24 Janvier 2016
Cher Cinetrafic, qu'est-ce que c'est que ces films bien sur lesquels on ne peut pas déconner ?
Parce que bon, l'histoire d'une adolescente palestinienne orpheline recueillie par ses 3 tantes (dont deux pas super commodes) pendant la seconde intifada, c'est quand même moyennement festif...
Résumé :
Badia est à présent trop grande pour l'orphelinat. Elle se retrouve donc à Ramallah, dans la superbe villa Touma (comme son nom de famille l'indique... Et le titre du film en VO aussi), chez les sœurs de son père décédé, trois vieilles filles chrétiennes, qui le vivent plus ou moins bien (l'arrivée de leur nièce et leur célibat : leur religion ça va, elles gèrent ça même plutôt sérieusement, toutes garantes de l'honneur et de la tradition de leur famille qu'elles sont).
Étant donné l'accueil ultra chaleureux (organisation des journées et répartition des tâches ménagères légèrement psychorigides), Badia risquait peut-être de se sentir un peu trop la bienvenue. Alors ses deux tantes aînées, pétries d'une haine et d'un mépris viscéraux, lui rappellent régulièrement que feu sa mère était musulmane (ce qui, dans leur bouche, sonne presque pareil que le mot "pute").
Ainsi, afin de se débarrasser au plus vite de ce boulet quasiment illégitime, elles décident qu'il faut la marier. Mais pas à n'importe qui : le futur marié se devra d'appartenir à l'aristocratie chrétienne locale (sinon c'était trop facile).
Alors il va falloir rééduquer cette jeune fille un peu trop moderne, un peu trop spontanée, un peu trop éprise de liberté aussi, selon des critères, comment dire ? Légèrement désuets ou carrément arriérés...
L'histoire d'une nana qui se tape un très gros karma de merde et qui est tombée dans la mauvaise famille, au mauvais moment, au mauvais endroit en somme.
Alors c'est sûr qu'il s'agit là d'un film intimiste, presque un huis clos, et qu'il n'y a pas d'explosions ni de poursuite en bagnole.
Il y a même une forme d'approche quasi documentaire de la part de la réalisatrice, une petit côté "striptease" (l'émission sans indications en voix off pas le truc d'enterrement de vie de célibataire).
Un film qui raconte comment ses trois femmes (dont une qui subit un peu plus qu'autre chose) se sont enfermées dans un carcan anachronique, comment elles refusent toute forme de modernité alors que la société a évolué, comment elles choisissent et s'imposent de vivre dans un passé et des traditions archaïques.
Les bonus du DVD sont tout aussi riches d'enseignements, avec une interview de la réalisatrice dont les propos mettent en lumière la démarche créative et confirment les sensations que l'on avait pu avoir durant le visionnage, et des scènes coupées qui ont bien fait de l'être car elles ôtaient le caractère implicite de certains événements et gâchaient l'aspect "faites-vous votre propre avis et réfléchissez un peu avec vos têtes".
Un film très intelligemment réalisé et interprété, profondément révoltant par tant d'injustice humaine, d'hypocrisie tranquille, de sollicitude faussement bienveillante (voire franchement malveillante), d'obsession du paraître, de la sauvegarde des apparences, au détriment de l'être (si "batard" soit-il) jusqu'à son annihilation, de cruauté sereine tant elle se pense légitime.
Un film qui donne un sentiment de non-assistance à personne en danger alors que l'on observe, impuissants, la déchéance programmée de cette jeune femme par des mœurs d'un autre temps.
LA BELLE PROMISE (Villa Touma)
Réalisé par : Suha Arraf / Genre : drame / Nationalité : palestinien / Éditeur : KMBO éditions (page Facebook).
Casting : Nisreen Faour, Cherien Dabis, Maria Zreik, Ula Tabari...
Date de sortie en vidéo : 3 Novembre 2015 / Durée : 1h25min