobles acceptent de côtoyer ces sangs de bourbe, vivement encouragés en lousdé par ces petites fouines manipulatrices de prêtres. Et les sangs de bourbe, galvanisés par cet honneur qui leur est fait par les sangs bleus, se montrent encore plus fervents anti-républicains que les anti-républicains eux-mêmes. Et comme il n’y a quasiment plus que les ouvriers pour croire en la République, les nouveaux alliés de circonstance pensent la victoire et le retour des Orléans acquis. Sauf que c’est le président lui-même, Louis-Napoleon Bonaparte (le neveu de l’autre), qui achève la République avec son coup d’état au terme duquel il proclame le second empire, un an plus tard. Par conséquent, la coalition clergé-noblesse-bourgeoisie de Plassans s’allie aux bonapartistes pour être bien sûre de finir les derniers habitants qui pourraient conserver quelques velléités républicaines.

Et c’est ainsi que fut la fortune des Rougon (comme le titre).

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Il est certaines situations dont bénéficient seuls les gens tarés.

Flashback !

Au lendemain de la révolution de Février (1848), Félicité sent le vent tourner et incite lourdement son mari à se lancer en politique. En effet, elle se souvient des propos royalistes tenus par le marquis de Carnavant (un noble ruiné qui, d’après les ragots locaux, se serait un tout petit peu tapé sa mère à un moment donné et qui pourrait donc bien être son père). Après la proclamation de la Deuxième République, le marquis ne se laisse nullement abattre et se lance dans la propagande monarchiste active. Mais il y a un menu problème :

Il ne pouvait aller prêcher lui-même la cause de la légitimité aux petits détaillants et aux ouvriers du vieux quartier ; on l’aurait hué. Pierre, au contraire, qui avait vécu au milieu de ces gens-là, parlait leur langue, connaissait leurs besoins, arrivait à les catéchiser en douceur.

Et c’est comme ça que les Rougon entrent dans le game.

En effet, comme Pierre a une sacrée grande gueule, qu’il est un peu con et qu’il n’a (quasiment) rien à perdre (ou en tout cas beaucoup moins que d’autres), le marquis décide de le mettre en avant pour mieux pouvoir se cacher derrière et se laisser un moyen de se défausser si les choses venaient à mal tourner pour leur cause.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Ainsi, la demeure de Pierre et Félicité devient le lieu de réunion des joyeux anti-républicains en folie.

Il s’était formé chez les Rougon un noyau de conservateurs qui se réunissaient chaque soir dans le salon jaune pour déblatérer contre la République. 

Nous y retrouvons le marquis bien sûr, ainsi que « trois ou quatre négociants retirés qui tremblaient pour leurs rentes », Isidore Granoux, un « ancien marchand d’amandes » et « membre du conseil municipal », M. Roudier, riche propriétaire et « bonnetier de Paris retiré à Plassans, ancien fournisseur de la cour », « le commandant Sicardot, le beau-père d’Aristide » et Vuillet, le libraire et rédacteur analphabète de La Gazette de Plassans (gazette peu à peu pilotée en sous-marin par le marquis).

Toutes les opinions se coudoyaient et aboyaient à la fois contre la République. On s’entendait dans la haine.

De son côté, Aristide le branleur envieux qui bosse désormais à la sous-préfecture se range du côté républicain de la force mais pas par conviction (faut pas déconner) : il ne se découvre une conscience politique que par intérêt, juste histoire de pouvoir s’enrichir. Pourtant, il se montre attentiste et prudent... au début. Jusqu’à ce qu’il pense la partie gagnée : là, emporté par son propre enthousiasme, il se compromet complètement en créant carrément un journal, l’Independant, pour contrer celui des amis de son père. Abandonnant toute prudence il se met lui-même à écrire des articles dans lesquels il défonce menu les membres du salon jaune. Alors quand, en 1849, son frère Eugène (l’avocat raté qu’Aristide tient pourtant pour une personne avisée) redébarque de Paris pour fréquenter assidûment ce même salon en jouant au mec important et mystérieux, Arisitide est dépité. Comme il se rend compte qu’il n’a peut-être finalement pas pris le parti des winners, il s’enfonce dans son erreur en devenant encore plus virulent au lieu de se faire oublier afin de mieux pouvoir retourner sa veste.

