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LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

LA BÊTE HUMAINE ("tu la tiens dans ta main", *air connu*), c'est l'histoire de Jacques, cadet de la fratrie Lantier après l'aîné Claude (l'artiste-peintre raté de L'ŒUVRE) et avant le benjamin Etienne (le mineur révolutionnaire raté de GERMINAL) et encore avant leur demi-sœur Anna Coupeau (la prostipute syphilitique ratée de NANA), tous enfants de Gervaise Macquart (la blanchisseuse alcoolique ratée de L'ASSOMMOIR).

Sa mère Gervaise, il est vrai, l’avait eu très jeune, à quinze ans et demi ; mais il n’arrivait que le second, elle entrait à peine dans sa quatorzième année, lorsqu’elle était accouchée du premier, Claude ; et aucun de ses deux frères, ni Claude, ni Étienne, né plus tard, ne semblait souffrir d’une mère si enfant et d’un père gamin comme elle, ce beau Lantier, dont le mauvais cœur devait coûter à Gervaise tant de larmes. Peut-être aussi ses frères avaient-ils chacun son mal, qu’ils n’avouaient pas, l’aîné surtout qui se dévorer à vouloir être peintre, si rageusement, qu’on le disait à moitié fou de son génie.

Pourquoi "à moitié" ?

Alors avec un tel background et l'évident désintérêt total de Zola pour le déterminisme familial...

La famille n’était guère d’aplomb, beaucoup avaient une fêlure.

Ça c'est de l'euphémisme !

... de quelle étrange et horrible dégénérescence atavique l'ami Jacques va-t-il bien pouvoir secrètement souffrir pour lui permettre à lui aussi de magistralement réussir sa vie ?

Lui, à certaines heures, la sentait bien, cette fêlure héréditaire ; non pas qu’il fût d’une santé mauvaise, car l’appréhension et la honte de ses crises l’avaient seules maigri autrefois ; mais c’étaient, dans son être, de subites pertes d’équilibre, comme des cassures, des trous par lesquels son moi lui échappait, au milieu d’une sorte de grande fumée qui déformait tout. Il ne s’appartenait plus, il obéissait à ses muscles, à la bête enragée. Pourtant, il ne buvait pas, il se refusait même un petit verre d’eau-de-vie, ayant remarqué que la moindre goutte d’alcool le rendait fou. Et il en venait à penser qu’il payait pour les autres, les pères, les grands-pères, qui avaient bu, les générations d’ivrognes dont il était le sang gâté, un lent empoisonnement, une sauvagerie qui le ramenait avec les loups mangeurs de femmes, au fond des bois. 

Ben voilà : Jacques est tout simplement un tueur en série refoulé !

Et pas n'importe quel tueur en série : un tueur de femmes, exclusivement (chacun sa spécialité, c'est important).

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Ainsi, tout commence par un meurtre. Ou plus précisément tout commence par une bonne grosse raclée des familles administrée par un homme (Roubaud) à sa femme (Severine). Faut dire qu'ils avaient tout pour être heureux ces deux-là : un mariage et une existence raisonnables, une cohabitation en bonne intelligence, sans passion ni véritable amour réciproque, certes, mais avec une sorte de pacte tacite de non-agression où l'un n'emmerdait pas l'autre et même des moments de complicité bonhomme.

Et ça, cette sécurité, chez Zola, c'est déjà ce qui se rapproche le plus du bonheur.

Jusqu'à ce voyage à Paris où Roubaud, sous-chef de gare au Havre, part se faire passer un savon par son chef d'exploitation pour une sombre histoire d'altercation publique avec un sous-préfet qui avait voulu monter en première classe avec son clébard. Protégé par Grandmorin, président à la retraite de la SNCF de l'époque et tuteur de Severine (qu'il a élevée comme sa fille après la mort de son père qui était son jardinier), Roubaud s'en sort avec un avertissement et la rédaction d'une lettre d'excuses.

