13 Avril 2019
Il était une fois un tout petit rat microscopique qui vivait dans un nid minuscule perché tout en haut d’un vulgaire épi de blé. Ou bien, il était une fois un rat de taille tout à fait honorable qui vivait dans un nid parfaitement idoine perché tout en haut d’un énoooorme épi de blé, dû à la présence, juste à côté du champs dans lequel il se trouvait, d’une centrale nucléaire dont le réacteur de première génération avait une légère tendance à la fuite.
Non mais vous avez vu la taille de ce rat ? Vous imaginez celle de l’épi de blé en haut duquel il a élu domicile ?!? (Quoi « la perspective » ?)
Par un beau jour d’été, le rat champêtre mais néanmoins connecté décida d’inviter son cousin qui vivait dans la ville voisine en lui adressant un pigeon voyageur, une lettre, un mail, un message sur WhatsApp et des signaux de fumée (il tenait visiblement beaucoup à sa venue).
Ce dernier fut ravi de venir prendre l’air de la campagne et s’émerveilla du charme bucolique environnant. Cependant, comme c’était tout de même un gros con de citadin en goguette qui ne maîtrisait à l’évidence aucun forme de respect des règles les plus élémentaires de politesse, il ne tarda pas à chougner et à se plaindre de la frugalité et du manque de sophistication du repas qui lui avait pourtant été préparé et servi avec amour.
Comme son style de vie était évidemment bien meilleur que celui de son cousin et que bouffer de la céréale ça va bien deux minutes, il décida de lui rendre l’invitation pour lui montrer ce que c’était que de vivre pour du vrai et de l’écraser de toute sa supériorité urbaine.
Rendez-vous fut donc pris pour le week-end suivant parce que les deux rats avaient sans doute trop de boulot en semaine. L’idée de cette future visite enthousiasmait tout plein le rat provincial, désireux d’enfin voir la grande ville.
Il fut d’ailleurs accueilli avec beaucoup d’égard chez son cousin, qui infestait la demeure d’un riche marchand.
Il le mena tout d’abord dans le placard de la cuisine. Derrière des jarres en grès, ils découvrirent un pain de sucre blanc dont le rat de ville déchira l’emballage en papier de ses petites dents, contaminant d’ores et déjà la pitance de toute la maisonnée. Ils s’attelèrent ensuite à le boulotter goulûment : le rat des champs n’avait jamais rien gouté d’aussi bon ou en tout cas d’aussi... sucré. Mais avant qu’il ne fasse le premier comas diabétique de sa vie, la porte du placard s’ouvrit brusquement : c’était la cuisinière qui venait chercher de la farine !
Les deux rats décampèrent prestement par le petit trou au fond du placard qui leur avait permis d’y accéder et le rat de ville expliqua à son cousin, tremblant par la trouille et l’élévation brutale et inhabituelle de sa glycémie, qu’ils reviendraient plus tard lorsque l’intruse serait partie. Mais même si le petit rat des champs était moyennement partant pour retenter l’expérience, ils retournèrent dans le placard de la cuisine.
Ils y découvrirent un bocal rempli de pruneaux. Ils parvinrent à en extraire un de leurs petites pattes habiles et nuisibles et s’attelèrent ensuite à le boulotter goulûment : le rat des champs n’avait jamais rien gouté d’aussi bon depuis sa récente expérience avec le sucre pur. Mais avant qu’ils n’aient eu le temps de choper une chiasse carabinée, ils entendirent un miaulement sournois : aussi surprenant que cela puisse paraître, c’était le chat !
Les deux rats décampèrent prestement par le petit trou au fond du placard qui leur avait permis d’y accéder et le rat de ville expliqua à son cousin, tremblant par la trouille et l’accélération brutale de sa digestion due aux fameuses propriétés du fruit sec, qu’ils reviendraient plus tard lorsque l’intrus serait parti. Mais le petit rat des champs était à présent carrément moyennement partant pour retenter l’expérience. Alors son cousin lui proposa plutôt de descendre à la cave.
Ils y découvrirent moult victuailles plus appétissantes les unes que les autres : des fromages, des viandes, des charcuteries... Le rat des champs courait en tout sens, boulottant un peu de chaque chose de ci de là, histoire d’être bien certain d’avoir souillé toutes les denrées du marchand, jusqu’à ce qu’il tombe sur un bout de lard accroché à une drôle de petite machine. Mais avant qu’il n’ait eu le temps de se faire exploser les cervicales, son cousin le stoppa : la machine en question n’était autre qu’une tapette à souris !
Le rat de ville lui en expliqua le fonctionnement et le rat des champs, tremblant par la trouille et l’éclatement brutal d’un de ses reins dû à une surconsommation soudaine de protéines animales, décida de rentrer immédiatement chez lui, désormais convaincu qu’il valait mieux manger moins, moins transformé, plus sain, plus naturel et surtout sans flipper sa mère à chaque instant... parce qu’il n’existe aucun risque, danger, prédateur, piège ou serial killer à la campagne, c’est bien connu.
Cela-dit, le rat de ville eut un déclic : sentant bien qu’il y avait là une manne financière à exploiter, il décida de proposer à son cousin de s’associer tout en conservant leurs modes de vie : l’un fournirait simplement les provisions locales et éco-responsables tandis que, fort d’une certaine expérience dans la vente à force de squatter la maison d’un marchand, l’autre s’occuperait de les écouler. Ils ouvrirent ainsi le premier d’une longue série de magasins bio.
C’est bio pour la santé.