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RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

Il était une fois une femme qui souffrait de trouble obsessionnel compulsif alimentaire. Et tous les jours, de sa fenêtre, elle stalkait un jardin où poussaient d’innombrables raiponces. Sa lubie avait pris une telle ampleur qu’elle se laissait carrément dépérir. Alors, lorsque son époux remarqua enfin son amaigrissement (soit au stade où elle pouvait aisément jouer Bella Swan sans trucage), elle se résigna à laisser éclater l’honteuse vérité :

— JE VEUX DES RAIPONCES ! JE VEUX DES RAIPONCES ! JE VEUX DES RAIPONCES !

dit-elle en prenant une jolie teinte cramoisie et en tapant du pied.

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

Le mari, surpris par la portée étonnamment philosophique de cette requête, se demanda tout d’abord quelles pouvaient bien être les questions. Puis, se souvenant tout à coup du désordre dont sa femme était la proie, il en conclut qu’il devait en réalité s’agir d’un truc à bouffer. L’obstinée, subjuguée par autant de force de déduction, indiqua à son conjoint où trouver l’objet de son ardent désir comestible.

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

Le pauvre bougre, légèrement soumis aux caprices de son adorée et ne possédant pas de larbins pour s’acquitter de cette tache ingrate, se retrouva comme un con à escalader, en pleine nuit, le mur qui enceignait le fameux jardin afin d’en cambrioler allègrement le propriétaire. Il réussit tant bien que mal à hisser son gros cul à l’aller comme au retour afin d’accomplir son forfait mais son épouse insatiable, une fois s’être goinfrée, n’en était pas pour autant repue (loin de nous l’idée de penser qu’il en faut des fleurs, pour rassasier son homme).

— JE VEUX DES RAIPONCES ! JE VEUX DES RAIPONCES ! JE VEUX DES RAIPONCES !

dit-elle en essuyant la bave qui engluait son menton.

Au lieu de lui intimer l’ordre d’épaissir son porridge matinal avec de la sciure et de fermer un tout petit peu sa grosse gueule, le bonhomme y retourna. Sauf que, cette fois-ci, il se fit choper par la maraîchère, qui n’était autre qu’une sorcière ! Elle lui dit, en substance, qu’elle était ok pour lui donner toutes les raiponces qu’il voulait à condition qu’en échange, il lui offrît son premier descendant. Cet accord lui paraissant parfaitement raisonnable et équitable et le voleur pensant ne pas risquer grand-chose car après des années de tentatives toujours plus vaines, son couple demeurait infécond, le marché fut conclu. Mais c’était sans compter sur un habile tour de force du destin qui, parfois, aime à se montrer taquin (et la sorcière qui possédait peut-être aussi tout simplement des pouvoirs magiques). Sa femme n’était en réalité pas uniquement boulimique : elle était tout bonnement enceinte !

Elle passa donc le reste de sa grossesse à s’empiffrer de campanules et lorsque le jour de la délivrance fut venu, son époux tint parole sans qu’elle ne manifestât la moindre petite forme de réticence : il porta le nouveau né à la sorcière qui décida ainsi de baptiser sa fille adoptive, *roulement de tambour*, Raiponce.

Comme le trafic d’être humain n’était pas suffisant niveau maltraitance, la sorcière, Mère Gothel, décida d’enfermer l’enfant dans une haute tour sans porte ni escaliers. Tous les jours, elle venait lui rendre visite afin de lui apporter de quoi se sustenter. Elle criait alors du bas de la tour :

– Raiponce, laisse tomber tes cheveux !

Puis elle escaladait la paroi de la prison de sa fille en se hissant grâce à cette ingénieuse installation capillaire.

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

L’histoire ne précise pas comment la sorcière parvint à enfermer la première fois le bébé tout en haut de la tour ni comment elle fit, les premiers temps, pour pouvoir y accéder quotidiennement lorsque ses cheveux n’étaient pas encore suffisamment longs. Utilisa-t-elle une catapulte ? Des pouvoirs magiques implicites ? La Force ? Mais pourquoi dans ce cas cesser d’utiliser ses dons surnaturels pour se faire chier à user de moyens aussi mécaniques qu’archaïques pour grimper par la suite ?

Toujours est-il qu’un beau jour, beaucoup plus tard, un Prince qui passait par là entendit Raiponce chanter. Un peu comme dans The Voice, il se dit sans doute que peu importait le physique de la personne à qui appartenait cette douce voix, il la voulait plus que tout dans sa team. Mais tout à coup, Mère Gothel parut. Le prince se planqua illico et observa le manège : à la demande de la sorcière, Raiponce laissa tomber sa chevelure et la vieille femme commença sa laborieuse ascension.

Pas la moitié d’une buse, le Prince attendit que la nuit fût tombée et la sorcière partie pour lancer tout de go :

– Raiponce, laisse tomber tes cheveux !

La naïve jeune fille ne se demanda nullement qu’elle était cette voix inconnue ni ce qu’on lui voulait à cette heure tardive. Espérait-elle secrètement qu’on vinsse la libérer de sa prison stratosphérique ? Avait-elle violemment le feu au cul ? Ou bien était-elle simplement programmée pour obéir à cette formule ? Personne ne le sait. En tous les cas, à ces mots, Raiponce s’exécuta.