Les deux époux se retrouvent ensemble dans un petit appartement de la gare prêté par la nourrice de Severine, avant de repartir pour Le Havre. Après avoir offert un couteau à son mari et déjeuné avec lui dans la joie et la bonne humeur, Severine, bien que plutôt passive (voire apathique), se refuse inexplicablement à lui. Et alors qu'elle avait gardé le secret pendant plus de 10 ans dont trois de mariage, cette grosse cruche avoue, comme un poil de cul sur la soupe et histoire de correctement foutre le bordel dans sa petite vie oisive et tranquille, que la bague qu'elle porte au doigt lui a bien été offerte lorsqu'elle était gamine par son protecteur Grandmorin, pour la remercier des faveurs qu'elle lui accordait.

Là, Roubaud comprend tout : pourquoi une femme si jeune et somme toute plutôt jolie, ayant reçu une si bonne éducation, a bien consenti à épouser un simple facteur-chef de la gare de Barentin bien plus âgé qu'elle, pourquoi la dot de 10 000 boules, la promotion et la protection offertes par le président, pourquoi Severine a refusé son invitation à passer quelques jours en sa compagnie dans sa résidence secondaire de la Croix-de-Maufras, là où il l'avait "élevée"... En trois mots, il comprend qu'il est le bon gros dindonneau de la farce, ayant redonné une dignité à cette femme en endossant la perte d'une virginité qu'elle n'avait plus depuis fort longtemps.

Bref, le débonnaire Roubaud rentre dans une colère noire, bourrine la gueule de sa jeune épouse et décide qu'ils vont buter le président. Pour ce faire, il oblige Severine à rédiger une lettre, destinée à son tuteur, l'invitant à prendre le même train qu'elle et ravivant ainsi chez lui un certain espoir, lui qui était tout de même très déçu de ne pouvoir incessamment sous peu se vider à nouveau les couilles dans sa pseudo-fille adoptive.

Pendant ce temps, Jacques Lantier, mécanicien ferroviaire temporairement au chômage technique parce que sa chère locomotive, la Lison, est en réparation, en profite pour aller rendre visite à sa tante Phasie, garde-barrière avec son mari Misard et sa fille Flore, pile-poil à côté de la Croix-de-Maufras. Elle lui raconte en gros que sa fille cadette, Louisette, est récemment et brutalement décédée de vieillesse à 14 ans dans les bras de son ami le carrier Cabuche (qui bosse dans une carrière, pas qui a des dents pourries), après avoir été légèrement violée et battue par le président Grandmorin himself. Président Grandmorin chez qui la gamine était domestique, et dont la mort somme toute assez peu probablement naturelle a été joyeusement étouffée. Légèrement mal en point, elle explique également à son neveu qu'elle soupçonne son mari de l'empoisonner à petite dose car elle refuse de lui filer les mille balles d'héritage qu'elle a touchées à la mort de son père.

Rien au-delà : il la tuerait, il chercherait, c’était lui qui aurait l’argent.

Quel beau projet de vie !

Mais Jacques demeure assez dubitatif quant à aux aptitudes criminelles du Misard. Et pour couronner le tout, la Flore fait un rentre-dedans pas possible à notre mécano déficient congénital.

Ainsi, à la nuit tombée, Jacques décide de sortir se balader après avoir surpris le sympathique Misard en train de fouiller la baraque en quête du pognon caché (ce qui le fait douter mais pas trop). Dans les jardins de la Croix-de-Maufras quelque peu à l'abandon depuis l'affaire de la Louisette, il tombe sur Flore, venue piquer des cordes. S'ensuit la fameuse parade nuptiale des cheminots lors de laquelle la femelle, après avoir signifié au mâle son envie de s'accoupler, se rétracte subitement pour ensuite le poursuivre à nouveau de ses ardeurs tandis que le mâle s'enfuit en courant. Sauf que si ce mâle-ci fuit, c'est que le désir sexuel a sur lui des effets secondaires tout à fait étonnants (et pour le moins inacceptables socialement). Comme l'envie subite et irrépressible d'éviscérer la femelle par exemple.

