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LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES de Benjamin Renner et Patrick Imbert [critique]

LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES de Benjamin Renner et Patrick Imbert [critique]

Sous couvert d'une représentation théâtrale vaguement prétexte, interprétée et mise en scène par les principaux personnages des savoureuses histoires inventées et dessinées par Benjamin Renner, LE GRAND MECHANT RENARD ET AUTRES CONTES nous donne à voir trois courts métrages d'animation : UN BÉBÉ À LIVRER, LE GRAND MÉCHANT RENARD bien sûr, et IL FAUT SAUVER NOËL.

Dans la première partie du film, une cigogne un brin fumiste refourguera littéralement le bébé à un canard et un lapin à peine irresponsables, fort heureusement supervisés plus de force que de gré par un cochon grognon mais tout de même un poil plus mature.

Dans sa seconde partie, le film nous racontera donc l'histoire de ce grand méchant renard qui va se retrouver à couver des œufs volés à la poule qu'il est incapable d'attraper, puis flanqué de trois poussins qu'il était censé bouffer mais qui le prennent pour leur mère.

Enfin, dans une troisième partie, le canard et le lapin se donneront pour mission de remplacer le père Noël en plastique qu'ils pensent avoir tué pour distribuer les cadeaux aux enfants sous l'œil pour le moins incrédule du cochon.

LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES de Benjamin Renner et Patrick Imbert [critique]

C'est vrai qu'il ne faut jamais rédiger une chronique à chaud, qu'il faut prendre le temps du recul, de l'apaisement et des fleurs mais voilà, je suis déçue. Et triste aussi, un peu. Et parce que je suis déçue, je suis colère. Et je suis colère parce que je suis trahison !

Oui, je sais, le mot est fort, et il y a des choses plus graves dans la vie comme la guerre, la maladie, la famine et les housses de couette.

Mais je n'ai pas retrouvé dans cette adaptation du GRAND MÉCHANT RENARD ce qui m'avait tant plu et enthousiasmé dans la BD originelle.

Pourquoi avoir gommé l'irrévérence ? Pourquoi avoir édulcoré l'ensemble pour plaire aux gens qui n'iront surtout pas lire la BD ?...

J'explique.

Je te préviens, si tu fous encore le bordel, c'est toi qui range[s].

Le chien in LE GRAND MÉCHANT RENARD de Benjamin Renner.

Je te préviens, si tu mets (ou "fiches", mais pas "fous", ça c'est sûr) encore la pagaille [blablabla].

Le chien in LE GRAND MÉCHANT RENARD ET AUTRES CONTES de Patrick Imbert et Benjamin Renner.

Vous saisissez la nuance ? C'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup : Un adulte qui n'a pas été choqué par les propos tenus dans le livre le sera-t-il dans leur retranscription cinématographique exacte ? Sera-ce le cas d'un parent qui l'aura lu ou l'aura fait lire à son enfant ? Il y a des mots qui sont acceptables à l'écrit mais pas à l'oral ? C'est pas un peu l'inverse d'habitude ? Vous êtes bizarres les gens, quand même...

Bref, j'aurais donc aimé crier au génie. Parce que j'avais adoré la BD initiale (que ce soit LE GRAND MÉCHANT RENARD comme UN BÉBÉ À LIVRER) mais pas que :

Parce que d'un point de vue plastique, les dessins sont superbes, l'animation est top et on sent que ça a été fait par des gens passionnés et talentueux qui ont voulu respecter l'identité visuelle du livre.

Mais pourquoi en avoir dénaturé le ton et l'humour dans ce cas ? Car par conséquent, il manque indéniablement quelque chose à ce film. Ce petit grain de folie qui détonnait dans le paysage de la bande dessinée pour enfant, qui changeait des propositions un peu niaises que l'on retrouve souvent dans la littérature de jeunesse. Cette différence très "frenchy" que ne se permettront jamais les grands studios rouleaux compresseurs DISNEY-PIXAR-DREAMWORKS and CO. Y avait-il trop d'argent en jeu ? Fallait-il au fond rester moral, gentil et consensuel et plaire au plus grand nombre ?

C'est vrai que je prends surement les choses trop à cœur et que j'en attendais certainement beaucoup trop. Comme retrouver le dynamisme et l'esprit décalé de la BD, où ça parlait vrai, un peu comme dans MA VIE DE COURGETTE. Parce qu'il faut arrêter de prendre les enfants pour des cons et de croire qu'ils vivent dans une bulle de savon. Et surtout arrêter d'essayer de rentrer à tout prix dans une case, de tous faire la même chose en modifiant simplement la tonalité chromatique ou la technique picturale.

