30 Janvier 2018
Sur votre droite Erica, auteure de polars à succès basés sur des faits réels. Faut dire que le bled suédois où elle vit est une source inépuisable d’inspiration tant son nombre de crimes et de psychopathes au kilomètre carré force le respect. Et la voilà justement dans son habitat naturel en train d’écrire son nouveau bouquin sur l’affaire Stella, quatre ans, retrouvée assassinée dans la forêt à côté de la ferme de ses parents 30 ans auparavant.
Sur votre gauche, Helen et Marie, 13 ans à l’époque, baby-sitters de la gamine qui avaient avoué son meurtre avant de se rétracter mais déclarées coupables quand même.
Sur votre autre droite Nea, quatre ans, qui habite dans la ferme où vivait Stella et qui a disparu pile-poil lorsque Marie, devenue star hollywoodienne et mère célibataire de Jessie, une ado évidemment grassouillette, revient pour la première fois depuis les faits dans la ville de son enfance pour tourner un biopic sur Ingrid Bergman.
Sur votre autre gauche Helen, la quarantaine elle aussi à présent, retournée vivre depuis son mariage, dès ses 18 piges, avec un pote militaire de son père, dans l’ancienne maison de ses parents juste à côté des lieux du drame et mère de Sam, un ado gothique et aussi persécuté par ses camarades de classe que Jessie.
Sur votre autre, autre droite Sanna, grande sœur de Stella et mère de Vendela, ado populaire du bahut et persécutrice en chef de Sam avec ses copains Nils et Basse.
Sur votre autre, autre gauche Leif, inspecteur de police au nom alternatif chargé de l’enquête sur la mort de Stella et retrouvé suicidé il y a moult alors qu’il s’était mis à douter de la culpabilité d’Helen et Marie.
Et puis ça et là, un camp de réfugiés syriens, boucs émissaires tout désignés histoire de cristalliser la haine sur une bonne grosse (et dramatique) fausse piste, la sœur d’Erica, Anna, enceinte jusqu’aux yeux et pleine de cachoteries cachotières, la préparation du mariage de la mère de Patrick, son collègue Martin qui essaie tant bien que mal de se remettre sur le marché, et surtout, surtout, Elin, jeune veuve embauchée comme larbine avec sa fille par sa (très) méchante sœur Britta (oui, comme les carafes) mariée au pasteur local, et qui va se la jouer Jacques de Molay, mais en 1672.
Point de nazis encore cette fois-ci mais Camilla renoue tout de même avec une de ses deux plus grandes passions : les enfants morts.
Alors outre la quête principale bien foutue mais relativement prévisible (moins que celle du GARDIEN DE PHARE quand même), il y a toujours ces fameuses quêtes secondaires qui foutent copieusement les boules, avec un bon gros potentiel de chiale selon la sensibilité à l’injustice de chacun. L’apothéose étant atteinte avec les malheurs de Jessie et ceux du passé très très lointain (le plus lointain il me semble puisqu’il prend vie au XVIIème siècle) que l’on voit eux aussi venir mais qui donnent dans les deux cas envie de hurler au personnage d’arrêter d’être aussi crédule et de faire des choix merdiques.
Bon, c’est vrai qu’il y a aussi des éléments pas très subtils comme « La politique migratoire manichéenne pour les Nuls », une tentative un peu désespérée, un peu artificielle (pour une fois) et un peu vaine de raccorder in extremis l’histoire d’Elin à celle du présent, le militaire autoritaire, intolérant, intransigeant et homophobe dont on voit le lourd secret à des kilomètres tant il brille de mille feux, ou la star de cinéma égocentrique, nymphomane, superficielle, méprisante envers le physique ingrat de sa fille imparfaite et absolument pas concernée par son rôle de mère...
Camilla utilise donc tous ses personnages et ses situations plus ou moins stéréotypés pour nous parler REINE DES NEIGES (décidément), naïveté, espoir, cruauté, homosexualité refoulée, karma pourri tant le sort semble parfois s’acharner, et conséquences du harcèlement scolaire chez les adolescents, ce merveilleux âge épouvantable de merde, qui était déjà pas mal auparavant et qui a pourtant fait encore plein de progrès grâce aux smartphone et aux réseaux sociaux : maintenant les humiliations sont postées directement sur internet et disponibles partout, tout le temps et pour toujours. C’est chouette !
Et elle utilise beaucoup le mot « chantourné » aussi.
Mais pourtant, même si au bout de 10 tomes des aventures d'Erica et Patoche il faut se rendre à l’évidence qu’il existe quelque chose d’assez malsain dans le fait de continuer à lire ce genre de romans qui utilisent le sordide pour tirer à mort sur la corde sensible, je me suis encore retrouvée avec une putain de gueule de bois livresque pour cause de binge-reading jusqu’à 4h du mat’ et de matage ensuite d’énormes conneries sur YouTube jusqu’à épuisement et annihilation totale de toute forme de pensée.
Toi aussi, refoule tes angoisses et écroule-toi de sommeil avec le Nyan Cat !
Quand je vous disais que ça n’était pas rationnel...
De la critique hystérique (mais pas que)
Autant le dire tout de suite, bien que ce ne soit pas rationnel, cette série peut avoir une grande capacité addictive (même si la décence sociale nous interdit, une fois adultes, de faire la queue de nuit devant une librairie en poussant des petits cris suraigus) : dans le genre thriller estampillé " pour gonzesses ", ça se pose là (moins gore que IL SUGGERITORE, bien que...
Les tribulations d’Erica Falck et Patrick Hedström.