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LES MUSICIENS DE LA VILLE DE BRÊME d’à-peu-près les frères Grimm...

Il était une fois un âne qui était devenu inutile car trop vieux pour charrier les sacs de farine de son maître jusqu’au moulin.

LES MUSICIENS DE LA VILLE DE BRÊME d’à-peu-près les frères Grimm...

Ce dernier décida donc de s’en débarrasser auprès de l’usine de plats cuisinés la plus proche. Mais l’âne, qui était certes vieux mais pas non plus trop con, avait compris le sort funeste que son propriétaire lui réservait. Il décida alors de s’enfuir vers la ville de Brême pour y devenir musicien...

Parce que, de toute évidence, quand un âne emmène des sacs de farine au moulin et non des sacs de grains, il n’est pas totalement incohérent qu’il puisse prétendre à faire partie d’un orchestre.

Sur la route de Brême, l’âne rencontra un chien essoufflé. Il expliqua à l’équidé qu’il avait dû décamper fissa puisque son maître, le voyant inutile car trop vieux pour l’accompagner à la chasse, avait voulu le buter à coups de pompe. Il n’avait dès lors pas eu d’autre alternative que de s’enfuir. L’âne lui proposa de le suivre jusqu’à Brême où il pourrait jouer de la timbale tandis que lui jouerait du luth, en toutes vraisemblance et simplicité...

Car devenir « musicien de la ville de Brême » n’était donc pas une quelconque métaphore d’un accès post-mortem à une hypothétique forme de paradis pour les vieux animaux inutiles mais bel et bien un projet de vie parfaitement rationnel et réalisable.

Chemin faisant, ils tombèrent truffe à truffe avec un chat dépressif. Il leur expliqua que, par un habile système de vases communicants, l’érosion de ses chicots avait fait de lui une incorrigible feignasse et que, le voyant désormais préférer se la glander douce au coin du feu au lieu de génocider les rongeurs, sa maîtresse avait voulu se débarrasser de lui en le waterboardant. Comme ce récit leur offrait manifestement une preuve irréfutable que le chat s’y connaissait en musique, ils lui proposèrent de les suivre jusqu’à Brême pour qu’il y devienne musicien.

Leur itinéraire les amena à passer devant une ferme où un coq, juché sur le portail, gueulait comme un putois qu’on égorge. Ils lui demandèrent les raisons d’une telle hystérie. Il leur expliqua qu’il hurlait pour annoncer le beau temps mais que sa maîtresse avait décidé, sans aucune raison apparente si ce n’est qu’un coq qui se prend pour la grenouille météo au lieu d’annoncer le lever du soleil pouvait assez rapidement devenir inutile, de le faire bouffer à ses invités dès le lendemain. Ils lui proposèrent de les suivre jusqu’à Brême où il pourrait utiliser sa superbe voix à des fins musicales.

LES MUSICIENS DE LA VILLE DE BRÊME d’à-peu-près les frères Grimm...

Ils reprirent la route et, arrivés dans une forêt à la nuit tombée, ils s’installèrent pour dormir : l’âne et le chien sous un arbre, le chat et le coq dans les branches et non l’inverse ce qui n’aurait pas été extrêmement surprenant cela-dit.

Mais avant de s’endormir, le coq, qui aimait bien se percher tout en haut des trucs, aperçut une lueur. Le chien ayant la dalle et l’âne mal au cul, ils décidèrent d’aller voir là-bas s’ils y étaient. Comme les Rois mages en Galilée, ils suivirent ainsi la lumière et atteignirent une chaumière dans une clairière qui s’avèrerait être un repaire de voleurs.

L’âne, qui était le plus grand, mit sa tête à la fenêtre afin d’espionner l’intérieur. Il découvrit les crapules faisant ripaille et les animaux tinrent conseil afin d’établir un plan pour leur piquer leur pitance. Ils se mirent en formation pyramide, le coq sur le chat sur le chien sur l’âne, et entamèrent leur plus grand tube, brayant, aboyant, miaulant et chantant.

LES MUSICIENS DE LA VILLE DE BRÊME d’à-peu-près les frères Grimm...

Ils débaroulèrent subitement dans la pièce dans un vacarme tellement assourdissant que les gredin, croyant se trouver tout à coup dans le réfectoire d’une école primaire, s’échappèrent en hurlant.

Les quatre compagnons d’infortune s’attablèrent et se goinfrèrent littéralement. Repus, ils se trouvèrent chacun un endroit pour dormir : le chien devant la porte, le chat sur les cendres chaudes de la cheminée, le coq sur une poutre et l’âne à l’extérieur, sur le fumier, car, les voleurs étant écolos, ils possédaient un coin à compost. Puis ils éteignirent la lumière avec leurs petites papattes.

Mais les brigands, qui n’étaient pas allés bien loin, s’aperçurent que leur masure n’était plus illuminée. Le chef décida d’envoyer un éclaireur afin de vérifier si la voie était libre. Ce dernier pénétra dans la maison et ne trouva que le silence et la sérénité.

C’est alors que le malheureux prit les yeux du chat pour des braises et y enfonça une allumette afin d’allumer la lumière. Le chat, qui n’appréciait que moyennement qu’on lui insère des choses dans son anatomie, sauta à la gueule du maraud, crachant et griffant.

Le maraud, qui n’appréciait que moyennement qu’on lui exfolie le visage de force, tenta de s’enfuir par la porte de derrière. Mais là, il trébucha sur le chien.

Le chien, qui n’appréciait que moyennement qu’on s’essuie les pieds dessus, bondit et niaqua violemment le mollet de son agresseur.

L’agresseur, qui n’appréciait que moyennement qu’on lui arrache des bouts de jambe, se rua à l’extérieur de la maison en beuglant.

L’âne qui n’appréciait que moyennement qu’on vienne perturber son cycle de sommeil lent et profond, lui décocha une balayette rotative.

Et pour couronner le tout, le coq, voyant qu’il faisait nuit mais beau, se mit à cocoricoter comme un fou.

Le faquin s’enfuit prestement retrouver ses compères. Ils leur expliqua qu’une sorcière lui avait griffé le visage avec ce qu’il espérait être des doigts crochus, qu’un homme, tapi dans l’ombre, lui avait planté un couteau dans le mollet, qu’un monstre, caché dans la cour, l’avait roué de coups de bâtons tandis qu’un juge, perché tout en haut de la maison, lui hurlait « qu’on amène ici ce coquin » (car cela ressemblait tout de même à s’y méprendre à « cocorico »).

Les voleurs, totalement convaincus par la présence plus que logique d’un magistrat juché sur le toit d’une baraque isolée dans la forêt en pleine nuit, décidèrent d’abandonner définitivement les lieux.

Et les quatre musiciens s’y trouvèrent si bien qu’ils finirent paisiblement leurs jours dans leur purgatoire au fond des bois, les uns se nourrissant du cadavre des autres au fur et à mesure que les membres du groupe mouraient de vieillesse.

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