Et alors que Jacques court comme un dératé le long de la voie ferrée en poussant de petits cris suraigus et en agitant frénétiquement ses avant-bras dans le but ultime de réfréner ses pulsions, il est témoin du meurtre du président Grandmorin dans le train reliant Paris au Havre roulant à fond de blinde. Enfin il voit surtout pas grand-chose si ce n'est un type plutôt petit en train d'en égorger un autre plutôt vieux avec une masse pesant sur ses jambes qui pourrait aussi bien être une couverture qu'une troisième personne. L'assassin balançant ensuite le corps par dessus bord, Jacques se retrouve à veiller le cadavre en attendant les flics aux côtés de Flore.

Et comme Jacques est à peu près aussi concon que Severine, quand on lui demandera s'il a vu quelque chose, au lieu de fermer sa grosse gueule, il répondra oui.

Du coup et alors qu'il n'avait lui-même que des soupçons induits par leur comportement et non par ce qu'il avait réellement vu et aucune certitude quant aux coupables du meurtre, les Roubaud vont tenter d'acheter son silence avec la seule monnaie d'échange qu'il ont en leur possession : le charme de Severine.

Elle ne l’aimait point, elle ne pensait pas même à cela. Simplement, elle s’efforçait de faire de lui sa chose, pour n’avoir plus à le craindre. 

Severine qui, prise à son propre piège, finit par tomber sous celui de Jacques pendant que le mari, anciennement jaloux au point de tuer l'homme qui avait défloré (et un petit peu violé) sa femme, ferme les yeux. À moins que ce ne fût que pour venger son propre honneur finalement, n'étant pas Emad dans LE CLIENT d'Ashgar Farhadi qui veut... J't'en foutrais du chevaleresque !

Parallèlement Roubaud se lance corps et âme dans le piquet...

Ce n’était pas qu’il jouât gros jeu, mais une déveine le poursuivait, si constante, si noire, que les petites pertes de chaque jour, additionnées, arrivaient à se chiffrer par de grosses sommes.

Ça, c'est du Zola...

... jeu de cartes dans lequel il engloutit peu à peu l'argent qu'ils avaient volé sur le président le soir du meurtre pour faire croire à un crime crapuleux et auquel il s'était promis de ne jamais toucher.

L’idée des neuf billets qui dormaient là, sous le parquet de la salle à manger, tournait chez lui à une obsession de chaque minute : il les voyait à travers le bois, il les sentait chauffer ses semelles. Dire que, s’il avait voulu, il en aurait pris un encore ! Mais, c’était bien juré cette fois, il aurait plutôt mis sa main dans le feu que de fouiller de nouveau. Et, un soir, comme Séverine s’était endormie de bonne heure, il souleva la frise, cédant avec rage, éperdu d’une telle tristesse, que ses yeux s’emplissaient de larmes. A quoi bon résister ainsi ? ce ne serait que de la souffrance inutile, car il comprenait qu’il les prendrait maintenant jusqu’au dernier, un à un.

De l'annihilation de toute forme de volonté, tout pareil que quand t'es au régime et qu'il y a un truc vachement bon mais interdit dans le frigo.

Du coup, Severine va avoir quelques menues velléités malveillantes à l'encontre de son mari et demandera à Jacques de le buter.

Pendant huit jours, elle caressa un projet de fuite : elle partait avec Jacques, ils se cachaient en Belgique, ils s’y installaient en jeune ménage laborieux. Mais elle ne lui en parla même pas, tout de suite des empêchements s’étaient produits, l’irrégularité de la situation, le tremblement continuel où ils seraient, surtout l’ennui de laisser à son mari sa fortune, l’argent, la Croix-de-Maufras. 

