9 Octobre 2018
Il était une fois deux jeunes enfants, un frère et une sœur. Le garçon se nommait Hansel et la fille, Gretel. Ils n’étaient pas jumeaux mais pas loin. Tellement pas loin d’ailleurs qu’il était impossible de dire qui était l’aîné. Enfin à part peut-être leur mère mais comme elle n’est pas dans le livre, nous allons être contraints d’apprendre à vivre avec cette terrible carence informative.
Alors morte ou partie acheter des clopes, l’histoire ne le précise pas non plus mais gageons plutôt sur la première solution, le divorce, la rupture de PACS ou la séparation à l’amiable n’étant pas encore bien rentrés dans les mœurs de l’époque.
Nos deux hypothétiques semi-orphelins vivaient donc dans une maison au milieu de la forêt avec leur père et leur belle-mère, la pute. Cette dernière, pragmatique, voyant les victuailles venir à manquer, proposa tout simplement à son époux d’aller paumer les deux mômes dans les bois histoire d’avoir deux bouches à nourrir et autant d’emmerdements en moins. Sauf que l’époux en question n’était pas franchement d’accord avec le projet. Cependant, la belle-mère lui présenta des arguments tellement convaincants que le père de famille, bourré d’endorphine et fourbu, finit par accepter.
Mais Hansel, qui souffrait d’insomnie et de somnambulisme avait tout entendu ! Écœuré par les feulements de plus en plus ostentatoires émis par son père, il sortit discrètement en pleine nuit pour éviter d’entendre des râles qui viendraient sans nul doute hanter ses nuits à jamais et empêcheraient le Hansel du futur d’avoir une sexualité normale et épanouie. Pas la moitié d’un con et titulaire d’un diplôme universitaire option anticipation des situations de merde, Hansel en profita quand même pour ramasser des petits cailloux blancs qui brillaient au clair de lune.
Et il eut bien fait, le bougre, car dès le lendemain, la belle-mère mit son plan à exécution : toute la famille recomposée partit dans la forêt pour ramasser du bois.
Arrivés dans une clairière correctement reculée, le père alluma un feu et la belle-mère distribua à chacun des enfants un morceau de pain avec pour consigne de ne le manger qu’à la mi-journée et d’attendre auprès du feu que les adultes revinssent.
Hansel et Gretel, dociles, obéissants et équipés d’une horloge interne particulièrement précise, attendirent sagement, mangèrent leur pain à midi tapante et s’endormirent près du feu grâce au puissant sédatif contenu dans la farine (Hansel étant, rappelons-le, insomniaque).
Ainsi, lorsqu’ils se réveillèrent, il faisait nuit noire... Gretel se mit à chialer et Hansel, après un petit moment de flottement nécessaire pour émerger, calmer la crise de l’autre hystérique à coups de bûches calcinées et se dire que « oh putain elle l’a fait, elle nous a abandonnés pour du vrai la salope », expliqua à sa sœur son contre-plan machiavélique. Ils attendirent que la lune soit levée, les petits cailloux blancs que le gamin avait semés tout le long du trajet se mirent à scintiller, ils les suivirent et retrouvèrent le chemin de leur tanière (louons le formidable coup de bol qui voulut que ce ne fût pas la nouvelle lune et qu’il ne fît pas un temps de merde).
À leur vue, leur père, démonstratif dans à-peu-près tous les domaines, éructa de joie car malgré le savoir-faire indéniable de sa femme, il était tout de même moyennement jouasse d’avoir abandonné ses gosses à une mort certaine... Tandis que leur belle-mère, cette sale raclure de menteuse hypocrite et infanticide, se mit à les pourrir copieusement d’avoir dû batifoler dans les bois pour rentrer à une heure si tardive, lui ayant ainsi causé une immense inquiétude.
Mais le bonheur fut de courte durée et les victuailles, qui n’avaient pas poussé comme par magie, manquaient toujours. Alors, lorsqu’Hansel entendit à nouveau les feulements caractéristiques paternels, il sut que le moment était venu d’aller chercher des petits cailloux. Malheureusement, la porte de la masure était fermée à clé ! Il dut donc se résoudre à subir le traumatisme auditif redouté, couché sur le dos, les mains sur les oreilles et les yeux écarquillés fixés au plafond.
Coup de moule, le lendemain matin la belle-mère décida de procéder à la distribution de pain avant le départ. Tout le long du chemin les menant à la clairière reculée, Hansel sema ainsi des miettes comme il l’avait fait avec les petits cailloux.