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

Le Prince grimpa et, arrivé en haut, Raiponce tomba immédiatement follement amoureuse de lui et accepta de l’épouser sur le champ, sans prêtre et sans témoin, ce qui n’engageait pas tellement le bonhomme finalement mais qui nous arrange par contre grandement niveau morale et consentement.

Là où l’on pourrait s’attendre à ce que le Prince qui, rappelons-le, s’était lui aussi epris de Raiponce rien qu’au son de sa voix, trouvât une solution pour libérer sa dulcinée, il décida plutôt de la laisser prisonnière de sa tour et de sa mère adoptive afin d’avoir toujours sous la main une pseudo épouse en forme de plan cul régulier à la fidélité forcément indéfectible puisqu’elle ne risquait pas de se taper grand monde à part peut-être la sorcière, à la limite.

Il revint ainsi toutes les nuits tandis que Mère Gothel continuait de venir tous les jours jusqu’à ce que Raiponce sorte de nulle part à sa geôlière :

– Comment se fait-il que vous soyez si lente à venir me rejoindre lorsque le Prince qui vient me visiter toutes les nuits est si prompt à grimper ?

NON MAIS CEST PAS DIEU POSSIBLE D’ETRE AUSSI CRUCHE !!!!!

Là, aussi incroyable que cela puisse paraître, Mère Gothel déduisit qu’un prince ou tout autre individu portant pénis et se faisant passer pour tel (la crédule donzelle n’ayant pas vraiment eu l’opportunité ni le réflexe de vérifier le pedigree de son amant) venait toutes les nuits crépir l’intérieur de sa petite captive. Elle hésita alors entre plusieurs explications à lui fournir allant de la différence d’âge à celle de motivation entre elle et le jeune homme mais décida plutôt d’agir en adulte responsable et rationnel. Elle coupa les cheveux de Raiponce, la sortit manu militari de sa tour (le retour du jedi ou de la catapulte ?) et alla paumer la petite nymphomane dans un désert non loin de là, le climat étant alternatif dans cette contrée. Elle remonta ensuite se cacher dans la tour en utilisant sans doute la lévitation ou un gros trampoline et y attendit la nuit et le (soit-disant) prince (assurément) obsédé sexuel.

Ce dernier ne tarda pas à sortir du bois. Il récita la formule consacrée et la sorcière lança la chevelure de Raiponce qu’elle avait dû arrimer à quelque poutre. Quelle ne fut pas la surprise du jeune hypersexuel lorsqu’il découvrit en lieu et place de sa « bien-aimée » une vieille et horrible femme. Cette dernière ne lui laissa pas le temps de comprendre la situation qu’elle le poussa violemment dans le vide en hurlant un tonitruant « THIS IS SPARTA » suivi, pour elle-même, d’un « The things I do for love ».

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm

Le Prince hypothétique ne perdit pourtant pas la vie mais la vue et commença à déambuler dans les bois en se boitant tous les deux mètres et en se mangeant branches et troncs dans la gueule.

Au bout de quelques années d’errance et de pérégrinations où il s’alimentait au hasard d’animaux morts et crus, de plantes diverses et durant lesquelles il survécut à de violentes dysenteries, le Prince arriva dans le désert. Il marchait sans but, bien heureux de ne plus rencontrer d’obstacles végétaux avec son visage, quand il entendit dans le lointain une douce mélodie. Il se dirigea à l’oreille vers ce son enchanteur et, bien que légèrement long à la détente, il finit par se rendre compte qu’il s’agissait de la voix de Raiponce, celle-là même dont il était censé être précédemment tombé amoureux, et qui devait sans doute tourner dans le vide en se nourrissant de sable depuis tout ce temps sans chercher à retrouver le chemin de la forêt ou d’une quelconque forme de civilisation. Et elle n’était pas seule !

Tout autour d’elle gravitaient deux jumeaux étonnamment silencieux pour des enfants si jeunes et si frangins, un garçon et une fille, confirmant ainsi que les visites nocturnes du Prince au sommet de la tour étaient toujours en tout bien tout honneur et qu’accoucher seule, au milieu de nulle part, sans eau et sans péridurale, était d’une facilité déconcertante.

Retrouvant enfin son adoré Raiponce se jeta à son cou et le serra dans ses bras. Mais, le découvrant aussi aveugle et dépenaillé, elle se mit à chialer parce que, bon, on lui avait quand même vendu un Prince et que l’apparence c’est important. Ses larmes tombèrent alors sur le doux visage cradouille de son aimé qui recouvra miraculeusement la vue.

Bien obligé d’épouser pour du vrai celle qui lui avait offert des yeux, sa virginité et deux enfants hors mariage officiel non désirés, il rentra la queue basse flanqués des trois clodos dans son royaume où, fort heureusement pour Raiponce, aucune compagne légitime ne l’attendait.

RAIPONCE, d’à-peu-près les frères Grimm
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