"Surtout"... Bon ben, à partir de là, on peut sérieusement prédire que ça va puer du cul pour son avenir radieux...

C’était, en elle, un besoin grandissant d’avoir Jacques à elle, tout à elle, de vivre ensemble, les jours, les nuits, sans jamais plus se quitter.

Bien essayé mais non, Severine, on a lu le passage précédent et tu n'as pas le cœur pur ! Et pis en plus t'es aussi courgette que Christine dans L'ŒUVRE.

Mais Jacques renonce une première fois à la dernière seconde parce que, voyez-vous, tuer, ok, mais pas un homme. Et ce même si la mort de cet homme en particulier lui permettrait d'hériter officiellement de Severine et de la maison de la Croix-de-Maufras (que le cynisme un brin degueulasse de Grandmorin avait donc poussé à léguer à son ancienne petite toy girl) et donc de s'enfuir avec elle en Amérique avec l'argent de la vente de la-dite baraque.

Mais non ! Ça ne l'intéresse pas le Jacques ! Il n'est pas comme ça ! Parce que depuis que Severine lui a avoué les détails de la nuit du meurtre auquel elle a participé, il n'a qu'une seule idée en tête : trucider une femme. Et ça l'obsède tellement qu'il ne peut plus la baiser que dans le noir, la simple vue de sa peau nue lui donnant des envies de la découper en tranches.

Et comme Severine ne s'est pas arrangée depuis le début du roman niveau compréhension psychologique des mecs avec qui elle couche, elle va se pavaner à moitié à poil devant lui dans la chambre de la Croix-de-Maufras où elle est censée attendre l'arrivée de son mari, pour que Jacques, planqué, le poignarde et le foute ensuite sur les rails pour faire croire à un suicide ou à un accident. Mais elle prend le trouble de son amant pour du désir. Alors, sure de son pouvoir d'attraction et ayant encore un bon quart d'heure à tuer, elle en remet un grosse couchasse bien velue. Du coup Jacques se saisit du couteau (celui-là-même qu'elle avait offert à son mari au début et qui avait précédemment servi au premier assassinat) et la tue, elle (pas le quart d'heure, du coup). Parce que Severine, elle n'avait pas bien compris que quand un homme lui dit "non", c'est "non". Pas "oui", ni "peut-être".

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Si tu laisses quelqu'un
Prendre en main ton destin
C'est la fin...

Voila : elle aurait écouté Jean-Louis cette conne de Severine, elle en serait pas là aujourd'hui ! Bon, elle serait morte de toutes façons parce que c'est pas Moïse mais peut-être pas comme ça.

Et après Jacques s'enfuit en courant parce que c'est un truc qu'il sait vachement bien faire.

Pendant ce temps, le spécialiste en soins palliatifs depuis la mort de la Louisette (et secrètement amoureux de Severine) Cabuche, qui passait par là, tout occupé qu'il était à tranquillement essayer de stalker l'élue de son cœur, voyant un type détaler comme un lapereau furtif, décide de pénétrer dans la baraque et se précipite à l'étage. Là, découvrant la femme qu'il aime lamentablement répandue dans une mare de sang sur le parquet et voulant lui rendre un semblant de dignité, il va la porter sur le lit pour couvrir d'un drap son corps quasiment nu, s'en foutant plein partout par la même occasion, histoire d'être bien sûr de passer pour l'assassin, déjà que, le hasard faisant incroyablement bien les choses, c'était lui qui était dans le collimateur de la justice lors de l'assassinat du président Grandmorin (la description du présumé coupable inventée par Roubaud collant parfaitement au profil du carrier qu'il ne connaissait même pas)... Et qu'en plus, on retrouvera chez lui tout une petite collection d'objets piqués à Severine, dont la montre du vieil homme que les Roubaud avait prise sur son cadavre.

