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LA PETITE SIRÈNE, d’à-peu-près Hans Christian Andersen

LA PETITE SIRÈNE, d’à-peu-près Hans Christian Andersen

Il était une fois une jolie petite sirène qui, comme le veut sa fonction, vivait tout au fond des flots avec ses cinq sœurs et son père, le roi des océans (en toute simplicité)...

LA PETITE SIRÈNE, d’à-peu-près Hans Christian Andersen

Quid de la Reine ? Nul ne le sait, mais laissons notre imagination divaguer afin de trouver une explication rationnelle et plausible à cette incroyable absence :

Peut-être que le roi, qui était mi-poiscaille par nature, était également mi-hippocampe et mi-mante religieuse inversée ? Il avait donc clairement pu bouffer sa compagne après qu’elle eut pondu ses œufs fécondés dans sa poche ventrale...

Ou bien la souveraine, se voyant affublée de six filles, avait pris la décision de s’enfuir dans un éclair de lucidité ? Car peut-être que la royauté amphibie ne possédait pas de larbins à qui déléguer l’éducation de ses mioches...

Ou bien il n’y avait jamais eu de reine, qui sommes-nous pour préjuger de la sexualité du roi des océans ? Nan mais oh !

LA PETITE SIRÈNE, d’à-peu-près Hans Christian Andersen

La petite sirène, en plus d’être particulièrement belle, avait une voix enchanteresse qui lui permettait d’envoûter quiconque et d’obtenir ainsi tout ce qu’elle désirait. Mais le fait d’être une sorte de petite célébrité sous-marine ne lui suffisait pas : elle voulait rencontrer des humains.

Le soir de ses quinze ans et d’une pulsion de rébellion adolescente plus violente que les autres, elle décida de remonter à la surface de l’eau. Là, elle tomba nez à branchie avec un somptueux yacht sur lequel la jet set locale s’enjaillait ferme sous le ciel étoilé. Elle en conclut que telle était la vie quotidienne des humains : faire la teuf sur un bateau la nuit. Et elle trouva cela formidablement cool comparé à sa vie oisive d’héritière du royaume subaquatique qui devait être franchement pénible et peu enviable.

Sur le pont du bâtiment, elle aperçut un beau jeune homme aux grands yeux noirs et, comme elle était d’une fantastique futilité frivole et superficielle, elle en tomba forcément et instantanément éperdument amoureuse.

Mais, tout à coup, sans sommation aucune, une tempête s’abattit sur les lieux, un peu comme dans un film de Roland Emmerich. Le navire, pris dans la tourmente d’une mer déchaînée, ne tarda pas à sombrer avec ses occupants.

Vite ! Le Prince risque de se noyer !

se dit la petite sirène.

Elle s’empressa donc de secourir ce type évanoui qu’elle ne connaissait absolument pas (et dont elle avait déduit le titre d’on ne sait où), laissant lamentablement crever les autres passagers dans d’atroces souffrances (comme quoi, la beauté peut avoir son importance dans un naufrage).

Au petit matin, la tempête passée comme elle était venue, elle déposa le jeune homme inconscient sur la plage et se planqua derrière un rocher pour s’assurer que quelqu’un vienne le secourir. Une belle jeune femme qui faisait justement son footing dans le sable manqua de trébucher sur le naufragé. La petite sirène put donc s’en retourner à sa dure vie de labeur, apaisée.

Mais, le temps passant, un sentiment étrange s’insinua en elle jusqu’à la submerger. En effet, elle finit pas se dire :

Nan mais attends, c’est quand même moi qui l’ai sauvé ! Pourquoi que ça serait l’autre grognasse qui en recueillerait tous les honneurs d’abord ?!?

Et la petite jalouse regretta plus que jamais de ne pas être plus qu’une semi-humaine. Aux grands maux, les grands remèdes : elle décida d’aller exposer son problème à la sorcière des mers qui allait forcément lui apporter une solution qui ne puait pas la merde :

Devenir humaine ? Pas de problème ! J’ai justement là une potion prête à l’emploi. Mais attention, elle a de menus effets secondaires.
— Je suis tout ouïe.
— Règle numéro 1 : Jamais tu ne pourras redevenir sirène.
— Ça me va.
— Règle numéro 2 : Si ton prince ne t’épouse pas, ton cœur se brisera et tu mourras en te changeant en écume.
— Ah ouais, quand même, ça rigole pas !
— Attends, attends ! Ce n’est pas tout Règle numéro 3 : Ta voix, tu me donneras.
— Ça veut dire que je ne pourrai plus chanter pour arriver à mes fins ?
— Ni chanter ni même parler.
— Oh bah, on est dans un conte, je n’ai pas besoin de briller par mon intelligence ou ma personnalité : ma beauté, mon charme et mon odeur corporelle suffiront.

Si tu le dis.

Ainsi fut conclu le marché. La petite passionnée utopiste fit alors ses adieux à sa famille qui n’émit aucune objection ni même aucune réserve quant à son projet de vie passablement hasardeux (à se demander si elle n’était pas soulagée de s’en débarrasser d’ailleurs).