Avant de repartir une nouvelle fois pour Paris, Eugène briefe son père pour le contrôler à distance. Il lui demande également de se méfier d’Aristide qui pourrait bien tout faire foirer leur plan avec sa propension à pisser contre le vent (et à s’en mettre plein les godasses, forcément). Il lui dit cependant de ne pas trop s’en faire pour lui vu que, comme le chat et la tartine, son plus jeune frère retombera toujours sur la confiture et qu’il n’oubliera pas de réclamer sa part de pognon s’ils venaient à devenir riches. Rancunier et toujours passablement jaloux de l’amour aveugle, injuste, démesuré et déraisonnable qu’elle continue de porter à ce gros con d’Aristide, Eugène envoie aussi chier sa mère en lui disant de ne pas s’en mêler mais que son heure viendra.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Sombre présage pour les ennemis du salon jaune, le peuplier, symbole de la liberté planté par les Républicains sur la place de la sous-préfecture, meurt (supposément aidé par une mystérieuse femme et des seaux de vitriol).

Le vieux marquis comprend, mais trop tard, que le vent est en train de tourner, que la monarchie ne sera pas restaurée, que c’est l’empire qui succédera à la seconde République et que les Rougon eux, par il ne sait quel miracle (pourtant prénommé Eugène) l’ont bien compris : il s’aperçoit que, bonapartistes de l’ombre, ils continuent à maintenir les membres du salon jaune dans l’erreur pour mieux se placer et prendre le dessus sur tous les autres une fois Louis Napoléon proclamé empereur. En l’occurrence, ce qu’Eugene promet à son père c’est qu’il devienne receveur particulier. En gros, il lui offre la possibilité de se venger de ses anciens « potes » du salon jaune (méprisants, suffisants et souffrant d’un sérieux complexe de supériorité à son égard) : Pierre deviendrait bien plus important dans la société de Plassans qu’ils ne furent jamais, il gagnerait bien davantage que leurs rentes et, en plus, il les tiendrait par les couilles car ce serait dans ses attributions de les leur verser.

Loin d’en être attristé, le marquis se réjouit pour Félicité (confirmant tacitement qu’il serait plutôt plus que moins son père). C’est même lui qui la met sur la voie puisque Pierre et Eugène l’ont mise sur la touche. Alors Félicité décide de cambrioler le secrétaire de son mari pour pouvoir lire les lettres de son fils aîné et obtient ainsi confirmation des allégations du marquis. Elle décide alors d’orienter subtilement les conversations du salon jaune pour servir leur cause. Et Pierre, qui ne fait que réciter ce qu’Eugene lui demande de dire, ne voit absolument rien.

Félicité essaie en vain de ramener Aristide, son fils préféré, dans le « droit chemin » (ou tout du moins de lui faire faire profil bas). Elle essaie également de rallier son autre fils Pascal (le toubib, pas le grand frère) qui vient passer quelques soirées dans le salon jaune et qui, atterré par le niveau de connerie ambiante, s’amuse à faire des analyses anthropomorphiques des personnages en présence. 

– Cause donc, lui disait tout bas sa mère, tâche d’avoir la clientèle de ces messieurs.
– Je ne suis pas vétérinaire, répondit-il enfin, poussé à bout.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Félicité discute stratégie avec le marquis et ils en viennent à la conclusion qu’une rébellion provinciale réprimée dans le sang contre le futur coup d’état ne pourrait que leur être profitable pour se faire bien voir du gouvernement.

— On ne fonde une nouvelle dynastie que dans une bagarre. Le sang est un bon engrais. Il sera beau que les Rougon, comme certaines illustres familles, datent d’un massacre.
Ces mots, accompagnés d’un ricanement, firent courir un frisson froid dans le dos de Félicité. Mais elle était femme de tête, et la vue des beaux rideaux de M. Peirotte, qu’elle regardait religieusement chaque matin, entretenait son courage. Quand elle se sentait faiblir, elle se mettait à la fenêtre et contemplait la maison du receveur. C’était ses Tuileries, à elle. Elle était décidée aux actes les plus extrêmes pour entrer dans la ville neuve, cette terre promise sur le seuil de laquelle elle brûlait de désirs depuis tant d’années.