Là, rebelote, Hansel et Gretel mangèrent le pain partagé par Gretel à la mi-journée, sédatif, farine, dodo. Et, lorsqu’ils se réveillèrent, il faisait à nouveau nuit noire. Gretel se mit encore à chialer et Hansel, nettement moins surpris et donc beaucoup plus prompt à émerger, dut tout de même calmer la crise de l’autre hystérique à coups de bûches calcinées. Il lui expliqua ensuite son plan machiavélique parce que le fait qu’ils se fussent retrouvés dans la clairière avec un seul morceau de pain n’avait pas du tout mis la puce à l’oreille à sa geignarde de petite sœur. Ils attendirent que la lune soit levée mais malheureusement, les oiseaux avaient picoré les miettes de pains. Au lieu de suivre la route tracée au sol par les oiseaux morts ou tout du moins endormis puisque, rappelons-le, la farine contenait un puissant tranquillisant, Gretel, comme à son habitude, se remit à chialer et Hansel décida de tenter de retrouver leur chemin à l’aveugle. Sauf qu’ils tournèrent rapidement en rond et se paumèrent encore davantage.
Au bout d’un moment, ils aperçurent un grand oiseau blanc qu’ils décidèrent de suivre parce qu’ils n’avaient pas grand-chose d’autre à foutre. Et le volatile finit par se percher sur le toit d’une maison intégralement construite en sucreries, prouvant ainsi que le pain contenait non seulement des somnifères mais aussi du LSD.
Comme la fin justifie les moyens et qu’il est tout à fait admis de vandaliser la propriété d’autrui lorsqu’on a été abandonné dans une forêt et qu’on a la dalle, les deux enfants se mirent à boulotter des bouts de la baraque. Quand tout à coup, surgit une vieille en noir. Leur cœur manqua un battement ou deux mais la vieille femme les rassura et les invita à pénétrer dans la maison. Comme le subterfuge de la baraque comestible n’était pas suffisant pour les amadouer, elle leur servit un bon repas et leur prépara deux petits lits.
Mais le lendemain, la vile sorcière se montra sous son vrai jour (pourquoi avoir attendu le lendemain ? Allez savoir...) : elle chopa Hansel et l’enferma dans une cage dans la grange qui n’existait absolument pas la veille puis alla réveiller Gretel à coups de latte, qui, ô surprise, se mit à chialer.
Tandis que la sorcière passait ses journées à engraisser Hansel pour pouvoir le bouffer par la suite, la petite fille était condamnée aux travaux forcés ménagers (un peu carrément comme Cendrillon) et devait se contenter des restes de son frère.
Ainsi, chaque matin la vieille radasse s’en allait tâter l’enfant dans la grange pour vérifier l’évolution de sa corpulence. Sauf que le Hansel n’était toujours pas la moitié d’un faisan et qu’il avait trouvé la parade : la vieille ayant une très mauvaise vue, doux euphémisme pour dire « quasiment aveugle » (qui aurait d’ailleurs été un terme davantage approprié), il lui tendait systématiquement un petit bout d’os issu de la carcasse d’un quelconque animal mangé au début de sa captivité pour qu’elle crut qu’il était toujours aussi maigre et donc pas vraiment digne d’intérêt nutritionnel tant au niveau qualitatif que quantitatif.
Mais au bout d’un mois, la sorcière, répondant à l’appel de son cannibalisme dévorant, alluma le four et demanda à Gretel de s’y glisser afin de l’y faire rôtir sous le prétexte de la transformer en thermostat humain. Mais la petite fille, répondant quant à elle à un subit instinct de survie et se sentant incroyablement pousser des velléités de courage et d’astuce, se mit à jouer à la conne (rôle qu’après des années d’entraînement, elle tenait à la perfection) et la pria de lui montrer comment faire. La vieille, super vénère d’avoir à se traîner un boulet pareil se glissa dans le four mais la petite en referma et verrouilla prestement la porte, laissant la fourbe femme brûler vive.
Gretel alla ensuite libérer son frère, ils repassèrent par la maison de la sorcière qui, du fond de son four, poussait des hurlements de douleur avant de s’eteindre, 2h après sa mort. Ils remplirent ensuite leurs poches des pierreries que la torche humaine possédait en quantité industrielle et s’en retournèrent chez eux sans encombre, retrouvant tout à coup instinctivement leur chemin.
À leur vue, leur père éructa à nouveau de joie mais pas leur belle-mère, miraculeusement morte entre temps. L’histoire ne dit pas si c’est le bonhomme qui, pris de remords d’avoir abandonné ses gosses, avait fini par la buter pour se venger de l’y avoir forcé... Ou pour soulager sa conscience car c’est toujours nettement plus confortable de trouver un coupable à ses manquements plutôt que d’avouer sa propre lâcheté.
Ainsi, avec les pierres précieuses volées à la sorcière anthropophage, ils vécurent désormais heureux et dans l’opulence.
Et voilà comment, une nouvelle fois, on se retrouve avec des enfants vénaux qui butent un adulte pour lui piquer son pognon... À moins que, comme dans JACK ET LE HARICOT MAGIQUE, toute cette histoire ne soit que le fruit d’une overdose de barbituriques provoquée par l’absorption du pain de Gretel lors de la seconde tentative d’abandon et que le frère et la sœur ne soient en réalité morts paisiblement dans leur sommeil auprès du feu, dans la clairière reculée, leurs deux petits corps sans défense dévorés par la suite par des bêtes sauvages.