Parce que comme ça ressemblait quand même vachement à un vol qui aurait mal tourné, cette première affaire, elle avait été étouffée à la demande du secrétaire général du ministère de la justice, M. Camy-Lamotte, un pote de Grandmorin. En effet, les Roubaud étant soupçonnés du crime pour pouvoir hériter plus rapidement de la maison de La Croix-de-Maufras, le mari avait décidé d'envoyer sa femme pour se justifier, demander la protection du bonhomme et sonder le terrain pour savoir s'il avait trouvé, en même temps que le testament, l'invitation qu'elle avait envoyée à son protecteur-violeur :

Des gens comme nous ne tuent pas pour de l’argent. Il aurait fallu un autre motif, et il n’y en avait pas, de motif.

Oh ben oui, t'as raison Severine, tends carrément le bâton pour te faire savater la gueule !

Sauf que le type l'avait bel et bien découverte cette lettre et qu'en plus il était parfaitement au courant du goût de son ami pour les très jeunes filles (ça s'appelle "se jeter dans la gueule du loup"). Acquérant ainsi la certitude de l'identité des coupables, et pas tout à fait indifférent au charme de la jeune femme non plus, il comprend que pour éviter un scandale, il vaudrait peut-être mieux classer tout ce bordel.

Du coup, avec la mort de Severine, le juge M. Denizet, qui avait suivi les recommandations du pote de Grandmorin, réussit avec la plus grande sincérité mêlée d'une très haute opinion de lui-même et de ses capacités de déduction, à relier les deux affaires tout en sauvegardant les apparences : Roubaud aurait donc payé Cabuche pour assassiner Grandmorin (grâce à la somme dérobée a posteriori sur le corps), dans le but de toucher l'héritage (dont il n'avait pas connaissance), puis Severine, qui aurait refusé de vendre la maison par crainte que son mari ne bouffe tout au jeu. Et Roubaud et Cabuche se retrouvent ainsi condamnés aux travaux forcés à vie.

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

À coté de ça, durant l'hiver précédent, le train conduit par Jacques et son ami Pecqueux (entre autres) s'était retrouvé coincé par la neige à quelques encablures de la maison des gardes-barrière. Toujours amoureuse de Jacques et regrettant de l'avoir refoulé, toute persuadée que c'est cela qui l'avait fait fuir lors de leurs ébats avortés sur le perron de la Croix-de-Maufras, Flore surprend Jacques et Severine en train de se rouler discrètement une galoche à l'écart des naufragés du rail qu'elle accueillait chez elle.

Parallèlement, après avoir foutu de la mort-aux-rats dans le sel que la Tante Phasie consommait en quantité puis dans les lavements qu'elle utilisait pour se purifier de ce même sel qu'elle soupçonnait d'être empoisonné, Misard réussit à avoir raison de sa femme qui emportera ses mille francs dans la tombe (et il se remariera avec la première connasse venue qui lui fera croire qu'elle connaît la cachette... Karma is a bitch !).

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Et c'est ce jour-là que, ayant repéré que Severine se trouvait dans le train de son amant tous les vendredis, Flore décide de les tuer en faisant dérailler la Lison grâce à la charrette chargée de blocs de pierre de Cabuche (le pauvre carrier, décidément dans tous les bons plans, lui ayant confié sa cargaison pour aller rendre un dernier hommage au corps de sa mère).

Le fourgon de tête se trouvait bondé de bagages, car le train, très chargé, amenait tout un arrivage de voyageurs, débarqués la veille d’un paquebot.

Forcément.

Sauf qu'il y aura beaucoup de morts : des gens, la Lison, des chevaux...

Et le déblaiement commençait à peine, on ramassait une nouvelle victime sous chaque décombre, le tas ne semblait pas diminuer, tout ruisselant et palpitant de cette boucherie humaine.