Parce qu'on ne retrouve pas non plus véritablement les enjeux sous-jacents du bouquin qui parlait de façon fort intelligente de famille, d'identité et de syndrome de Stockholm.

Alors on force sur le côté Cartoon avec plein de gags visuels qui raviront petits et grands et qui sont du reste très réussis, mais c'est dommage. Car même si je suis parfaitement consciente qu'une adaptation est une forme de transfiguration et qu'en cela, elle ne peut (et ne doit) pas être à 100% fidèle à l'œuvre de départ, on a franchement l'impression d'être devant une version "Canada Dry" du livre. Et on se retrouve face à une transposition qui a perdu de son âme, de sa saveur et aussi, justement, de son identité.

Et puis pourquoi nous infliger une introduction en forme de faux bonus-DVD-making-off avec l'interview par des mioches (très mignons, là n'est pas le problème) des différents acteurs de la création du film (producteur, auteur, directrice de casting, graphiste, décorateurs...), qui pourrait être a priori intéressante si elle ne daubait pas la fausse spontanéité dégueulasse "les enfants sont formidables" à plein nez ? Pourquoi si ce n'est pour récolter de petites têtes penchées de la part des parents attendris...

Oh ! comme c'est trop choupi !

Emoji *Petit coeur, arc-en-ciel, papillon, licorneau*

... Et surtout pour meubler histoire d'obtenir l'appellation long-métrage et de pouvoir être diffusé dans un plus grand nombre de salles ? Non parce qu'à part perdre d'emblée l'attention des plus jeunes, j'ai du mal à comprendre.

Et je ne parle même pas du troisième court métrage intitulé "Il faut sauver Noël" qui répète à de multiples reprises que le gros barbu n'existe pas, que c'est une histoire inventée pour les enfants, qui présente même un père de famille en train de se déguiser en off, certes pour mieux convertir les sceptiques à la fin mais qui demeure indubitablement casse-gueule pour les enfants petits qui ne se posent même pas la question de la non-existence du Père Noël !

Parce que tout ceci interroge tout de même velu sur le type de public-cible :

Vous faites le choix d'enlever les gros mots et les occurrences apparentées au registre vulgaire. Soit. Vous décidez donc de vous adresser à de très jeunes enfants, disons, de maternelle. Que vient donc faire cette putain de dernière partie alors ?!?

Vous faites le choix de vous adresser à des enfants un peu plus grands, disons, niveau école élémentaire. Pourquoi avoir choisi dans ce cas de modifier la démarche artistique de l'auteur d'utiliser un registre de langue pour le moins familier ?!? Pourquoi avoir zappé les répliques sarcastiques et cyniques du loup, l'avoir rendu aussi lisse ? C'est bien joli d'user de la méta-référence en utilisant l'intro de la caractérisation musicale du personnage dans PIERRE ET LE LOUP mais c'était pourtant pas bien compliqué de conserver l'originalité : les dialogues étaient déjà écrits, bordel !

LE LOUP, d'à peu près Serge Prokofiev et Benjamin Renner

Alors si comme moi vous êtes maso ou contradictoire (voire schizophrène), ça ne vous empêchera pas de kiffer malgré tout ce moment en famille (même si vous frôlerez peut-être vous aussi à la fin la tachycardie si vous êtes propriétaire de modèles encore crédules quant aux mythes et légendes liés à la nativité). Et l'ensemble livres + film reste un formidable support culturel d'étude en classe, au coeur d'un projet sur les contes traditionnels et leurs variations par exemple, en association avec d'autres détournements comme les livres audio réalisés par La Maison Du Son (qui ne lésinent pas non plus sur le langage et les situations trashounes). Quitte à en proposer une adaptation de fin d'année dans un registre encore plus soutenu (ou plus vulgaire, si vous voulez vraiment vous faire virer de l'éducation nationale).

Et puis mes enfants, bizarrement, ont complètement fait la part des choses entre les livres et le film comme des entités totalement indépendantes les unes des autres (à deux, trois détails près)... Preuve en est qu'ils sont nettement moins cons que leur mère et à croire que ça doit certainement venir de moi, que je ne suis sans doute pas très objective.

Mais en même temps, qu'est-ce qu'une critique sinon un avis personnel et individuel d'un être qui, en tant qu'être, ne peut être autre chose qu'il n'est, s'il n'explique pas lui-même son être ? (Vous avez trois heures).

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