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HARRY POTTER ET L'ENFANT MAUDIT de J.K. Rowling, John Tiffany & Jack Thorne [critique]

En voilà un coup marketing qu'il est chatoyant !

Parce qu'on ne va pas se mentir : même si, sitôt sortie en Angleterre, on s'était tous plus ou moins spoilés tout seuls comme des grands sur internet l'intrigue de cette nouvelle histoire, reprenant là où le septième roman s'était achevé c'est-à-dire 19 ans après la bataille de Poudlard, on a eu envie d'en avoir le cœur net... Un peu parce qu'on est cons comme Saint Thomas, un peu parce qu'on est butés comme des grosses merdes.

HARRY POTTER ET L'ENFANT MAUDIT de J.K. Rowling, John Tiffany & Jack Thorne [critique]

C'est donc l'histoire d'Albus (comme Dumbledore qui s'est sacrifié pour Harry) Severus (comme Rogue qui s'est sacrifié pour Harry), deuxième enfant de la fratrie Potter après James (comme son grand-père paternel qui s'est sacrifié pour Harry) mais avant Lily (comme sa grand-mère paternelle qui s'est sacrifiée pour Harry) auxquels leurs parents, Ginny "je sers à rien" Potter et Harry ont fait le choix d'attribuer des prénoms absolument pas lourds de sens (des fois que le nom "Potter" soit trop simple à porter).

Autant James et Lily ressemblent à leur mère (des prétextes narratifs sans intérêt sinon celui de meubler l'espace, des figurants transparents sans aucune volonté propre), autant le Albus est comme son père : chiant. Et que je ne trouve pas ma place dans cette famille, et que mon héritage me pèse, et que je suis le digne fils ado de mon père dans L'ORDRE DU PHŒNIX. Alors à ce compte-là, il se trouve un allié de choix dès son arrivée dans le Poudlard Express : Scorpius Malefoy, qui se tape des antécédents familiaux pas dégueu non plus (en plus d'être plus ou moins suspecté par tout le monde d'être en réalité le fiston à Voldy).

Bref, en pleine rébellion adolescente, Albus surprend une conversation entre Amos Diggory et son père, au sujet d'un retourneur de temps que détiendrait le ministère de la magie et qui lui permettrait de repartir dans le passé afin de sauver son fils Cédric, tué à la place d'Harry lors de la résurrection de Voldemort à la fin du tournoi des trois sorciers.

Voyant là l'occasion d'alléger le poids de la culpabilité de son père, de sa propre culpabilité d'être un Potter, de se rapprocher de l'auxiliaire de vie du vieux Diggory qui est fort gouleyante et de faire copieusement chier Harry, Albus décide d'aller voler le fameux retourneur de temps dans le bureau de la ministre de la magie qui n'est autre que sa tata Hermione.

Ce qui va donc occasionner un beau bordel...

HARRY POTTER ET L'ENFANT MAUDIT de J.K. Rowling, John Tiffany & Jack Thorne [critique]

Alors c'est vrai qu'au départ, on est enchantés de retrouver l'univers créé par J.K. Rowling.

Ajoutons à cela (si l'on veut être parfaitement sincère) que toute la partie où les deux gamins font des allers-retours entre présent, passé et présent alternatif, pour essayer de sauver la situation tout en l'aggravant est fort plaisante (un peu à la manière de RETOUR VERS LE FUTUR mais avec un retourneur de temps en guise de DeLorean)...

Jouant par là-même magnifiquement bien sur notre nostalgie puisque les auteurs reprennent ici des scènes-clefs des opus précédents (en l'occurrence, les épreuves du tournoi des trois sorciers de LA COUPE DE FEU, pour ne pas les citer) et qu'on est super trop contents de se replonger là-dedans en agitant frénétiquement nos petits bras gourds tout en imaginant désormais Cédric Diggory avec les traits d'Edward Cullen (et plein d'autres rôles sérieux et intelligents depuis mais c'est nettement moins marrant du coup).

En plus, qui n'a jamais rêvé d'en avoir un (de retourneur de temps, pas de Robert Pattinson... bien que) ? Personne ?... Ah bon.

Bref, l'idée et le rendu étaient plutôt chouettes et ce même si le format laissait d'emblée à désirer et apparaissait forcément bancal et épuré, surtout si votre nostalgie provenait de la lecture des romans et pas uniquement de leur adaptation ciné...

Mais une fois cette première impression passée, force est de constater qu'on va de déceptions en désillusions.

Alors est-ce dû au fait qu'une pièce est faite pour être jouée et qu'il vaut mieux en être metteur en scène, acteur ou spectateur (ou plein d'autres statuts en rapport avec le théâtre) plutôt que simple lecteur ?

Est-ce parce que ce serait aussi réducteur que de lire le scénario des films, qui eux-mêmes étaient réducteurs par rapport à la richesse narrative des romans (faut dire qu'elle s'était gavée la Rowling) ?