Mais ni Jacques, ni Severine. Et que Flore se rendra bien compte dans le regard épouvanté de Jacques qu'il l'a vue bloquer la charrette au milieu des voies. Du coup, Flore décidera de se battre en duel avec un train lancé à grande vitesse. Et elle perdra. La tête et la vie.

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Bien que pas tout à fait guéri...

Dès qu’il se serait repu, après quelques semaines de torpeur, sa faim effroyable se réveillerait, il lui faudrait sans cesse de la chair de femme pour la satisfaire. Même, à présent, il n’avait pas besoin de la voir, cette chair de séduction : rien qu’à la sentir tiède dans ses bras, il cédait au rut du crime, en mâle farouche qui éventre les femelles. 

Voire pas du tout.

... Jacques, enfin, après avoir assouvi ses pulsions meurtrières et magistralement chialé sa race au procès des assassins de la femme qu'il aimait et qu'il a lui-même égorgée, trouvera la paix et le réconfort auprès de Philomene, la maîtresse de son pote et chauffeur Pecqueux (celui qui balance le charbon dans la loco). Sauf qu'en terme de partage de gonzesse, le Pecqueux n'est pas prêteur (contrairement à Roubaud) et qu'il ne prend que très moyennement bien cette liaison. Alors il décide de le balancer hors du train en marche. Sauf que, dans la bagarre, ils tombent tous les deux, transformés ensemble et pour l'éternité en un gros steak tartare humain, exactement comme la vache dont sa tante Phasie lui avait parlé au tout début du bouquin.

En écoutant, Jacques continuait à suivre des yeux le fardier, qui, maintenant, traversait la voie. Mais les roues s’embarrassèrent dans les rails, il fallut que le conducteur fît claquer son fouet, tandis que Flore elle-même criait, excitant les chevaux.
– Fichtre ! déclara le jeune homme, il ne faudrait pas qu’un train arrive… Il y en aurait une, de marmelade !
– Oh ! pas de danger, reprit tante Phasie. Flore est drôle des fois, mais elle connaît son affaire, elle ouvre l’œil… Dieu merci, voici cinq ans que nous n’avons pas eu d’accident. Autrefois, un homme a été coupé. Nous autres, nous n’avons encore eu qu’une vache, qui a manqué de faire dérailler un train. Ah ! la pauvre bête ! on a retrouvé le corps ici et la tête là-bas, près du tunnel… Avec Flore, on peut dormir sur ses deux oreilles.

Une prophétie auto réalisatrice que ça s'appelle... Ou un double auto-spoile.

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Bref, pas besoin de psychanalyse pour permettre à Zola de dépeindre avec justesse la complexité de l'âme humaine (et la connerie de ses agissements).

(...) ce tourment de l’homme, menacé d’une catastrophe, qui finit par souhaiter ardemment qu’elle éclate.

Ce n’était, d’ailleurs, pas même un repentir, une désillusion au plus, l’idée qu’on fait souvent des choses inavouables pour être heureux, sans le devenir davantage.

(...) dans la passion naissante dont il était envahi, sans défense, en être tendre et borné, en bon chien qui se donne dès la première caresse.

(...) Misard, en effet, venait de retomber à son flegme, d’une douceur sournoise d’être fragile qui craint les chocs.

Et pas besoin de SF non plus pour que le bonhomme ne se montre visionnaire...

Bien sûr que la terre entière passait là, pas des Français seulement, des étrangers aussi, des gens venus des contrées les plus lointaines, puisque personne maintenant ne pouvait rester chez soi, et que tous les peuples, comme on disait, n’en feraient bientôt plus qu’un seul.

... ni qu'il prédise la fin du Second Empire ou qu'il produise de puissantes descriptions anthropomorphes de la locomotive (comme celles du Voreux dans GERMINAL), à l'esthétique parfois à la limite du steampunk mêlée d'un matiérisme quasi Burtonien dans la fusion du métal et de la chair...