Elle remonta ensuite à la surface, rampa lamentablement jusqu’à la plage où elle avait tout aussi laborieusement déposé son doux prince au matin du naufrage, but un gorgée de la potion et ressentit une immense douleur l’envahir :

Rhaaaaaa !!!! Quelle salope cette sorcière !!!! Elle ne m’avait pas dit que ça ferait aussi maaaaaaal !!!!!
— Oups ! Règle numéro 4 : ta queue transformée en jambes tu auras, mais avant ça, ta race tu douilleras.

entendit-elle hurler des profondeurs des océans avant de perdre connaissance.

Le hasard et le pèlerinage matinal quotidien que le prince effectuait sur les lieux de son sauvetage faisant bien les choses, elle se réveilla dans les bras de l’élu de son cœur.

Qui es-tu ? demanda-t-il à cette jeune inconnue à moitié à poil alanguie sur le sable.
— Mmmnnnnpfffmmmnmffffpnmfff.

lui répondit la petite sirène qui n’en était plus une.

Comme il la trouva douce et gentille... Et docile... Et muette... Et servile... Et qu’il comprit très vite qu’il allait pouvoir en obtenir ce qu’il voulait sans qu’elle lui opposât la moindre forme de protestation, il décida de l’emmener à la cour, non sans bien lui signifier que son cœur appartenait à la belle jeune fille qui l’avait trouvé sur la plage, qui l’avait sauvé et qui, pouf-pouf, avait disparu. La petite écervelée fut donc immédiatement sexfriendzonée. Mais elle espérait que le temps jouerait en sa faveur et que le prince, à force d’attentions et de dévouement, finirait par tomber amoureux d’elle.

LA PETITE SIRÈNE, d’à-peu-près Hans Christian Andersen

Et elle n’était pas loin de parvenir à l’avoir à l’usure et à la charité, son doux prince, la petite soumise !

Malheureusement, vint le jour maudit où le roi et la reine exhortèrent leur fils à prendre femme en la personne de la princesse du château voisin. Pas tout à fait jouasse à l’idée d’un mariage forcé, le prince s’en alla rencontrer sa promise, tout en se disant qu’il pourrait bien satisfaire les ambitions diplomatiques de ses parents tout en continuant en off ses frasques avec son plan cul régulier (la bougresse n’étant pas trop contrariante), que c’était carrément du gagnant-gagnant pour tout le monde et surtout pour lui.

Ne reculant devant aucune humiliation pour la jeune mutique, il lui demanda même de l’accompagner pour se donner du courage. La mort dans l’âme mais l’espoir chevillé au corps que la princesse déplaise à son adoré, la petite sirène, qui ne pouvait pas dire non, opina.

Quelle ne fut pas la surprise du prince lorsqu’il découvrit que sa fiancée n’était autre que la joggueuse providentielle qui l’avait secouru par un beau lendemain de tempête ! Il étreignit alors sa dulcinée si fort qu’à mesure qu’il la serrait dans ses bras, le petit cœur meurtri de la petite (par trop romantique) sirène se serrait à son tour jusqu’à ce qu’il se brise d’un seul coup. Elle sût, dès lors, qu’elle allait mourir et ne ressentit même pas une once de satisfaction à faire échouer le plan égoïstement win-win du prince qui, de toute façon, n’aurait plus eu besoin de ses faveurs : elle ne ressentait plus rien...

Le prince et la princesse se marièrent instamment, sans que cette dernière ne fournisse son consentement (c’est un peu le principe d’un mariage arrangé), mais surtout une quelconque explication sur les raisons de sa précédente fuite post-secourisme. Lorsque la nuit fut tombée, la petite sirène retourna sur la plage, s’approcha du rivage et...

T’es sérieuse ?!? s’écrièrent en chœur ses cinq sœurs.
— Tu vas prendre ce poignard magique...
— Que la sorcière des mers nous a donné...
— Tu vas aller buter l’autre gros con...
— Et sa meuf si ça te fait plaisir...
— Et voilà !
— Ni vu, ni connu : tu redeviens mi-femme mi-thon...
— Tu retrouves ta vie...
— Ton palais...
— Tes larbins...
— Non, pas de larbins on a dit...
— Ton rang...
— Ta famille...
— Ta voix...
— Ta dignité...
— Et...

Mais la petite naïve savait bien que de dignité, elle n’en avait plus. Et puis, malgré tout, son prince n’y était pour rien si elle n’avait pas été foutue de lui expliquer avec des gestes, des signaux de fumée, ou un apprentissage accéléré de la lecture et de l’écriture que c’était elle qui l’avait sauvée en réalité... Elle l’aimait toujours.

Alors renonçant à tout et surtout à la vie, elle sourit à ses sœurs, leur adressa un dernier « mmmnnpfffmmmnmffffpnmfff » déchirant, avança dans la mer et se changea en écume.

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