Sûrement... Mais il n'y a pas que ça :

Les scènes avec les héros de l'histoire originelle devenus adultes sont sinon mauvaises, au mieux gênantes. Car nos deux compères et demi reprennent évidemment les caractéristiques des personnages dans leur jeunesse mais en forçant le trait, en les caricaturant franchement, tout en faisant comme s'ils jouaient aux grandes personnes... Un peu comme si nous avions en permanence devant les yeux les acteurs des films tel qu'ils sont grimés à la fin de la deuxième partie des RELIQUES DE LA MORT, lorsqu'on voyait un peu trop que c'était du maquillage. Comme s'ils avaient pris 20 piges dans les gencives d'un seul coup et non pas de façon progressive.

De vrais-faux adultes, donc, avec le cul entre deux chaises, à mi-chemin entre une image à laquelle on ne doit surtout pas toucher, et une évolution inhérente à la période choisie pour placer l'action de la pièce mais qui n'est franchement pas crédible.

Car à la décharge des auteurs, il était à la fois nécessaire mais pratiquement impossible de faire vieillir ces idoles sans s'attirer les foudres des puristes. Et cela se ressent dans leurs réactions car on se retrouve avec des personnalités stéréotypées aux caractéristiques bien identifiables (pour le fan service mais aussi pour gagner du temps.... ben oui : ce ne seront pas les mêmes acteurs que dans les films sur scène), aux raisonnements tantôt faussement matures tantôt sincèrement puérils, à la fois totalement détachées et très (voire trop) ancrées dans le passé, tourmentées par leurs souvenirs d'enfance (z'ont pas de cellule psychologique chez les sorciers ?) où leur vécu commun resurgit de façon tout aussi subite qu'improbable. Et puis Harry dans le rôle du père paumé est aussi chiant que lors de sa petite crisette existentielle dans L'ORDRE DU PHŒNIX (aussi chiant que son mouflet d'ailleurs).

Ensuite, niveau comparaison, l'usage et l'abus du retourneur de temps, ça n'arrive pas à la cheville du PRISONNIER D'AZKABAN : même si l'idée est sympathique (bien que pas vraiment originale car allègrement pompée sur RETOUR VERS LE FUTUR 2 en fait... deuxième fan service), elle n'en a ni les enjeux ni l'émotion car trop énorme, trop exagérée, trop... théâtrale (?) pour véritablement créer un suspens où l'on s'inquiéterait du devenir des personnages en présence.

De plus, on se demande un peu tout du long où sont passés les deux autres enfants du couple Potter... Et aussi à quoi sert Ginny "la matrice ovarienne" mais ça, ça n'est pas l'apanage de cette œuvre-ci.

Et puis ce côté faussement sacrificiel de Harry, à base de "non, laissez-moi affronter seul mon destin" mais qui finit toujours par embarquer tout le monde dans ses galères tout en récoltant une sorte de compassion universelle, c'est proprement gonflant et usant à la longue (il a raison Drago de pas pouvoir l'encaisser)... À moins que ce ne soit parce que j'ai lu les romans il y a longtemps et que j'ai oublié à quel point ça l'était déjà...

Enfin, à travers les interventions de Rogue, de Dumbledore ou même de Drago, le pire dans tout ça reste que la pièce se sent obligée de faire toute la lumière sur des éléments de l'intrigue initiale qu'il valait peut-être mieux garder implicites pour conserver leur beauté et leur force... Alors au lieu de tourner autour du pot, autant y aller franchement et balancer noir sur blanc que Rogue est mort puceau après s'être pignolé pendant 40 ans sur la mère d'Harry ! Ça ne serait pas plus trivial ni moins inutile que les autres "révélations" et réflexions métaphysiques des personnages sur le pourquoi du comment ils ont pu agir (voire mourir) de cette façon.

Où l'on se demande sincèrement pourquoi expliciter ce qui rendait l'intrigue bien plus complexe, attachante et émouvante et bien moins manichéenne que celle d'autres séries littéraires ou cinématographiques à succès... À quel moment ça a semblé être une bonne idée ? En quoi cela peut-il satisfaire les fans (parce qu'il s'agit vachement de ça en fait) sinon à rassurer leur ego et leurs capacités de déductions ("Hu hu ! J'avais tout bien compris !") ? Car même si nous avions de nous-mêmes fait ce cheminement, ce processus n'ôte-t-il pas toute sa magie à l'histoire ?... Et ça, franchement, c'est un comble !

En conclusion, à défaut de replonger dans l'imaginaire selon Rowling, on reste en surface (le format aidant) et même si sur le départ on peut être charmés par une forme de nostalgie indéniable, au fur et à mesure, tout devient à la fois frustrant, résumé sinon bâclé, agaçant voire embarrassant...

Une pièce à voir sur scène (lapalissade !!!), interprétée par des gens incroyablement talentueux et parfaitement dirigés, qui réussiront à faire sonner juste les personnages, à les rendre un peu moins insupportables en leur restituant leur profondeur ainsi qu'à donner une véritable charge émotionnelle à l'intrigue.

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