La pauvre Lison n’en avait plus que pour quelques minutes. Elle se refroidissait, les braises de son foyer tombaient en cendre, le souffle qui s’était échappé si violemment de ses flancs ouverts, s’achevait en une petite plainte d’enfant qui pleure. Souillée de terre et de bave, elle toujours si luisante, vautrée sur le dos, dans une mare noire de charbon, elle avait la fin tragique d’une bête de luxe qu’un accident foudroie en pleine rue. Un instant, on avait pu voir, par ses entrailles crevées, fonctionner ses organes, les pistons battre comme deux cœurs jumeaux, la vapeur circuler dans les tiroirs comme le sang de ses veines ; mais, pareilles à des bras convulsifs, les bielles n’avaient plus que des tressaillements, les révoltes dernières de la vie ; et son âme s’en allait avec la force qui la faisait vivante, cette haleine immense dont elle ne parvenait pas à se vider toute. La géante éventrée s’apaisa encore, s’endormit peu à peu d’un sommeil très doux, finit par se taire. Elle était morte. 

Et, c’était vrai, il l’aimait d’amour, sa machine, depuis quatre ans qu’il la conduisait. Il en avait mené d’autres, des dociles et des rétives, des courageuses et des fainéantes ; il n’ignorait point que chacune avait son caractère, que beaucoup ne valaient pas grand’chose, comme on dit des femmes de chair et d’os ; de sorte que, s’il l’aimait celle-là, c’était en vérité qu’elle avait des qualités rares de brave femme. Elle était douce, obéissante, facile au démarrage, d’une marche régulière et continue, grâce à sa bonne vaporisation.

Parfois un petit peu trop féministe aussi.

Comme toujours, le sujet social est ici un prétexte à une formidable aventure humaine, un peu comme une émission de télé réalité avec enfermement, avec de l'égoïsme, de l'égocentrisme, du mépris, du peu de valeur accordé à l'autre et à la vie, du paraître, de l'envie, de la médisance, de la cupidité, du calcul, de la mesquinerie et de la bassesse en veux-tu, en voilà !

LA BÊTE HUMAINE d'Emile Zola [résumé]

Et l'aventure humaine est, avec le juge Denizet, figure de l'opinion publique qui se forge une intime conviction sur les apparences sans chercher à comprendre le cheminement psychologique profond des acteurs du crime, et la peinture de cette justice inégalitaire corrompue jusqu'à la moelle...

Heureusement que la situation de mon frère le mettait au-dessus de tout soupçon.

La sœur du vieux lubrique.

... un prétexte à une virulente dénonciation des déviances bien gerbantes de la société française (de l'époque, évidemment).

Il y avait bien Cabuche ; mais, si celui-ci n’avait pas trempé dans le premier meurtre, il semblait être réellement l’auteur du second. Puis, mon Dieu ! la justice, quelle illusion dernière ! Vouloir être juste, n’était-ce pas un leurre, quand la vérité est si obstruée de broussailles ? Il valait mieux être sage, étayer d’un coup d’épaule cette société finissante qui menaçait ruine.

M. Camy-Lamotte, secrétaire général du ministère de la justice.

Dans tout le personnel de la Compagnie, un cri de réprobation s’était élevé, on plaignait les malheureuses victimes, cette pauvre jeune femme dont la faute avait tant d’excuses, ce vieillard si honorable, aujourd’hui lavé des vilaines histoires qui couraient sur son compte.

Sagesse populaire.

Enfin, il y a aussi toujours cette construction parabolique, ainsi que ce moment où tout bascule et tout se casse, de façon aussi inéluctable qu'irréversible. Et puis ce genre de descriptions qui font qu'on est dedans...

(...) mais, au-delà, le vaste pan de ciel sur lequel elle ouvrait, flambait déjà d’un incendie de rayons ; tandis que l’horizon entier devenait rose, d’une netteté vive de détails, dans cet air pur d’un beau matin d’hiver.

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