Chacun ses ambitions et ses sources de motivation : qui sommes-nous pour juger quelqu’un qui souhaite si ardemment s’enrichir sur la mort d’autres quelqu’uns ?

Peu de jours après, elle put lire une lettre d’Eugène dans laquelle l’employé au coup d’État semblait également compter sur une insurrection pour donner quelque importance à son père. Eugène connaissait son département. Tous ses conseils avaient tendu à faire mettre entre les mains des réactionnaires du salon jaune le plus d’influence possible, pour que les Rougon pussent tenir la ville au moment critique. Selon ses vœux, en novembre 1851, le salon jaune était maître de Plassans. Roudier y représentait la bourgeoisie riche ; sa conduite déciderait à coup sûr celle de toute la ville neuve. Granoux était plus précieux encore ; il avait derrière lui le conseil municipal, dont il était le membre le plus influent, ce qui donne une idée des autres membres.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Enfin, par le commandant Sicardot, que le marquis était parvenu à faire nommer chef de la garde nationale, le salon jaune disposait de la force armée. Les Rougon, ces pauvres hères mal famés, avaient donc réussi à grouper autour d’eux les outils de leur fortune. Chacun, par lâcheté ou par bêtise, devait leur obéir et travailler aveuglément à leur élévation. 

Bien ouèj !

Pierre reçoit une lettre d’Eugene lui indiquant qu’il est temps de mettre Félicité au courant. Félicité, qui continue d’espionner la correspondance père-fils, l’apprend. Sauf que Pierre continue à faire cavalier seul. Alors Félicité a bien les boules et cherche une stratégie pour prendre sa revanche sur son connard d’époux et obtenir sa part du gâteau tout en ne faisant pas tout foirer.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Quand elle avait épousé ce fils de paysan, de préférence à quelque clerc de notaire, elle avait entendu s’en servir comme d’un pantin solidement bâti, dont elle tirerait les ficelles à sa guise. Et voilà qu’au jour décisif, le pantin, dans sa lourdeur aveugle, voulait marcher seul ! 

Le coup d’état tant attendu (espéré ?) éclate, mais Plassans n’en prend connaissance que le lendemain. Le salon jaune se range derrière l’ancien Prince-Président devenu empereur (un peu presque comme Maximus dans Gladiateur mais à l’envers). Le sous-préfet démissionne et Aristide a des sueurs froides. Par conséquent, il décide d’aller épier ses parents et leurs potes. Planqué dans l’escalier, il surprend une bribe de conversation entre sa mère et le marquis. Et là, il comprend tout.

Il était surtout exaspéré contre son père, qu’il avait cru assez sot pour être légitimiste, et qui se révélait bonapartiste au bon moment.

Après le coup d’état c’est l’insurrection républicaine qui éclate un peu partout dans le coin sauf à Plassans, au grand désespoir de Rougon. Ben oui quoi ! Comment qu’il va faire pour se poser en sauveur de la ville si ça ne part pas en sucette ?

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3

Fort heureusement, la cohorte créée alentour décide finalement de passer par Plassans (ce qui nous renvoie au Chapitre 1). Immédiatement, la plupart des membres du salon jaune fuient pour se planquer. Rougon fait mine de vouloir prendre la tête de la résistance mais Félicité dans un grand numéro de drama queen le supplie de renoncer à ce projet. Puis Rougon donne l’autorisation à tout le monde d’aller se terrer.

A présent, dit Pierre, que nous sommes seuls, entre gens paisibles, je vous propose de nous cacher, afin d’éviter une arrestation certaine, et d’être libres, lorsque nous redeviendrons les plus forts. 

Alors que c’est elle qui lui a permis de se conforter dans ce rôle de chef, il envoie une nouvelle fois bouler Félicité. Et, tandis que les insurgés arrivent à Plassans, Pierre file en cachette chez sa mère Adélaïde.

LA FORTUNE DES ROUGON d’Emile Zola [contre-profil d’une œuvre] - CHAPITRE 3
A suivre...
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