14 Février 2016
Quand il n'est pas occupé à persécuter Franck Sharko ou Lucie Hennebelle (ou les deux), Franck Thilliez écrit aussi des romans-récrés. En effet, ces histoires-là ne pourraient pas vraiment cadrer avec les aventures de ses deux souffre-douleur préférés. Car au final, il n'y a guère que L'ANNEAU DE MOEBIUS qui mette en scène un policier. Mais il s'en donne à cœur joie en multipliant les univers et les références. Trailers :
Tout d'abord, il y a LA FORÊT DES OMBRES et son ambiance intimiste et complètement étouffante :
Un riche inconnu offre une importante rétribution et l'opportunité à David, un jeune écrivain, de cesser de travailler afin qu'il puisse se consacrer pleinement à l'écriture de son second roman...
À quelques conditions : le héros de son récit devra être un tueur en série qui a véritablement existé et David devra venir s'installer avec femme et enfant dans un chalet paumé au fin fond du trou du cul de la Forêt Noire afin d'accomplir sa mission...
L'auteur nous entraîne ici dans un suspens à la Stephen King (plutôt période MISERY que RUNNING MAN ou DOCTEUR SLEEP) avec un huis clos angoissant et des gens coupés du monde au beau milieu de la neige.
Un véritable bijou de sadisme et de cruauté.
Dans L'ANNEAU DE MOEBIUS, nous retrouvons une enquête tintée, pour une fois, de paranormal (si tant est que les rêves prémonitoires puissent être considérés comme tel) :
D'un côté nous avons Stephane, maquilleur et prothésiste pour le cinéma d'horreur, qui va tenter de déjouer le cours du destin qu'il a pu entrevoir au travers de ses prémonitions.
De l'autre il y a Victor, un jeune flic qui va enquêter dans l'univers du commerce sexuel lié aux malformations corporelles.
Et comme ils sont dans le même livre, les trajectoires de ces deux hommes que tout oppose (selon l'expression consacrée) vont forcément se croiser (sinon c'est un peu con... Mais ça pourrait être une idée).
Franck Thilliez nous parle donc de prémonitions, de course contre la mort (comme dans la franchise DESTINATION FINALE, mais sans carnage), de dimensions parallèles (comme Nolan dans INTERSTELLAR, mais sans astronaute), d'effet papillon (comme dans RETOUR VERS LE FUTUR, mais sans Delorean), de souffrance et de monstruosité (comme dans ELEPHANT MAN, mais sans cirque), d'espace-temps (comme Bill Murray dans UN JOUR SANS FIN, mais sans marmotte), le tout dans un roman vertigineux et déroutant où il faut sérieusement s'accrocher aux branches pour ne pas se retrouver paumé.
Et puis il y a la métaphore du ruban de Möbius qui est tout aussi fascinante que celle de la spirale de Bernoulli dans LA MÉMOIRE FANTÔME.
Dans FRACTURES, on abandonne de nouveau le monde de la police pour se plonger à corps et âme perdus (oui c'est un mix d'expressions) dans les méandres du psychisme humain :
Pourquoi Alice s'est-elle enfuie de sa séance de psychothérapie expérimentale avec le docteur Luc Graham au CNRS ? Pourquoi son père, ex-reporter rentré passablement traumatisé du massacre de Sabra et Chatila, s'est-il infligé des coups de couteaux ? Qui est cet homme retrouvé nu et catatonique à un arrêt de bus ? Pourquoi est-ce Julie, une assistante sociale, qui mène l'enquête ? Quel est le lien qui unit tous ces personnages ? Et surtout, pourquoi tant de haine ?
Un roman qui traite du SPT, de la vengeance, des mensonges de famille, des désordres psychologiques que peuvent parfois occasionner les personnalités multiples (mais c'est rare hein, en général les schizophrènes sont des gens parfaitement équilibrés) et où, parallèlement, on a la confirmation que l'auteur a un léger problème avec les jumeaux.
Dans VERTIGE, nous repartons dans un huis clos (qui n'est pas sans rappeler le jeu de massacre sordide de la série des films SAW) rapporté à la première personne :
Un gouffre, trois inconnus (Jonathan, le narrateur, Farid et Michel), trois inscriptions énigmatiques, trois façons d'être prisonnier (l'un est entravé par une chaîne au niveau de la cheville, l'autre au niveau du poignet et le dernier porte un masque de fer qui lui dégommera la tronche s'il s'éloigne), et Pokhara, le chien de Jonathan (qui, quant à lui porte déjà un nom qui ressemble étrangement à celui d'un grand troubadour de notre temps et c'est une référence suffisamment dure comme ça pour en rajouter).
Pour quelles raisons sont-ils arrivés là ? Pourquoi eux ? Qui sera le menteur ? Qui sera le voleur ? Qui sera le tueur ?
Ce thriller effroyable parle de secret, d'expiation forcée implacablement cruelle, de lâcheté humaine, de folie... Et aussi que des fois, tu crois manger un truc moche et ben c'est encore plus moche que ce que tu avais prévu.
Et dans PUZZLE, deux anciens amoureux vont enfin pouvoir vivre pleinement leur bonheur et avoir beaucoup d'enfants, dans la joie, l'allégresse, les petits oiseaux, les petites fleurs, les licornes et les papillons. Mais comme en fait, c'est toujours un thriller de Franck Thilliez ça va plutôt donner ça :
Ilan et Chloé se retrouvent pour participer à une chasse aux trésors, mais pas un truc tout pourrave pour les gamins : un vrai jeu dangereux pour adulte grandeur nature, avec de la torture et des coups de pression psychologiques en veux-tu en voilà.
Leur quête les mènera avec d'autres candidats plus ou moins flippés et plus ou moins flippants, dans un hôpital psychiatrique désaffecté en plein cœur des Alpes (complètement flippant lui par contre).
D'excellents thrillers, parfaitement maîtrisés, incroyablement agréables à lire même si on s'auto-spoile parfois et malgré la dureté de leurs propos, l'âpreté des situations, l'effroi des décors ou l'horreur des personnages... Ce qui, il faut l'admettre, confine tout de même beaucoup au masochisme.